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Ahmed Gaïd-Salah, les deux pieds dans la politique

Ahmed Gaïd-Salah, les deux pieds dans la politique

Ahmed Gaïd-Salah continue à souffler le chaud et le froid. Un mardi il est avec le peuple, un autre il déterre sa solution constitutionnelle que ce même peuple rejette avec force.

Ce mardi 23 avril, qui fait suite au fiasco de la conférence du chef de l’État devant consacrer la voie constitutionnelle comme issue à la crise, c’est pour dire tout son déphasage avec les aspirations du peuple et la réalité du terrain que le chef d’état-major de l’ANP a pris la parole au cours d’une visite en première région militaire.

Au lendemain donc du boycott par toute l’opposition et même des partis de l’ex-alliance présidentielle de la rencontre de Bensalah et au moment précis où les étudiants criaient dans tous les campus du pays leur désir d’une vraie transition, le chef de l’armée assénait que c’est au peuple algérien « souverain » qu’il « appartient de trancher la question lors de l’élection du nouveau président de la République, qui aura la légitimité requise pour satisfaire le reste des revendications populaires légitimes ».

Petite traduction pour ceux qui s’entêteraient à trouver encore de l’ambiguïté à la position de l’armée algérienne et de son chef vis-à-vis de la crise actuelle : la solution, c’est l’élection et c’est à prendre ou à laisser.

Les dernières équivoques, Gaïd-Salah les lèvera en s’en prenant à « certaines voix » qui appellent à « l’entêtement et l’acharnement à maintenir les mêmes positions préétablies », et au « rejet de toutes les initiatives et le boycott de toutes les démarches, y compris l’initiative de dialogue ». Ou encore quand il met en garde que l’armée « ne peut tolérer » « ce phénomène étrange qui consiste à l’incitation à entraver l’action des institutions de l’État et d’empêcher les responsables d’accomplir leurs missions ».

Dans le collimateur du général de corps d’armée, ceux qui continuent à exiger une instance de transition à la place des « 2B » et ceux qui expriment leur rejet du gouvernement Bedoui en empêchant les visites ministérielles et les sorties des walis sur le terrain. En un mot comme en mille, ces actions que regrette le patron de l’armée sont l’œuvre du peuple qu’il dit « souverain ».

L’ambiguité et l’opacité, il les entretient en revanche totalement avec ses allusions qui commencent à lasser à des « complots » qu’il dit porteurs de menaces pour le pays mais dont il n’identifie ni les auteurs ni la substance, comme cette conspiration qui remonte à 2015 et dont les auteurs auraient implanté des « bombes à retardement (…) dans les différents secteurs et structures vitales de l’État ».

Le discours d’Ahmed Gaïd-Salah n’a pas rapproché la fin de la crise d’un iota. Il contient même une petite incohérence qui laisse redouter qu’elle s’éternise encore, lorsqu’il appelle les Algériens à mettre en veille leur détermination, sans trop y croire puisqu’il anticipe la poursuite des marches dont les manifestants sont appelés à préserver « l’aspect pacifique et civilisé et ce, en œuvrant à les encadrer et les organiser en vue de les prémunir de toute infiltration ou dérapage ».

Cette incohérence appelle une interrogation à laquelle seul le temps qui nous sépare de la fin de l’intérim au sommet de l’État apportera une réponse : pourquoi le général insiste-t-il à convier le peuple à une solution tout en étant convaincu qu’il ne suivra pas ? À quoi joue-t-il ? Le temps presse et « si la situation perdure davantage elle aura des conséquences néfastes sur l’économie nationale et sur le pouvoir d’achat des citoyens ». C’est sa formule. « Ces positions obstinées œuvrent à entraîner le pays vers le piège du vide constitutionnel ». C’est aussi de lui.

En parlant d’obstination, ceux qui mettraient la sienne à ne pas lâcher sa solution constitutionnelle tout en étant sûr que le peuple continuera à la rejeter comme au premier jour, sur le compte de quelque ambition inavouable, tiendraient là plus qu’un argument. Il n’est en effet pas difficile de deviner la partie la mieux placée pour tirer profit d’un éventuel vide constitutionnel au lendemain du 4 juillet.

On n’en est pas encore là, mais il n’échappe à personne qu’Ahmed Gaïd Salah ne se gêne plus à s’exprimer comme le véritable maître de la décision. Ce mardi, il a encore assumé l’appel lancé à la justice pour ouvrir ou rouvrir des dossiers et s’est permis d’émettre un avis plus que tranché sur une conférence censée concerner exclusivement la présidence de la République et la classe politique.

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