L’Algérie et la France ont entamé le dégel de leur relation bilatérale avec l’entretien téléphonique entre les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron le 31 mars, suivi de la visite à Alger du chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, ce dimanche 6 avril. Le retour complet à la normale ne se fera toutefois qu’après la nomination d’un ambassadeur d’Algérie à Paris.
Le poste est vacant depuis le 30 juillet dernier, lorsque l’Algérie a procédé au retrait de l’ambassadeur Saïd Moussi en réaction au changement de position de la France dans le dossier du Sahara occidental.
L’Algérie sans ambassadeur à Paris depuis fin juillet 2024
Dans les usages diplomatiques, le retrait de l’ambassadeur signifie, contrairement au rappel, qu’il ne retournera pas à son poste et que c’est un autre représentant qui sera nommé dans le cas d’un retour à la normale. Saïd Moussi ne retournera pas en effet à Paris puisqu’il a été désigné ambassadeur d’Algérie à Lisbonne en octobre dernier.
Avec le réchauffement en cours entre les deux pays, l’Algérie nommera-t-elle incessamment un ambassadeur en France pour acter définitivement la réconciliation ?
La question a été posée à une source diplomatique française en marge de la visite de Jean-Noël Barrot à Alger. La source a répondu par une évidence, à savoir que la mise en œuvre de la feuille de route tracée par les deux chefs d’Etat Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron nécessite effectivement la présence d’ambassadeurs respectifs dans les deux capitales.
Crise Alger-Paris : le « rideau est levé »
Toutefois, la source diplomatique française s’est refusée d’avancer une échéance, encore moins une date, pour la désignation d’un ambassadeur d’Algérie à Paris. Pour la simple raison que la décision appartient aux autorités algériennes.
La question a été abordée lors des discussions que M. Barrot a eu avec ses vis-à-vis algériens, au même titre que celles liées au Sahara occidental, des OQTF et tous les autres sujets, « y compris ceux qui font polémique », apprend-on de même source.
La nomination d’un nouvel ambassadeur d’Algérie en France devrait se faire très rapidement à en juger par les décisions annoncées ce dimanche par les deux parties.
Il a été en effet convenu de la « réactivation dès aujourd’hui de tous les mécanismes de coopération dans tous les secteurs ».
Les contacts entre les services de renseignement des deux pays ont repris et une réunion des plus hauts responsables sécuritaires « est désormais actée », a indiqué Jean-Noël Barrot à l’issue de l’audience que lui a accordé le président Tebboune, annonçant par ailleurs que les deux pays auront « un dialogue stratégique sur le Sahel ».
Alger et Paris renoueront aussi avec la coopération judiciaire, notamment sur la question des biens mal acquis. Barrot a confirmé la venue prochaine en Algérie de son collègue de la Justice, Gérald Darmanin. Les deux parties sont aussi convenues de rouvrir les dossiers du partenariat économique, de la question migratoire et du travail de mémoire.
Jean-Noël Barrot chez l’archevêque d’Alger
Dans sa déclaration à la presse, le chef de la diplomatie française a exprimé une « volonté partagée de lever le rideau », et d’ « entrer dans une nouvelle phase de notre relation ». "Une relation d’égal à égal entre la France et l’Algérie au bénéfice mutuel de nos deux pays et de nos deux peuples, c’est l’objectif de ma présence aujourd’hui", a-t-il dit.
Au vu d’une telle ambition partagée, la désignation d’un ambassadeur d’Algérie en France n’est plus, très probablement, qu’une question de semaines, voire de jours.
A la fin de son court séjour algérois, Jean-Noël Barrot a tenu à rendre visite à l’archevêque d’Alger, Jean-Paul Vesco, qui l’a reçu à l’intérieur puis sur l’esplanade de la basilique Notre Dame d’Afrique. Les deux hommes, en compagnie de l’ambassadeur de France en Algérie Stéphane Romatet, ont longuement discuté en admirant la Baie d’Alger.
Tout à fait par hasard, le ministre a rencontré sur place un couple mixte, Marie, une française convertie à l’Islam comme l’indique son voile, et Mosaab, un Algérien. La jeune femme a fait part de son souhait que la brouille entre les deux pays prenne fin au plus vite.
La halte dans ce lieu de culte n’est pas fortuite. Jean-Paul Vesco, qui est franco-algérien depuis février 2023, est de ceux qui sont montés au créneau en pleine crise entre les deux pays pour appeler à la désescalade et fustiger les « propos jusqu’au-boutistes de certains responsables politiques français », notamment ceux du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.
« Ce qui me gêne dans les propos du ministre de l’Intérieur français, c’est le ton comminatoire de ses injonctions aux autorités algériennes. L’Algérie ne cède jamais face à ce type de discours, spécialement venant de la France », a indiqué le religieux dans un entretien avec le journal La Croix en mars dernier, ajoutant que « le divorce entre la France et l’Algérie serait une voie suicidaire pour la France ».