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Gaz : pourquoi Sonatrach mise sur le marché asiatique

Gaz : pourquoi Sonatrach mise sur le marché asiatique

Le PDG de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, a annoncé lundi 12 février que l’Algérie allait acquérir de nouveaux méthaniers pour affréter son gaz en Asie. La compagnie nationale des hydrocarbures envisage une augmentation de ses exportations dans la région.

« Avec la Russie et les États-Unis, la concurrence sur le gaz est difficile », a reconnu Ould Kaddour, selon des propos rapportés par l’agence Reuters, lors d’une visite au champ pétrolier de Hassi Messaoud. « L’Europe est notre client traditionnel mais nous devons sécuriser les marchés asiatiques pour vendre notre gaz », a-t-il expliqué en début de semaine.

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Forte concurrence en Europe 

Cette annonce intervient en effet dans un contexte où de nouveaux acteurs sur le marché gazier bousculent l’ordre établi. Selon les estimations de l’agence américaine d’information sur l’énergie (EIA), les États-Unis sont en phase de devenir, d’ici 2020, le troisième exportateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL) après le Qatar et l’Australie. Depuis 2016, le gaz de schiste américain a d’ailleurs fait son apparition en Europe.

À cela, il faut ajouter les récentes découvertes de gaz dans les eaux territoriales égyptiennes, et l’intention du Qatar d’augmenter sa production du gaz.

Enfin, un projet énergétique, le TAP (pour « Transadriatic Pipeline »), doit prochainement raccorder l’Europe au réseau de gaz en provenance des champs gaziers d’Azerbaïdjan, et doit, dès 2020, livrer 10 milliards de m3 de gaz par an à l’Union européenne.

De plus -bien qu’elle ne soit pas d’actualité à ce jour- l’hypothèse d’un acheminement de gaz en provenance du Turkménistan en Europe est toujours possible. Bref, la diversification de l’offre place en position de force les pays importateurs qui ont la main sur les prix.

Si l’Algérie reste historiquement l’un des principaux fournisseurs de gaz en Union européenne, elle est désormais contrainte de diversifier ses marchés.

Mais la pression de la concurrence n’est pas la seule explication. « L’Union européenne reste un marché important mais qui n’a plus -ces dernières années- la même dynamique de croissance », note Francis Perrin, spécialiste des problématiques énergétiques et directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

 De plus, rappelle le spécialiste interrogé par TSA, « Sur le marché européen, le gaz est pris en tenaille entre la montée des énergies renouvelables et le charbon qui reste très important en Allemagne par exemple ».

Croissance de la demande en Asie

Pendant ce temps, la demande de la croissance mondiale de gaz est tirée par l’Asie (en Chine et en Inde). Sur l’ensemble de 2017, les importations chinoises de gaz naturel (acheminements par navire et par gazoduc) ont gonflé de 27%.

 « Il y a une très forte hausse de la demande de LNG en Asie, principalement liée à la Chine », confirme Juan Camilo Rodriguez, analyste chez Alpha Value. « Le pays développe en effet une stratégie qui vise à réduire l’utilisation du charbon pour le chauffage urbain au profit du gaz ».

À ce facteur, « il faut ajouter la baisse de la consommation de charbon pour produire de l’électricité et le non-redémarrage de centrales nucléaires au Japon qui vont impacter positivement la demande de gaz en Asie », détaille l’expert du marché gazier à TSA.

Selon un rapport sur les perspectives d’ici à 2040 de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), la part du gaz dans le mix énergétique global passera d’environ 21,5% en 2015 à plus de 25% en 2040, dépassant ainsi le charbon et devenant le deuxième combustible le plus important dans le mix énergétique.

Pour l’heure, la présence de l’Algérie sur le marché asiatique est anecdotique. Quelques livraisons de gaz ponctuelles tout au plus. L’Europe continue de représenter 90% des exportations de gaz de Sonatrach. Mais la forte croissance de la demande en Asie suscite la convoitise de tous les exportateurs de gaz. À commencer par les États-Unis.

Si le marché asiatique est si attractif, pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour s’y intéresser ? « Les Algériens n’ont pas pris assez tôt la mesure de l’importance de ce marché », reconnaît Francis Perrin. « Mais l’Algérie n’est pas la seule. La Russie, pourtant premier exportateur mondial de gaz et premier sur le marché européen, se tourne également vers l’Asie car elle doit diversifier ses marchés », précise-t-il.

Mix énergétique pour la demande intérieure

L’annonce de Sonatrach intervient également dans le contexte de l’accord Opep de limitation de la production qui risque de limiter la croissance du secteur pétrolier. Est-ce à dire que la compagnie nationale des hydrocarbures cherche à compenser la baisse de ses revenus pétroliers ?

« Pas forcément, estime Francis Perrin, car même si l’Opep mettait un terme à l’accord, l’Algérie n’aurait pas -pour l’instant, et contrairement à d’autres pays- un potentiel de croissance de sa production pétrolière ».

Pour le spécialiste, il faut plutôt voir dans la stratégie de Sonatrach une prise de conscience. D’un côté, le pays doit faire face à une forte croissance de sa demande intérieure, de l’autre -en qualité d’important producteur de gaz- il doit s’assurer des exportations suffisantes.

Une situation tendue qui peut d’ailleurs expliquer un « incident » de livraison de gaz début 2017 au terminal méthanier de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), en raison d’un « problème de production ».

« L’objectif est d’intensifier le mix énergétique en faisant monter en puissance les énergies renouvelables afin de réserver le gaz à l’exportation », avance le chercheur à l’IRIS. Il y a quelques jours, le géant français de l’énergie Engie (ex-GDF-Suez), filiale de Suez, a signé un protocole d’accord dans le secteur des énergies renouvelables avec Sonatrach. En parallèle, l’Algérie -qui dispose de réserves considérables- veut exploiter son gaz de schiste

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