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DOCUMENT- Cahier des charges : six pages pour organiser l’industrie automobile en Algérie

DOCUMENT- Cahier des charges : six pages pour organiser l’industrie automobile en Algérie

Sidali Djarboub / NEWPRESS
Abdeslam Bouchouareb, ex-ministre de l'Industrie et des Mines

La polémique sur le montage automobile tourne au scandale. Les propos du ministre de l’Industrie Bedda Mahdjoub sur la viabilité du modèle ont dévoilé une partie de la supercherie. Plus grave, les conditions d’investissement diffèrent d’un projet à un autre.

Le cahier des charges « portant conditions et modalités d’exercice de l’activité de production et de montage de véhicules » n’est en effet pas unique. Au moins deux documents, que nous avons obtenus, ont été délivrés par le ministère de l’Industrie et des Mines, sous Abdeslam Bouchouareb, à des opérateurs.

Dans le premier document, la présence du constructeur dans le capital de l’entreprise de production n’est pas obligatoire. L’alinéa 2 de l’article 4 (page 2) énonce : « Le protocole d’accord et/ou accord de partenariat précisant que l’investissement projeté s’inscrit dans le cadre d’un partenariat industriel avec un partenaire technologique de premier rang et de renommée internationale pour les véhicules motorisés ».

Dans le deuxième cahier des charges, un paragraphe a été ajouté et mentionne clairement l’obligation pour le constructeur de prendre une participation dans le capital de l’usine algérienne. Il est écrit : « La production ou le montage de véhicules particuliers, dans le cadre d’un nouveau partenariat industriel, est subordonné à une prise de participation du constructeur dans le capital social de la société de projet, dans le respect de la réglementation en vigueur ». À part cette obligation, les deux cahiers des charges sont identiques.

Un amateurisme inquiétant

En plus de l’inégalité des conditions d’investissement, le cahier des charges dévoile l’amateurisme du ministère de l’Industrie et des Mines dans la conception d’un document, qui est censé constituer le socle de l’industrie automobile en Algérie, présenté comme le cœur de la stratégie industrielle du précédent gouvernement.

Le document est composé de moins de six pages (sept pages, si on compte la page de garde) et de 17 articles seulement. Très peu volumineux, le cahier des charges est peu consistant en matière de contenu. Plein de généralités, il semble avoir été rédigé dans la plus grande précipitation. Il illustre surtout une méconnaissance totale du secteur et une absence de vision de la part de Bouchouareb.

Calcul du taux d’intégration : la grande supercherie

Les articles comportent des généralités, d’autres sont flous. Par exemple, l’article 9, qui définit le taux d’intégration et la méthode de son calcul. « Par taux d’intégration, il y a lieu d’entendre, au sens du présent cahier des charges, l’atteinte d’un taux minimum des activités réalisées en Algérie concourant à la production du produit final, soit en usine ou par la sous-traitance locale », énonce l’article 9 du cahier des charges. Ce taux d’intégration est la somme des coûts locaux (CL) et de la valeur des achats locaux (AL) divisé par la somme des coûts locaux (CL), des achats locaux (AL) et de la valeur des achats à l’importation (AI).

 

« Les achats locaux sont comptabilisés en tant qu’intégration locale et concernent les matières, les pièces de première monte, les composants fabriqués localement y compris ceux issus de la sous-traitance locale, la logistique et les prestations locales achetées », détaille le même article.

Cet article ouvre la voix à toutes les interprétations de la part des constructeurs. Les achats et les coûts « locaux » sont en effet des notions vagues qui peuvent inclure des prestations comme le gardiennage, le transport, la conciergerie, la restauration des employés, etc.

Du coup, la définition du taux d’intégration, très vague, peut prêter à différentes interprétations, ce qui pourrait conduire à des conflits entre les constructeurs et les autorités. Mais cette disposition arrange surtout les constructeurs qui peuvent prétendre avoir atteint un taux élevé d’intégration en jouant sur les coûts locaux et des achats locaux, qui ne sont pas liés directement à la fabrication des pièces destinées à la voiture.

Renault Algérie a annoncé un taux d’intégration de 30% en novembre. En mars dernier, Bouchouareb évoquait un taux d’intégration de 20% pour l’usine d’Oran du constructeur. Des chiffres que ne semble valider le nouveau ministre de l’Industrie Bedda Mahdjoub.

Pour les objectifs à atteindre, le cahier des charge se contente du strict minimum : l’article 10 donne aux fabricants un délai de trois ans pour atteindre un taux d’intégration de 15% et cinq ans pour atteindre 40%. Des chiffres qui semblent avoir été choisis de manière totalement arbitraire, sans aucune prise en compte de la réalité de la situation de l’industrie en Algérie.

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