En dépit d’une forte dose de dépenses publiques, la relance de l’activité économique risque de ne pas être au rendez-vous cette année et encore moins l’année prochaine.
Rendues publiques hier, les prévisions de la Banque Mondiale (BM) relancent les doutes sur les perspectives de croissance de l’économie algérienne en 2018. La croissance prévue par la BM en 2018 est seulement de 2,5 %, un chiffre très inférieur aux 3,5 % encore annoncés en avril dernier. Le rapport prédit également un nouveau ralentissement de la croissance qui devrait être de 2,3 % en 2019 et de 1,8 % en 2020.
L’efficacité des dépenses publiques en question
Jusqu’à une date toute récente, le scénario économique envisagé par le gouvernement pour l’année 2018 semblait pourtant devoir se réaliser sans encombre. Ce sont les institutions financières internationales ou continentales elles-mêmes qui, depuis le début de l’année, paraissaient confirmer avec un bel ensemble les prévisions des pouvoirs publics algériens.
Au printemps dernier, la BM estimait encore : « En Algérie, les nouvelles dépenses publiques d’investissement liées au budget 2018 et l’orientation budgétaire plus expansionniste que prévu devraient doper la croissance à court terme ».
La forte révision en baisse des estimations de croissance de la Banque Mondiale, dans son dernier rapport, pour cette année ne contredit donc pas seulement les prévisions du gouvernement algérien, qui tablent toujours sur 4% de croissance, cette année. Elle soulèvent également le problème de l’efficacité de l’injection de dépenses publiques massives en l’absence de réformes de structure de l’économie.
On attend maintenant les prévisions du FMI qui ne devraient pas tarder. Dans son dernier rapport publié, en avril, le fond monétaire international annonçait 3% de croissance pour l’année en cours. Une cadence qui devait se maintenir en 2019, mais avec une légère baisse à 2,7%, selon les mêmes projections.
La BAD enthousiasmée par le plan de relance algérien
Pour l’instant, il ne reste plus que la Banque Africaine de Développement (BAD) pour partager l’optimisme du gouvernement algérien. Dans son dernier rapport, qui date cependant du début de l’année, la BAD se montrait encore très enthousiaste à propos du plan de relance des dépenses publiques qu’elle jugeait «audacieux» en prévoyant «une croissance du PIB algérien à 3,5% en 2018 et 3,8% en 2019».
Des chiffres qui annonçaient, selon l’organisme panafricain, «un retour de la croissance à un niveau comparable à ceux d’avant 2017» grâce, entre autres, «aux efforts d’assainissement des dépenses publiques, au rééquilibrage des comptes extérieurs, à la poursuite de la reprise du secteur des hydrocarbures, ainsi qu’à la relance des investissements publics».
Le diagnostic très froid de la Coface
Dans ce contexte, la publication au printemps dernier du «Guide 2018» de la Coface avait fait un peu l’effet d’une douche froide. Beaucoup plus pessimiste que le gouvernement algérien, mais aussi que des organismes internationaux comme la Banque mondiale ou la BAD, la compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur estimait que l’économie algérienne «devrait continuer à ralentir en 2018».
A contre-courant du gouvernement algérien et des organismes multilatéraux, elle anticipait ainsi une nouvelle baisse de la croissance à seulement 1,5%, en 2018.
Finalement, il se pourrait bien que le profil de la croissance de l’économie nationale pour cette année et sans doute encore plus pour l’année prochaine se rapproche sensiblement de la description faite en début d’année par la Coface
Explications. Dans le secteur des hydrocarbures, tout d’abord, la Coface considérait que la reconduction des quotas dans le cadre de l’accord OPEP devrait limiter la croissance du secteur pétrolier « déjà pénalisée » par le manque d’investissement et l’arrivée à maturité de certains champs.
Elle ajoutait qu’une nouvelle loi visant à accroître l’attractivité du secteur auprès des investisseurs étrangers en limitant les restrictions imposées aux compagnies étrangères devrait être mise en place en 2018 mais ses effets ne devraient pas être visibles à court terme.
Par ailleurs, l’activité hors pétrole devrait «montrer des signes d’essoufflement», indiquait dans son analyse la compagnie d’assurance française. Elle estimait ainsi que «la poursuite du soutien à la consommation en augmentant les dépenses sociales se fera au détriment de l’investissement public»
Pour la Coface, « l’impact de la hausse des dépenses sociales de l’Etat algérien sur le pouvoir d’achat des ménages devrait en outre être limité par la hausse de l’inflation». Des analyses qui valent pour cette année et qui semblent devoir s’appliquer encore plus au contexte de l’année prochaine compte tenu des options retenues par la loi de finance 2019.
Chômage et pauvreté en hausse
La faiblesse de la croissance enregistrée cette année ainsi qu’au cours des deux années à venir devrait décevoir les attentes du gouvernement et avoir des conséquences importantes sur la situation de l’emploi et le climat social de façon général .
«En Algérie, la croissance devrait rester stable, à plus de 2% en moyenne, jusqu’à la fin de la décennie, mais ce taux est trop faible pour créer suffisamment d’emplois pour le grand nombre de jeunes chômeurs du pays», peut-on lire, dans le dernier rapport de la BM.
La Banque mondiale relevait déjà en avril qu’il sera difficile pour le taux de croissance du PIB de dépasser le seuil de 2% sur la période 2019-20, ce qui représente une progression anémique pour un pays à revenu intermédiaire comptant une très forte proportion de jeunes.
Au printemps 2018, le taux de chômage avait déjà franchi la barre des 12%. Il était de 11,7% en septembre 2017, soit un niveau sensiblement plus élevé que celui de 10,5% enregistré en septembre 2016. Le chômage est particulièrement important parmi les personnes instruites, les jeunes et les femmes.
Pour la BM, la montée du chômage compromet la réduction de la pauvreté. Elle estime qu’au cours des deux années à venir près de «dix pour cent de la population pourrait retomber dans la pauvreté». En outre, les disparités régionales sont toujours importantes puisque certaines régions affichent des taux de chômage qui représentent le double ou le triple du taux national.