L’Algérie peut augmenter sa production de l’huile d’olive et améliorer la qualité pour permettre à ce produit d’atteindre le marché européen.
Lors du séminaire organisé par le Programme d’appui au secteur de l’agriculture (Pasa) le 5 décembre dernier à Alger, deux ambassadeurs étaient présents : Thomas Eckert pour l’Union européenne et Stéphane Romanet pour la France.
Une présence à priori inhabituelle pour une réunion agricole, mais tout à fait normale si l’on considère la coopération entre l’Algérie et l’Union européenne (UE).
Cette dernière consacre une quinzaine de millions d’euros à ce programme. Thomas Eckert a salué la contribution du Pasa aux progrès réalisés par la filière oléicole algérienne : conseil auprès des producteurs et des huileries pour installer des bonnes pratiques dans les vergers et dans les moulins, laboratoire d’analyses de standard international, adaptation au changement climatique, premier groupement pour la conquête des marchés export.
Stéphane Romanet a tenu à rappeler la place que joue l’olivier dans les traditions de l’Algérie et de la France et notamment l’engouement des consommateurs français pour l’huile d’olive.
« Financé par l’Union européenne d’où ces spécialistes qui discutent de ce que l’on peut faire pour améliorer en qualité la filière algérienne avec un objectif de produire plus mais encore mieux et de faire en sorte que l’huile d’olive algérienne puisse légalement accéder au grand marché » européen, a déclaré Stéphane Romatet en parlant du programme Pasa.
Il a également rappelé les possibilités d’export l’huile d’olive algérienne vers la France et l’Europe : « Je pense en partie au marché européen où la consommation explose et au marché français en particulier où il y a une très forte demande d’huile d’olive de très grande qualité et où l’Algérie a toute sa place ».
Pour sa part, Mohamed Hadi Sakhri, chef de la délégation algérienne au Conseil oléicole international (COI) et directeur central au ministère de l’Agriculture a marqué sa satisfaction devant les changements en cours dans la chaîne de valeur. « L’huile d’olive est aujourd’hui parmi les filières stratégiques en Algérie », a-t-il dit.
Le Pasa un programme de 15 millions d’euros
Ce séminaire avait pour but de faire le bilan de ce programme démarré en 2018 et financé à hauteur de 15 millions d’euros dont 5,8 alloués à la filière oléicole à travers le Pôle Soummam.
Un pôle piloté par Expertise France de l’Agence française de coopération technique internationale et en collaboration avec l’Institut national de la recherche agronomique d’Algérie (Inraa). Signe de l’intérêt des agriculteurs algériens, ce programme, initialement prévu pour les wilayas de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira a ensuite été élargi aux wilayas de Jijel, Bordj Bou Arréridj, Sétif, Médéa et Boumerdès. Pas moins de 50.000 producteurs d’huile d’olive et un millier de moulins sont concernés.
À l’heure de la clôture du Pasa, 99 % des crédits alloués ont été utilisés pour renforcer les capacités de formation, d’accompagnement et d’organisation des producteurs, des productrices et des petites entreprises ainsi qu’au renforcement des institutions techniques et de recherche venant en appui à la filière. Ce qui explique le taux exceptionnellement élevé des moyens consommés.
Ce sont 17 formateurs et une soixantaine de techniciens qui ont assuré le relais avec les agriculteurs, notamment pour vulgariser la récolte mécanique des olives. Munis de peignes mécaniques, ces techniciens ont par exemple animé des séances de vulgarisation dans leur secteur respectif.
Depuis le Plan national de développement agricole lancé en 2000, la filière oléicole algérienne connaît une extension des surfaces. Plusieurs marques d’huile d’olives se sont vu attribuer des médailles dans des concours prestigieux.
C’est le cas des marques Baghlia, Numidia, Sainfoin, Olea ou Dahbia qui ont été plusieurs fois primées dans des concours internationaux. Ces marques réalisent un pressage à froid et le plus souvent les olives récoltées le matin sont pressées l’après-midi.
Si ces marques arrivent à se lancer sur le marché de l’export, la grande masse des moulins n’ont pas encore la culture de la qualité pour se lancer à l’export.
Très tôt, une enquête initiée par le Pasa a confirmé les piètres qualités de l’huile produite localement. Il est apparu que si à l’international n’a cours que l’huile vierge extra, « 80 % des huiles consommées en Algérie se situent dans les huiles courantes et certaines sont lampantes ». Une des causes réside dans le laps de temps qui s’écoule entre la récolte et la trituration des olives. Les sacs dans lesquels sont enfermées les olives peuvent attendre plusieurs jours voire des mois avant d’être triturées là où il faudrait que ce soit fait le jour même.
Huile d’olive : les producteurs algériens visent la qualité
En 2022, quinze producteurs algériens ont été rigoureusement sélectionnés et conviés à exposer leur huile au Salon agro-alimentaire (Sial) de Paris, l’un des plus renommé dans le domaine.
Sous une bannière commune « Sélection des huiles d’olive d’Algérie », ces 15 professionnels présentent aux grands acheteurs étrangers des produits dans un packaging conforme aux normes internationales.
Le succès est alors au rendez-vous. Les acheteurs étrangers se déclarent agréablement surpris par la palette aromatique des huiles sélectionnées. Les huiles algériennes sont issues de vergers extensifs aux faibles pressions phytosanitaires et plantés de variétés locales dont certaines riches en polyphénols. Sur les marchés éloignés, la typicité algérienne est telle qu’elle est désignée par la formule « North-Africa Olive Oil ».
Autre voyage en octobre dernier. Un voyage destiné cette fois-ci aux vulgarisateurs du Pasa et consacré à la découverte de l’écosystème oléicole tunisien. Une réussite selon les participants qui ont certes observé les mêmes techniques utilisées en Algérie, mais qui ont été surpris par le haut niveau d’organisation de la filière oléicole tunisienne.
L’analyse du marché export a vite amené l’équipe du Pasa à la conclusion que pour se faire une place sur le marché européen, face à la domination des huiles d’olive espagnoles et italiennes, les exportateurs algériens devaient viser la qualité.
Il s’agit d’une stratégie que les producteurs grecs emploient et dont un représentant confiait récemment à la presse qu’: « aujourd’hui, ce qui nous distingue à l’étranger, c’est uniquement la valeur ajoutée de notre produit. Nous ne pouvons pas rivaliser avec des pays comme l’Espagne en matière de quantité et de prix. Nous devons produire la Rolls-Royce des huiles d’olive ». La Grèce dispose pour cela d’un atout de poids : son excellente variété Koronéïki.
Or, avec 36 variétés répertoriées, l’Algérie possède également de quoi faire de la qualité. Dès ses débuts, le Pasa s’est attelé à l’amont de la filière à travers des opérations concernant la taille, l’entretien, la préservation et la régénération des vergers. La présence d’oléastres qu’il est possible de greffer s’avère également une opportunité.
En mai 2023, Expertise France, l’Institut technique de l’arboriculture fruitière et de la vigne (Itav) ainsi que le Centre de Recherche en Biotechnologie de Constantine (CRBt) ont signé un contrat visant à la caractérisation moléculaire des 36 variétés d’oliviers endémiques d’Algérie.
La caractérisation d’autres cultivars devrait suivre. À la clé, le possible ajout de 55 variétés à l’actuel catalogue national. Il s’avère que la vallée de la Soummam est une zone de diversification qui confère à ce terroir une biodiversité oléicole exceptionnelle qu’il s’agit de sauvegarder.
Concernant l’aval, les opérations du programme ont surtout concerné la récolte, le stockage et le conditionnement des olives. Il s’agit d’en finir avec les contenants en plastique et d’aller vers des flacons opaques en verre, voire des contenants métalliques.
En 2020, l’association française 60 millions de consommateurs a révélé la présence d’un perturbateur endocrinien (phtalate de dibutyle) dans l’huile d’olive tunisienne Terre Delyssa.
Une marque qui jusque-là avait réussi l’exploit d’être présente sur les linéaires des grandes surfaces françaises. Un plastifiant probablement présent dans les cuves ou de tuyaux en PVC, utilisés lors du stockage ou de transport de ces huiles comme suggérait alors le magazine de l’association. Une erreur pouvant anéantir le travail de toute une année.
Aussi, pour éviter de telles mésaventures, le Pasa a entrepris à Sidi Aich (Bejaia) la montée en gamme d’un laboratoire d’analyses par Algerac et agréé par le COI (Conseil oléicole international). Ce laboratoire devrait pouvoir délivrer des bulletins d’analyse officiels dont des certificats « zéro résidus ».
Dans le domaine de la commercialisation, le Pasa soutient un regroupement de producteurs désirant aller vers l’export. Une démarche qui passe par la mutualisation de leurs moyens comme dans le cas de commandes groupées portant sur des centaines de milliers de flacons en verre, seul moyen d’intéresser les verreries locales.
Des appels à projets visent à soutenir des initiatives de valorisation des grignons et margines résultant de la trituration des olives. Cette approche devrait permettre la production de combustible, compost ou aliment du bétail.
Parmi les projets encouragés par le Pasa figure celui lancé par un groupe de femmes de Yakouren (Tizi-Ouzou) ayant créé une coopérative de produits dérivés de l’olivier.
Lors de ce séminaire « de capitalisation plus que de clôture », le chef de projet Olivier Rives a résumé les enjeux : « Dans le changement climatique en cours, la nature du verger extensif algérien et de son patrimoine variétal est favorable, le Pasa a réuni les conditions d’adaptation du verger et des moulins à la nouvelle donne, il reste pour la filière à réaliser son unité avec tous les maillons de la chaîne de valeur ».
Après le programme Alban 2012 entre le ministère de l’Agriculture et la Bretagne (France) qui a abouti à la mise en place de groupes d’appui technique auprès d’éleveurs laitiers dans plusieurs wilayas, le Pasa donne l’exemple d’un programme réussi en matière oléicole mais aussi en matière de dattes et de maraîchage avec son pôle consacré au sud du pays.
Un exemple de coopération internationale qui mérite d’être élargi aux filières stratégiques telles les céréales et les oléagineux.