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Un mois sans Bouteflika : « Bombes à retardement » et impasse politique

Un mois sans Bouteflika : « Bombes à retardement » et impasse politique

L’Algérie boucle ce jeudi 2 mai son premier mois sans Bouteflika. Le désormais ex-président a démissionné le 2 avril au soir, 40 jours après le début de manifestations populaires déclenchées par sa résolution à ne pas quitter le pouvoir en briguant un cinquième mandat.

L’histoire retiendra surtout qu’il a abdiqué quelques heures après un dernier coup de sommation ferme du commandement de l’ANP l’invitant à partir. Bouteflika est donc parti paradoxalement sur un clash spectaculaire avec le chef de l’armée.

Paradoxalement, car Ahmed Gaïd-Salah fut l’un des artisans de la longévité de son règne, ne serait-ce que pour avoir soutenu le quatrième mandat en 2014, contre l’avis d’au moins une faction du pouvoir.

Paradoxalement encore, c’est cette même faction qui semble en train de sauver ce qui pourrait l’être du pouvoir de l’ancien cercle présidentiel, du moins à en croire les dénonciations faites publiquement par le même Gaïd-Salah.

Il ne se passe pas un mardi depuis maintenant plus d’un mois sans que celui-ci ne dénonce les agissements de cette faction et les « bombes à retardement » qu’elle a « plantées » allant jusqu’à désigner nommément sa tête pensante : l’ancien chef du DRS.

Ce premier mois de l’après-Bouteflika a donc été rythmé par les répliques parfois spectaculaires de cette guerre des clans qui couvait au sein du régime et que la révolte populaire a fait éclater au grand jour.

A la tête de l’unique institution laissée debout par Bouteflika, le chef d’état-major a logiquement hérité de tout. Du pouvoir de décision mais aussi de ces « bombes à retardement » desquelles il se plaint et qu’il s’attelle, dit-il, à désamorcer au quotidien.

La rue, elle, a clairement signifié que le départ de Bouteflika, sans être un non-événement, n’a jamais été une fin en soi. La preuve, un mois après, la mobilisation est intacte pour réclamer le démantèlement de tout le système. Elle a surtout exprimé son refus de voir sa révolution mise à profit par un clan au détriment d’un autre.

Ce mois qui a suivi la démission de Bouteflika a été aussi marqué par un incroyable déballage public d’affaires de corruption qui laissent le pays sans voix par leur ampleur.

Les « intouchables » de l’ancien régime défilent un à un devant le juge, certains croupissent déjà en prison et d’autres suivront, a promis le général de corps d’armée dans son dernier discours. Même si certains y voient un prolongement de la même lutte des clans, en mettant en avant le fait qu’aucun des hommes d’affaires réputés proches du chef de l’armée n’a été inquiété, il n’en reste pas moins que l’initiative de demander des comptes à ceux qui ont détourné l’argent public et profité des largesses de Bouteflika et son frère demeure louable. Il faut maintenant attendre l’issue de cette énième opération « mains propres » que le régime a l’habitude de lancer pour régler des comptes, et calmer la rue.

Au plan politique, les choses n’ont hélas pas avancé d’un iota. En cause, sans doute l’obstination du chef d’état-major à ne pas sortir du « cadre constitutionnel » et d’aller vers une élection présidentielle que toute la nation rejette.

Le peuple a dit et redit qu’il ne veut pas d’une transition gérée par les institutions et surtout les hommes hérités de Bouteflika, mais Ahmed Gaïd-Salah, tout en se disant du côté de ses « aspirations légitimes », s’obstine dans son refus à donner suite à cette doléance, évoquant le souci de ne pas mener le pays vers le « piège du vide institutionnel ».

Or, il apparaît chaque jour un peu plus évident que cet attachement à la solution constitutionnelle ne mènera à rien, sinon au vide institutionnel justement. Aujourd’hui, l’impasse politique est totale, en attendant les suites que donneront la rue et l’opposition à l’appel au dialogue formulé mardi dernier par le chef d’état-major.

Cette insistance n’aurait eu rien d’inquiétant si les nouveaux tenants de la décision n’avaient pas, parallèlement, entrepris de tordre le coup au magnifique élan populaire pour le changement par la répression, l’empêchement des manifestants de rejoindre la capitale les vendredis, les manœuvres de division…

Surtout si les pratiques les plus honnies du système n’étaient pas en train de renaître au grand jour, comme la main mise sur les médias lourds, les menaces à l’égard des journalistes qui se permettent des « interprétations », l’empressement des professionnels de l’allégeance à refaire surface… La dernière en date de ces dérives c’est cette marche « spontanée » qu’on a tenté d’organiser ce mercredi 1er mai à Djelfa en « soutien à l’armée ». Comme au bon vieux temps.

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