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La peine de mort est-elle réellement la réponse à la criminalité ?

La peine de mort est-elle réellement la réponse à la criminalité ?

CONTRIBUTION. Le 10 octobre marque la Journée mondiale contre la peine de mort, une journée pendant laquelle des citoyen-ne-s du monde entier unissent leurs voix pour condamner ce châtiment pour ce qu’il est, une négation de la dignité humaine.

En 1977,  lorsque Amnesty International a commencé à lutter contre la peine de mort, seulement 16 États avait aboli ce châtiment. Aujourd’hui, 40 ans après, 105 pays ont aboli la peine de mort, y compris des pays africains et musulmans.

L’Algérie observe depuis 1993 un moratoire sur les exécutions et a introduit des réformes pénales qui restreignent la peine capitale aux crimes les plus graves. L’une des conséquences du moratoire, c’est qu’il peut conduire les magistrats à prononcer plus facilement cette peine puisque les exécutions ne sont pas appliquées. Plus de 500 condamnations à mort ont été prononcées depuis 2010, dont 50 en 2016. Souvent, les condamnations à mort sont commuées en réclusion à perpétuité.

Rappelons que l’Algérie est l’un des pays parrains de la résolution des Nations-Unies appelant à l’instauration d’un moratoire universel sur les exécutions. Cependant, lors de la dernière révision de la Constitution, en février 2016, le gouvernement algérien n’a pas saisi cette opportunité pour franchir le dernier pas vers l’abolition définitive de la peine de mort  au motif que l’opinion publique n’y serait pas favorable.

Une opinion publique n’est ni définitive ni figée et elle peut surtout évoluer si elle est mieux informée. L’évolution du mouvement anti peine de mort atteste du travail de mobilisation à travers le monde, des militants des droits humains, de l’engagement des responsables politiques et des décideurs qui ont l’audace d’aller à contre-courant de leur opinion populaire et aussi de la détermination des avocats, des journalistes et des universitaires qui ont le courage de dire la vérité sur la triste réalité de la peine de mort.

Aujourd’hui, il est grand temps de rejoindre tous ensemble cette dynamique mondiale à travers des campagnes d’information qui intégreraient les différentes dimensions de cette question, y compris celle des victimes de la criminalité.

Car nous savons que les personnes ne soutiennent plus cette sanction irréversible lorsqu’elles comprennent qu’elle ne réduit pas la criminalité et qu’il n’existe aucune méthode humaine de tuer. Nous pouvons faire évoluer l’opinion publique algérienne en rappelant que cette sanction est profondément discriminatoire et injuste car elle touche essentiellement les  plus pauvres ou les groupes marginalisés, par exemple les afro-américains aux États-Unis ou les travailleurs étrangers.

Aucun système judiciaire n’est complètement gratuit. Une bonne défense nécessite souvent des ressources financières élevées, qui représentent un obstacle majeur pour les pauvres, qui ne peuvent tout simplement pas y faire face.« La peine de mort n’est pas pour le pire criminel, elle est pour celui qui a le pire avocat » disait Clive Stafford Smith, fondateur de l’ONG Reprive.

Dans certains pays tels que l’Arabie saoudite, selon la loi de la Charia, la famille de la victime peut décider de s’opposer à la peine de mort qu’encourt l’accusé en échange de la Diyat, « le prix du sang », qui constitue une compensation financière. Là où des personnes issues de milieux aisés pourront échapper à la peine capitale, les travailleurs migrants quant à eux, faute de ressources économiques ou sociales suffisantes seront probablement exécutés.

Enfin,  le processus de déshumanisation des condamnés à mort eux-mêmes se retrouve partout dans le monde, même si les conditions dans les couloirs de la mort peuvent changer d’un pays à un autre. Les conditions de détention peuvent cependant aussi largement dépendre des ressources financières du condamné.

Cheikh Sidi Bémol, artiste reconnu, militant de l’abolition de la peine de mort à travers sa chanson « El Bandi »  a déclaré ; « Je pense que la justice, ce n’est pas la vengeance. C’est pourquoi, je milite depuis toujours pour l’abolition de la peine de mort partout dans le monde. Quel que soit le crime, quel que soit l’individu, quelle que soit la rage qu’il peut provoquer en nous, quelle que soit la nausée qu’il peut nous donner, on le considère toujours comme un être humain et nous devons préserver sa vie. Il peut payer pour son crime, il mérite une punition mais ce n’est pas la mort ».

Il ne fait aucun doute que ce châtiment cruel et irréversible sera un jour relégué dans les livres d’histoire, à l’instar de la colonisation ou de l’esclavage. L’Algérie se doit d’être dans la marche de l’histoire. C’est pourquoi, nous espérons que l’Algérie puisse devenir le premier pays du Maghreb de la région à l’abolir définitivement.

*Hassina Oussedik est Directrice d’Amnesty International Algérie

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