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Algérie, une première récolte de tournesol décevante

Algérie, une première récolte de tournesol décevante

Le programme national de relance de la culture du tournesol en Algérie prévoyait au printemps de semer 45.000 hectares.

Au terme de la campagne agricole en cours, les surfaces plantées n’atteignent que quelques milliers d’hectares. Premier bilan d’un programme dont l’ambition affichée par les pouvoirs publics est de réduire la facture des importations de l’huile de table brute. L’Algérie veut produire de l’huile de table à base de graines oléagineuses provenant de ses propres champs.

Du tournesol à Annaba, Tiaret et Oran

Dans la wilaya de Guelma la ferme pilote Richi Abdelmadjid a semé 10 hectares de tournesol et revendique un rendement de 30 quintaux par hectare. Confiant, le directeur se dit prêt à reconduire l’expérience l’année prochaine.

À Oued Tlelet (Oran), la ferme pilote Si Miloud a semé 120 hectares de tournesol selon Ennahar TV. Des parcelles irriguées grâce à trois rampe-pivots.

Le meilleur rendement se trouve à El Hadjar (Annaba) où sur 7 hectares, la ferme pilote Bordjiba a obtenu un rendement de 31 quintaux.

À Tiaret, dans le sud de la wilaya, pour la première fois 2 agriculteurs ont semé du tournesol. La date tardive de plantation les a amené à irriguer de façon continue leurs parcelles. Irrigation par goutte à goutte pour Yahi Malek et grâce à un kit d’aspersion pour Dahlab Ahmed.

Le premier confie à la cellule de communication de la wilaya : « Le wali et la direction des services agricoles nous ont encouragé à semer du tournesol. » Ce jeune agriculteur a relevé le défi sur 4 des 50 hectares de son exploitation.

Le second indique qu’après une première année de culture sur 4 hectares, la conduite du tournesol ne pose pas de problème particulier même si une assistance technique sera toujours la bienvenue.

Il semble mitigé cependant concernant l’irrigation : « Ici au sud de la wilaya, avec les températures élevées de cette année, on a pratiquement dû arroser durant tout le cycle soit durant 90 jours ».

Aussi suggère-t-il l’emploi préférable d’une irrigation par rampe pivot vu le coût du mode d’irrigation qui est actuellement le sien et dont il estime le coût à « 25 millions de centimes (250.000 dinars) à l’hectare ».

Les coûts de production plombés par l’utilisation de l’irrigation l’amène à souhaiter une aide complémentaire de l’État. Celle-ci est pourtant conséquente.

Au lancement du programme tournesol, le prix à la livraison a été fixé à 8.500 DA/quintal auquel il faut ajouter un soutien de l’État de 3.000 DA/quintal ou de 3.500 DA lorsque l’agriculteur est affilié à une coopérative. Le collecteur, c’est à dire la CCLS, devrait recevoir 200 DA/quintal et 500 DA/quintal pour le triturateur.

Le tournesol produit à Tiaret devrait être envoyé par la CCLS à Timimoun, distant de 1.200 km. L’objectif est d’approvisionner le sud  en semences. Mais Dahlab Ahmed craint que les frais de transport soient à sa charge. Selon un technicien local, un tel acheminement dépasse à lui seul la valeur du tournesol produit.

Quant à cultiver à nouveau du tournesol l’année suivante, il explique : «Si je dépense 20 ou 40 millions de centimes et même 100, cela ne pose pas de problème si l’État m’aide. Je suis convaincu. Mais un autre, s’il dépense 10 millions et n’en gagne que deux. L’année suivante, il ne recommencera pas. »

Tournesol en Algérie : nécessité d’un retour d’expérience

Un premier bilan montre que les surfaces plantées en tournesol restent en deçà des objectifs du début de campagne. Cependant, les services agricoles et les agriculteurs concernés ont capitalisé une expérience qui devrait être utile pour la suite de cet ambitieux programme.

À l’exception de l’entreprise Orus Agriculture qui annonce sur les réseaux sociaux vouloir semer 2.000 hectares de tournesol dans le sud du pays, les surfaces semées par les fermes pilote du secteur public sont nettement plus importantes que celles du secteur privé.

À la nouveauté de la culture, il faut noter des opérations de semis relativement tardives. Le tournesol présente l’aptitude de germer dès 5°C, ce qui permet d’envisager des dates de semis précoces et ainsi profiter des mois les plus arrosés par la pluie.

Dans les pays voisins, des essais réalisés sur des variétés à cycle long pour des semis de décembre ont permis d’obtenir des rendements de 26 quintaux. Des rendements qui diminuent pour des semis de janvier ou février jusqu’à ne représenter que 13 quintaux pour des implantations réalisées en avril.

Tournesol en Algérie : irrigation, un coût non négligeable

L’apparition de nouvelles variétés à cycle court (90 jours) permet également d’envisager des semis au mois de mai. Cette plasticité du tournesol permet donc différentes époques d’implantation selon les plaines littorales, l’intérieur du pays ou le grand sud.

Ce sont les bilans établis par les services techniques à partir des expériences de terrain qui permettront de déterminer, pour chaque région, les dates optimales.

L’enjeu des dates précoces est d’envisager un recours de l’irrigation seulement lors de la floraison. Avec un coût de 250.000 DA l’hectare irrigué, la marge financière de l’agriculteur se trouve largement entamée.

Tournesol en Algérie : des préoccupations techniques

Les attaques d’oiseaux sont considérées comme très fréquentes pour ce type de culture. Cependant, elles ne semblent pas avoir posé de problème cette année.

Ce n’est pas le cas des mauvaises herbes. En absence d’herbicides appropriés, des exploitants ont eu recours au désherbage manuel alors qu’il existe des possibilités de désherbage mécaniques comme cela est pratiqué par les agriculteurs russes et ukrainiens. Cependant, le type de bineuses utilisé est indisponible en Algérie.

La récolte constitue également un point faible. Des agriculteurs ont utilisé des moissonneuses-batteuses avec des barres de coupe à céréales là où des cueilleurs spécifiques sont indispensables.

Cette pratique a provoqué des pertes lors de la récolte. Des capitules de tournesol avec toutes leurs graines ont parfois été retrouvés au sol après le passage des engins de récolte.

La crainte tenace des impayés

À ces questions d’ordre techniques viennent s’ajouter les préoccupations liées au devenir des récoltes de tournesol. La crainte des agriculteurs de ne pas être payés à temps, voire de ne pas être payés du tout, faute d’acheteurs, reste tenace.

Ce type de situation est improbable quand l’agriculteur produit des céréales comme l’orge qu’il est sûr d’écouler jusqu’à 7.000 DA le quintal en période de disette. Avec le tournesol, la situation est différente. En semer, c’est déléguer à autrui l’arbitrage pour une partie du revenu de l’exploitation.

Dans le cas du tournesol, il s’agit également de déduire du revenu de l’agriculteur la possibilité, comme dans le cas des céréales, de vendre de la paille et de louer après la récolte les chaumes à des éleveurs de moutons.

Des pratiques qui améliorent nettement la marge financière à l’hectare des céréales. Chose impossible dans le cas du tournesol puisqu’il ne produit pas de paille.

Rassurer l’agriculteur

Au-delà des aspects techniques, les services d’État et les industriels des unités de trituration devront rassurer les agriculteurs quant à la capacité de l’État d’acheter leur production et de l’acheminer jusqu’aux usines de trituration.

Le défi est grand d’autant plus qu’à raison d’un rendement moyen de 20 quintaux pour la première étape du programme national visant 45.000 hectares de tournesol, la production potentiellement atteinte est de 90.000 tonnes.

Or, il existe trois unités de trituration. À à elle seule l’usine Cevital de Béjaïa dispose d’une capacité de trituration de 6.000 tonnes/jour. De quoi lui assurer 15 jours de fonctionnement.

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