L’histoire de la gymnaste Kaylia Nemour est belle à entendre, pour les Algériens bien sûr. Mais c’est en France qu’on ne se lasse décidément pas de la répéter. C’est que le pays qui l’a vu naître et qui l’a formée se mord les doigts de l’avoir laissé filer.

Depuis mai 2023, la gymnaste de 17 ans collectionne en effet les médailles sous les couleurs du pays de ses origines, l’Algérie.

Un autre long portrait lui est consacré dans la presse française. Il est signé dans l’édition du mardi 2 avril de Ouest-France. Le grand journal régional français, qui a fait parler l’entourage de l’athlète, est revenu sur l’ « erreur monumentale » des responsables de la Gym française qui l’a poussée à changer de nationalité sportive.

En 2021, Kaylia Nemour, âgée alors de 14 ans, a subi une opération aux genoux qui a amené le médecin de la Fédération française de gymnastique (FFG) à décréter qu’elle ne peut plus s’entraîner.

Après un long bras de fer avec la fédération, elle a obtenu l’autorisation de porter les couleurs de l’Algérie sous lesquelles elle enchaîne désormais les titres les plus prestigieux : championne d’Afrique, vice-championne du monde, deux médailles d’or en Coupe du monde le 24 février et le 9 mars derniers.

En attendant la consécration suprême aux Jeux Olympiques de Paris 2024 cet été. C’est cette perspective qui exacerbe les regrets en France.

« Son objectif de représenter la France lui a été volé, clairement. Maintenant, si la médaille devait arriver, c’est obligé que la Fédération se dirait : « Mince ! » », déclare sa mère, Stéphanie Nemour.

« La Fédération a fait une erreur monumentale, pour ne pas dire impardonnable », juge de son côté Marc Chirilcenco, l’entraîneur de Kaylia Nemour.

Il explique que les deux ans de blocage lui ont permis de prendre le temps de travailler les barres asymétriques et de se perfectionner jusqu’à atteindre le niveau qui est le sien aujourd’hui.

Alors que le chirurgien qui l’avait opérée n’a pas déconseillé à la jeune fille de reprendre la gymnastique, le médecin de la FFG, Pierre Billard, a refusé catégoriquement de l’autoriser.

« Ce n’est pas contre la jeune fille, c’est pour sa santé », défendra quelques mois plus tard le président de la fédération, James Blateau.

Kaylia Nemour : « méprisée » en France, devenue « reine » en Algérie

Mais pour l’athlète, sa famille et son encadrement, c’était l’incompréhension.

« Je ne comprenais pas, j’étais en colère. Je ne faisais plus rien, alors que j’avais la capacité de faire des compétitions », révèle Kaylia Nemour, ajoutant que ce qu’elle redoutait le plus, c’est de ne pas être prête pour les JO, son rêve de toujours.

Sa mère concède qu’il y avait peut-être une « bonne intention » au début, mais assure que « tout s’est envenimé » par la suite.

La suite, tout le monde la connaît désormais. La jeune fille a opté en mai 2023 pour l’Algérie, son pays d’origine, par son père, Djamel Nemour.

Celui-ci assure qu’avant d’opter pour l’Algérie, sa fille et son entourage ont fait des « compromis » et essayé de discuter avec la fédération française. « Mais les portes étaient fermées avec la France », accuse-t-il, ajoutant que sans la double nationalité qu’il possède, la carrière de sa fille « était foutue ».

Sa mère appuie, évoquant un « rejet » et un « mépris » alors que Kaylia Nemour a envoyé plusieurs messages au président de la fédération français de gym pour lui dire : « Je suis là, écoutez-moi ».

En équipe de France, « personne ne s’intéressait à elle », accuse encore Stéphanie Nemour.

Soit tout le contraire de ce que sa fille trouvera en Algérie, où elle sera accueillie en « reine » et en « rock star ».

« Aujourd’hui, j’ai laissé tout ça derrière moi. Maintenant, je fais ça pour moi et pour l’Algérie. Tant pis… Je performe comme je suis désormais », déclare l’athlète, se disant fière de devenir un « exemple » pour les Algériens auxquels elle promet de « tout faire pour continuer à les faire rêver ».

« Eux, ils ont pris conscience qu’ils avaient récupéré une championne », indique l’entraîneur de Kaylia Nemour à propos des responsables algériens.

« Il n’y a même pas photo » par rapport au traitement qui lui était réservé en France, reconnaît sa mère. En Algérie, même le président de la République n’hésite pas à féliciter la gymnaste pour ses performances. Petits et grands sont derrière elle.

« Prendre la nationalité algérienne, c’est le meilleur choix que nous ayons fait », avoue Stéphanie Nemour dont le seul souci, dit-elle, est de voir sa fille « heureuse ». Et avec elle toute l’Algérie sans doute.

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