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Entretien avec le chef d’Al Ahmadyya en Algérie

Entretien avec le chef d’Al Ahmadyya en Algérie

Mohamed Fali est le chef du groupe des Ahmadis en Algérie. Pour la première fois, il revient sur les poursuites judiciaires contre les adeptes de ce groupe, les appréhensions des autorités et la création du mouvement en Algérie.

Combien de Ahmadis sont aujourd’hui poursuivis en justice ?

Jusqu’à maintenant, nous sommes 286 personnes à être poursuivis en justice. Plus de 160 ont déjà été condamnées.

Vous êtes personnellement poursuivi dans plusieurs wilayas. Quelles sont les accusations formulées contre vous ?

Je suis poursuivi par six tribunaux. Les accusations sont les mêmes partout. Il s’agit notamment de collecte de fonds sans autorisation, constitution d’association sans agrément et atteinte au Prophète.

Est-ce que votre groupe a une existence légale en Algérie ?

Fin 2016, nous avons tenté de créer une association de bienfaisance vu qu’il est un peu difficile de créer une association religieuse. Nous avons tenu une assemblée constitutive et nous avons déposé notre dossier au niveau du ministère de l’Intérieur. Il a été rejeté.

Comment expliquez-vous cette appréhension des autorités vis-à-vis de votre groupe ?

La majorité de ceux qui éprouvent une grande peur d’Al Ahmadyya sont les Machayekh (les hommes de religion) et surtout les adeptes du Wahhabisme éradicateur. La culture d’Al Ahmadyya ne les sert pas parce que c’est une culture pacifique. Ils la combattent partout. Mais les autorités nous connaissaient bien avant 2016.

Que s’est-il passé pour que les autorités changent d’attitude ?

Il faut leur poser la question. Les autorités nous connaissent et je les ai rencontrées à plusieurs reprises. Les services de sécurité nous voyaient avec nos livres. Pour moi, la crise économique est l’une des principales raisons (de ce changement d’attitude). (Derrière les poursuites judiciaires, NDLR), peut-être qu’il y a même une intervention étrangère. Le wahhabisme est présent avec force en Arabie saoudite.

Comment le groupe islamique des Ahmadis a vu le jour en Algérie ?

Le groupe islamique des Ahmadis a commencé à voir le jour en Algérie à partir de 2006. Mais il s’est bien développé en 2007 quand la chaîne de télévision du mouvement, MTA, a commencé à émettre en arabe sur Nilesat. C’est d’ailleurs via ce média que personnellement j’ai appris l’existence de ce groupe. Leur exégèse (explication et commentaire) du Coran m’avait beaucoup plu. MTA a apporté des réponses aux questions que je me posais dont celles liées aux accusations de terrorisme dont fait l’objet notre religion. Al Ahmadyya a démontré que l’islam est à l’origine une religion de paix. Elle n’est pas venue avec l’épée mais avec des idées et la liberté. L’un des principaux versets (du Coran) dit : « Nulle contrainte en religion. La bonne voie est désormais distincte de l’erreur… ».

Le ministre des Affaires religieuses a estimé que les principes de votre groupe ne sont pas islamiques en citant des conseils scientifiques qui ont étudié la question. Qu’en dites-vous ?

Pour nous, celui qui peut juger ou décider que nous sommes musulmans ou non est Dieu et non les êtres humains. Nous affirmons que nous sommes musulmans. Que nous attestons qu’il n’y a pas de divinité en dehors de Dieu et que Mohamed est l’envoyé de Dieu. Nous croyons en tout ce qu’a rapporté le prophète Mohamed, que le salut de Dieu soit sur lui. Cela étant dit, les déclarations des individus ne m’intéressent pas. Personnellement, je crois que je suis musulman. Quelle est la définition d’un musulman comme l’a rapporté le prophète Mohamed (QSSL) ? C’est chaque personne qui prononce la profession de foi.

On vous accuse pourtant d’atteinte au prophète Mohamed…

Ce sont justement des accusations qu’ils retrouvent chez les anti-Ahmadyya. Un Ahmadi croit en islam comme l’a rapporté le prophète Mohamed (QSSL), le dernier des prophètes. Pour nous, le fondateur de Ahmadyya, Mirza Ghulam Ahmad est un prophète mais pas à la même échelle que Mohamed que le salut de Dieu soit sur lui. Nous l’appelons imam El Mahdi. Il a fondé le mouvement en 1889. Le prophète Mohamed est le dernier des prophètes législateurs.

Qu’est ce qui fait la différence entre votre mouvement et les autres ?

On ne comprend pas les choses comme les autres. Pour nous par exemple, la légende et le mythe n’existent pas dans la religion. Quand on lit certains détails dans l’histoire des prophètes, on a l’impression que c’est Les mille et une nuits. On retrouve des djinns, le prophète Moussa qui se bat avec une pierre, le prophète Mohamed qui est victime de sorcellerie, Soleimane qui parle avec une fourmi. Chez nous, il n’y a pas ça.

On vous accuse aussi de prosélytisme…

On ne fait pas de prosélytisme. La plupart de ceux qui ont rejoint le groupe ont d’abord regardé la MTA. On ne peut pas aller vers les gens et leur parler. Dans les pays où on est agréé, on met des livres sur une table. Celui qui est intéressé vient (vers nous). On ne fait pas de prosélytisme même au sein de nos familles.

Combien d’adeptes d’Al Ahmadyya comptez-vous en Algérie ?

Depuis que la chaîne de télévision a commencé (à émettre en arabe, NDLR), l’adhésion est devenue régulière. Aujourd’hui, nous sommes près de 2000 Ahmadis.

Comment ont-ils fait pour adhérer au mouvement ?

Tous les membres en Algérie ont découvert Al Ahmadyya à travers la chaîne MTA. Chaque personne séduite par le discours peut se connecter sur notre site. Sur la plateforme, il trouve un document administratif pour être membre du groupe islamique. Il le remplit et le renvoie. Dès qu’ils s’inscrivent, on m’envoie directement leurs numéros. Je les appelle et on se rencontre.

Dans quel but votre groupe récolte-t-il de l’argent ?  

Parmi les principes de notre groupe, figure la dépense (l’aumône). Nous nous entraidons entre nous. Ce sont des sortes de cotisations. Quand il y a quelqu’un parmi nous qui se retrouve malade ou qui veut se marie, on l’aide. On ne va pas vers les gens pour demander de l’argent.

Est-ce que l’association mère qui se trouve à Londres vous finance ?

Non. Tous les groupes se prennent en charge seuls.

Est-ce que l’association à Londres a eu des contacts avec les autorités par rapport à ces poursuites judiciaires ?

Jusqu’à maintenant, il n’y a pas de contacts. La plupart des interventions sur le sujet se font à travers la MTA. En Algérie, nous avons tenté de rencontrer le ministre pour lui expliquer que les médias ont sali notre image et pour nous défendre. Nous avons envoyé des lettres. Mais jusqu’à maintenant, il n’y a pas de réponse.

Qu’est-ce que vous comptez faire pour faire face à cette situation ?

Nous sommes connus par notre pacifisme et notre patience. Nous n’avons jamais eu de réaction violente. Nous allons continuer à dialoguer.

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