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Hommage à Mouloud Achour : maintenant que tu n’es plus là

Hommage à Mouloud Achour : maintenant que tu n’es plus là

Comment parler de toi au passé, toi qui étais le présent incarné dans toute sa richesse, richesse des mots et de leurs jeux, richesse de ta chaleur et de ton sourire, richesse de ton humanité et de ta gentillesse.

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Oui, Mouloud  tu étais bienveillant et bon dans un monde des lettres sans pitié où le talent est écrasé avant même qu’on lui laisse le temps d’éclore.

D’un mot tu aurais pu tuer dans l’œuf des générations d’aspirants-écrivains, avec ton cœur et ta plume tu en as fait des écrivains de talent.

Tu voyais le fond, jamais la forme, tu voyais le cœur, jamais la rancœur, tu voyais l’amour jamais la haine qui ne faisait pas partie de ton monde, le monde d’hier pour paraphraser Zweig tant celui d’aujourd’hui est moins riche en humanité que celui de nos ainés.

Mais il nous restait toi Mouloud de ce monde d’hier, et on se disait : tout n’est pas perdu puisqu’il reste un homme qui pourrait nous rappeler le meilleur de l’Algérien : la droiture morale, l’intégrité et la bienveillance.

Tu nous restais comme un phare, comme une consolation, comme un refuge par mauvais temps.  Et on était heureux que tu existes, car au moindre doute on refluait vers toi comme la marée reflue vers la mer.

Tu n’étais pas la marée car tu ne sais pas refluer, ce n’était pas ton style le reflux avec tout ce qu’il charrie, tu étais la mer et son eau nourricière et riche, et comme elle on te croyait éternel. Tu étais sans le savoir et sans le vouloir le modèle de tes cadets, toi qui avait une sainte horreur des modèles.

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Tu disais souvent que chacun devait trouver sa propre voie et creuser son propre sillon. Oui, Mouloud tu avais raison, comme toujours.

Mais tu ne pouvais pas nous empêcher de penser à toi comme modèle et comme maitre. Sénac l’Algérien, le plus grand de nos poètes, avait Camus et Char, Camus avait Germain et Grenier…

C’est tout ? Non. Cette terre d’Algérie si féconde nous a offert en cadeau, comme un miracle, Mouloud Achour qui a nourri beaucoup d’entre nous de son talent, de sa gentillesse et de son immense culture.

À bien des égards Mouloud tu étais un homme d’hier perdu dans le monde d’aujourd’hui où les réseaux sociaux fabriquent des écrivains à la pelle où les médiocres sont sous les lumières et les purs, les vrais écrivains font profil bas sans bassesse. Parfois, quand tout est mêlé, quand tout est enchevêtré, quand on ne sait plus qui est qui, quand n’importe quel « Barah » se dit chanteur et n’importe quel troubadour se dit artiste, il ne reste plus qu’à se taire.

Tu te taisais, car tu savais que seul le silence est grand. Ton silence n’est pas d’approbation, ni circonspection, ni de prudence, c’est un silence de sage qui ne parle jamais en vain.

Et à ta manière tu étais un sage et comme tous les sages tu ne délivrais aucun message sinon celui de la tolérance, ce qui manque tant à notre société. La voilà encore plus amputée. Amputée de toi. Pas d’accord ? Pour une fois, je ne te suivrai pas.

Ta modestie, ton humilité et ton horreur des lumières ont fait que tu n’as jamais voulu te vendre pour tenir le haut de l’affiche, tu avais raison mon cher Mouloud : tu étais l’affiche même.

Malgré toi. Malgré le sort. Tu sais pourquoi ? Parce que ta place est toujours sur les hauteurs même si une fois tu m’as dit que tu avais le vertige du vide en ajoutant : « Ce n’est pas pour autant que je vais vider mon sac ! »

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On avait bien ri ensemble. Toi avec des rires étouffés et moi à m’étouffer. Trait d’humour, vérité ? Que dirons-nous maintenant que tu n’es plus là ? Le vide que tu as laissé nous vide. Où retrouverons-nous ton double ?

Peux-tu bien nous le dire toi qui n’as jamais caché une vérité sauf celle qui fait mal, toi qui n’a jamais fait de mal même à une mouche.

Maintenant aussi, je sais bien, tu ne diras rien, car la vérité amère, l’affreuse vérité que ton absence nous crie, la voilà : ton vide nous vide et nous ravage.

Sans espoir d’un rivage en vue. Rien, pas même ton ombre. Pas même l’ombre de ton ombre…Le vide. Le grand vide qui nous attend sans toi.

Mais rassure-toi : nous ne désespérons pas, car tu nous as appris l’espoir, l’espoir de croire en un avenir meilleur même sans toi, toi le meilleur d’entre nous.

Ta vie a été grande comme l’Algérie que tu mettais au-dessus de tout, ta vie a été belle comme la liberté que tu chérissais, ta vie a été magnifique comme ton œuvre de semeur de graines.

Ta vie a été utile pour les enfants de ton peuple. Autant de raisons qui nous font croire que tu es toujours là avec nous, parmi nous. Et quand l’absence, la cruelle absence se fera sentir, quand le manque nous mouillera les yeux alors nous convoquerons nos souvenirs et nous relirons tes livres.

Ainsi, à défaut de t’entendre nous te lirons pour te retrouver entre les lignes. C’est la meilleure façon de retrouver le grand écrivain que tu étais qui cachait bien le grand bonhomme que tu étais.

 

*Ecrivain

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