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Devises : les effets attendus de la baisse du dinar algérien sur le marché noir

Devises : les effets attendus de la baisse du dinar algérien sur le marché noir

Où va le dinar algérien sur le marché noir des devises ? L’interrogation est légitime au vu de l’érosion inexorable de la valeur de la monnaie nationale face aux principales devises étrangères sur le marché noir. Au Square-Port d’Alger, depuis près d’un mois, l’euro s’échange au-dessus de 240 dinars algériens sur le marché parallèle.

Au cours officiel de la Banque d’Algérie, l’équivalence est de 144,81 dinars pour un euro. Le taux reste loin du record absolu de l’euro établi en janvier 2021, à 162,77 dinars.

Mais au marché noir des devises, c’est la plongée pour la monnaie nationale. Au Square d’Alger, principale place de change parallèle du pays, c’est 241,5 dinars pour un euro ce dimanche 11 février. Le 29 janvier, il avait atteint le record de 242,5 dinars l’unité. Le dollar s’est aussi envolé sur le marché noir des devises : ce dimanche, le billet vert s’échange à 223,5 dinars.

L’écart entre les deux cours, officiel et informel, ne fait que s’élargir et la double cotation, hautement préjudiciable pour le pouvoir d’achat des Algériens et l’économie du pays de l’avis des économistes, est partie pour durer.

En août 2020, l’écart entre les deux cours était de 35 dinars. Il s’élève désormais à 85 dinars sur un seul euro échangé.

En juin 2023, la Banque mondiale avait établi une liste de 14 pays, parmi lesquels l’Algérie, où le double taux de change était jugé « problématique », soit avec un différentiel de plus de 10 % entre les cours officiel et parallèle.

Pour la Banque mondiale, le marché noir de la devise perturbe tous les circuits de l’économie, cause de l’inflation, freine l’essor du privé et la croissance économique et décourage l’investissement étranger.

Les économistes expliquent aussi que les tricheries et fraudes à l’importation, comme la surfacturation ou la sous-facturation, sont dues essentiellement à l’existence d’un double taux de change, qui est désigné par la Banque mondiale dans le même rapport comme source de corruption, puisque seuls des « privilégiés » ont accès à cette forme de devise « subventionnée ».

Inflation, bureaux de change, transferts des expatriés : les effets attendus de la baisse du dinar algérien sur le marché noir

Outre l’aggravation du gap entre les deux cours, la baisse de la valeur du dinar algérien sur le marché noir risque de porter vers le haut un taux d’inflation déjà problématique.

Les marchandises importées et celles produites localement avec des intrants importés risquent logiquement de voir leurs prix augmenter.

L’autre effet direct est la hausse inévitable des frais de voyage à l’étranger, que ce soit pour les touristes, les étudiants ou les malades, et sans doute aussi du coût d’acquisition à l’étranger des véhicules de moins de trois ans d’âge, autorisée par l’Algérie depuis début 2023.

Ainsi, pour les étudiants algériens qui poursuivent leurs études à l’étranger, la hausse de l’euro sur le marché noir des devises va impacter lourdement le portefeuille de leurs parents.

Avec un euro à plus de 240 dinars, ils devront débourser davantage d’argent pour acheter de la devise sur le marché afin de permettre à leurs enfants de poursuivre leurs études à l’étranger.

Même chose pour les soins dans les hôpitaux français ou turcs : avec un tel niveau de l’euro sur le marché, ils seront réservés désormais aux hyper riches.

Pour le tourisme et les voyages à l’étranger, une forte hausse de l’euro et du dollar sur le marché noir renchérit considérablement des destinations qui étaient à la portée de nombreux Algériens comme l’Europe, la Turquie, et même l’Égypte.

Avec une allocution touristique dérisoire qui est toujours de 15.000 dinars par personne et par année, les Algériens sont obligés de se rabattre sur le marché noir pour acheter des devises pour pouvoir passer des vacances à l’étranger.

Mais pour les touristes étrangers, cette baisse du dinar algérien sur le marché noir est une aubaine, comme le souligne le site spécialisé Voyage Lowcost dans un article publié le 6 février dernier. Avec un euro à plus de 241 dinars, le pouvoir d’achat des touristes étrangers « explose », note le site.

Pour les Algériens de l’étranger qui veulent acheter des biens en Algérie, c’est aussi une aubaine.

En outre, cette hausse accentue la fuite des capitaux vers l’étranger et compromet le projet de contrôle du marché des devises. Début novembre dernier, l’Algérie a lancé le processus d’ouverture des bureaux de change avec la publication au journal officiel du règlement y afférent de la Banque d’Algérie.

Il est attendu des bureaux de change de notamment contribuer à la lutte contre le marché informel de la devise et capter les transferts des Algériens expatriés, dont le gros s’effectue par les circuits parallèles.

L’élargissement du différentiel entre les cours officiel et parallèle du dinar risque de rendre caducs les bureaux de change envisagés et d’hypothéquer carrément leur ouverture.

Avec un différentiel de 85 dinars sur un seul euro, touristes et nationaux expatriés continueront naturellement à se ruer sur les places de change parallèle plutôt que sur les bureaux de change dûment agréés.

Avec une telle situation, l’Algérie devra continuer à se priver de l’argent de sa diaspora. Selon la Banque mondiale, les Algériens expatriés ont transféré vers le pays 1,8 milliard de dollars en 2022.

Une broutille par rapport aux montants transférés par les ressortissants de certains pays d’Afrique et du Maghreb. Pendant la même année, les Égyptiens ont transféré, principalement à partir des pays du Golfe, notamment l’Arabie Saoudite, 28,3 milliards de dollars, suivis des Nigérians (20,1 milliards) et les Marocains avec 11,2 milliards de dollars. Même la Tunisie a fait mieux que l’Algérie en recevant 3,1 milliards de dollars pendant la même année.

Les économistes nuancent toutefois ces chiffres, expliquant que les Algériens envoient bien plus d’argent vers le pays, mais il est impossible à quantifier et à inclure dans le PIB puisqu’il passe en grande partie par les circuits informels à cause du différentiel important entre les cours officiel et parallèle.

Pour l’Égypte par exemple, les transferts des nationaux expatriés représentent plus de 6 % du PIB. Tout récemment, les autorités égyptiennes ont décidé de s’attaquer frontalement au marché informel de la devise.

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