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Bouteflika : le cinquième mandat en marche ?

Bouteflika : le cinquième mandat en marche ?

L’actuel secrétaire général du FLN est jusque-là considéré comme tout le contraire de son prédécesseur. Autant Amar Saâdani était tranchant, autant Djamel Ould Abbes est loquace mais très peu pris au sérieux.

Un contraste qu’on ne peut s’empêcher de se rappeler avec cette promesse, faite en grande pompe et de la manière la plus solennelle qui soit par le patron de l’ex-parti unique, mais hélas, encore une fois non tenue : la divulgation aux Algériens en mars 2018 du nom de leur futur président.

Le bilan du président

L’échéance est échue et Ould Abbes, à défaut de tenir parole et d’éclairer la lanterne de l’opinion, annonce l’installation d’une énigmatique commission d’élaboration du bilan des réalisations du président de la République, une initiative qui ne fait qu’ajouter du flou à une situation déjà vaporeuse. Il serait exagéré de parler de déception tant personne n’attendait plus quoi que ce soit de Djamel Ould Abbes sur ce volet là et tant on se souvient à peine qu’il a promis un jour de révéler le nom du futur président.

Certains diront que, contrairement à 2014 où Amar Saâdani était réellement dans le secret des dieux et fut le premier à annoncer la candidature du président Bouteflika pour un quatrième mandat, cette fois, pour 2019, qu’il y ait cinquième mandat ou pas, la fumée blanche ne s’élèvera pas de la cheminée du chef du FLN. Mais c’est aller vite en besogne que de le penser, tant les événements semblent s’accélérer.

Certes, on ne peut ne pas lier cette agitation du SG du FLN à l’actualité du parti d’abord. La perspective de la tenue d’une session du comité central le mois prochain pourrait expliquer en effet cet empressement de Ould Abbes, du reste contesté par plusieurs cadres du parti, à se mettre dans la peau de l’interlocuteur privilégié du président et de son entourage.

Pour qui connaît le fonctionnement et l’état d’esprit des cadres du FLN depuis au moins l’avènement de Bouteflika, avoir l’oreille du président est plus qu’un gage de crédibilité, une garantie d’immunité contre les velléités des « redresseurs » de tout bord.

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Coup d’envoi avant l’heure de la campagne ?

Cela dit, il serait imprudent de mettre toutes les déclarations de Djamel Ould Abbes sur le compte de sa légèreté chronique ou des luttes intestines au sein de l’ex-parti unique. Quelque message sibyllin se cache peut-être dans ses propos et initiatives, y compris dans ses contradictions.

On sait maintenant que l’homme s’est fait taper sur les doigts plus d’une fois à chacune de ses improvisations concernant les questions sensibles de la santé du président Bouteflika et surtout de ses intentions quant à son avenir à la tête de l’État, et on le voit mal braver l’interdit présidentiel en lançant lui-même une initiative qui pourrait ouvrir la porte à toutes les interprétations et toutes les lectures.

Dresser le bilan des réalisations du chef de l’État sortant à quelques mois de l’élection présidentielle ressemble en effet à un coup d’envoi avant l’heure de la campagne électorale, donc à un acte de candidature. Un pas que Djamel Ould Abbes, aussi imprudent et aussi léger soit-il, n’aurait jamais franchi sans l’injonction de qui de droit, au risque de s’attirer de sérieux ennuis.

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Il est bien placé pour savoir ce que cela a coûté à l’autre trublion du parti, le député Baha Eddine Tliba, de lancer une pétition de soutien au cinquième mandat, ou encore à l’avocat Farouk Kesentini, humilié publiquement et traité de menteur pour avoir cru déceler chez son ami le président Bouteflika des intentions de rester en poste au-delà de 2019.

Beaucoup a été dit ces derniers mois sur les intentions du président et la moindre déclaration ou initiative de ses soutiens traditionnels ou de son proche entourage est minutieusement analysée pour tenter d’en dégager quelque message.

Les propos de Lakhdar Brahimi

À ce titre, les propos rassurants sur « les capacités intellectuelles » du président, tenus il y a quelques semaines par le diplomate Lakhdar Brahimi qui le rencontre régulièrement, ont été interprétés comme une manière de préparer l’opinion, sceptique devant l’état de santé du président, à accepter un autre mandat de celui-ci.

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En revanche, le démenti apporté à Me Kesentini, la tempête créée par l’initiative de Tliba et l’interdiction faite par Ould Abbes aux militants d’évoquer le cinquième mandat ont été perçus comme autant d’éléments concordants qui indiquent bien que le président n’a pas forcément l’intention de rempiler. Des éléments confortés par le message du chef de l’État à l’occasion de la fête de la Victoire, dans lequel il a appelé à « une confrontation des programmes » dans la « course au pouvoir ».

Tout cela semblait concorder jusqu’à cette énigmatique commission annoncée par Djamel Ould Abbes qu’il serait aisé d’interpréter comme un cinglant démenti à ceux qui ont vite conclu à une opposition de la famille du président à l’option d’un cinquième mandat. D’autant plus que l’homme est vite passé à l’acte en ressassant, ce samedi 31 mars, aux habitants de Tamanrasset, tout ce qu’ils doivent au président, dont le mégaprojet de transfert d’eau de Aïn Salah ou encore l’alimentation de la capitale du Hoggar en gaz de ville. Sa rencontre avec les élus de cette ville du grand Sud ressemblait à s’y méprendre à un meeting électoral.

Mais là aussi, et en attendant l’entrée en scène des autres traditionnels soutiens de Bouteflika, il serait plus que hâtif de déduire quoi que ce soit concernant les intentions de ce dernier. Quand bien même le chef du FLN n’aurait pas agi seul, il serait hasardeux d’interpréter une campagne de valorisation des réalisations du président comme le prélude à un acte de candidature.

Beaucoup de signaux contradictoires ont été en effet envoyés à l’opinion ces derniers mois et il ne serait pas inopportun de parler d’autant de ballons de sonde qui éclairent davantage ceux qui les lancent et ajoutent au flou qui embrouille l’opinion. Quoiqu’il en soit, on sait maintenant d’expérience que le président Bouteflika est de ceux qui attendent la dernière minute pour faire part de leurs intentions.

S’il devait annoncer quelque chose plusieurs mois avant l’échéance, c’est sa décision de se retirer. Cela donnerait plus d’intérêt et de crédit à la prochaine présidentielle et permettrait aux éventuels candidats et à la classe politique de se préparer à la « confrontation des programmes » pour la « course au pouvoir » à laquelle il a appelé il y a à peine deux semaines. A contrario, chaque jour qui passe sans annonce concrète nous rapproche inexorablement de l’option d’un cinquième mandat.

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