search-form-close
« Les Français du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest sont les grands oubliés de la politique de Macron »

« Les Français du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest sont les grands oubliés de la politique de Macron »

Karim Ben Cheikh est candidat à l’élection législative dans la 9e circonscription des Français de l’étranger. Dans cet entretien, il revient sur la situation des Français au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, l’impact des restrictions sur les visas, le déclin présumé de la France en Afrique, les questions migratoires, les problèmes des Français de l’étranger, les relations entre l’Algérie et la France

TSA. Vous êtes candidat à l’élection législative dans la 9e circonscription des Français de l’étranger. Qu’est-ce qui a motivé votre candidature ?

Karim Ben Cheikh : Je suis candidat à ma réélection parce que je me suis engagé l’année dernière à servir mes compatriotes du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest.

« J’ai touché du doigt les limites de nos politiques publiques pour les Français à l’étranger »

Je suis né en Tunisie, j’ai grandi dans cette circonscription et j’y ai travaillé comme diplomate. Je connais bien les problématiques des Français du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest.

Comme consul général de France, j’ai touché du doigt les limites de nos politiques publiques pour les Français à l’étranger. A l’Assemblée nationale, on peut changer les choses parce que c’est là que se vote le budget.

TSA : Il y a 16 pays dans cette circonscription. Quels sont les problèmes communs des Français qui y vivent ?

Karim Ben Cheikh : J’ai pris le temps d’écouter mes compatriotes et je me suis rendu dans des dizaines de villes, dans 10 pays qui regroupent 99,7% des Français qui vivent au Maghreb et en Afrique de l’Ouest.

Partout, on me parle des mêmes problèmes. Les Françaises et les Français vivant dans la 9e ont les mêmes doléances : des démarches consulaires et administratives difficiles, la hausse continue des frais de scolarité, la CFE qui augmente, et surtout le sentiment profond d’être des citoyens de seconde zone, oubliés de nos politiques.

« La pression sur les visas alimente un discours antifrançais »

Les Français du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest sont les grands oubliés de la politique d’Emmanuel Macron. Avec le soutien des écologistes, du Parti socialiste, de la France insoumise, des communistes, des radicaux de gauche, je veux changer les choses. C’est pour ça que je m’engage à être la voix de mes compatriotes à l’Assemblée nationale.

TSA : Les restrictions sur les visas décidées par la France à l’égard des ressortissants  du Maghreb sont-elles utiles ? Qu’en pensent les Français qui vivent dans ces pays ?

Karim Ben Cheikh : J’ai toujours dénoncé les restrictions sur les visas dans les trois pays du Maghreb, restrictions qui ont été aggravées sous la présidence Macron.

Je crois que ces humiliations successives, répétées et bien sûr injustes contribuent à éloigner de la France les populations de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie.

J’ajoute que la politique des visas nous concerne parce que de nombreux Français ont des parents étrangers qui doivent demander des visas pour exercer leur droit à la circulation au titre de la vie familiale.

« Il faut séparer la question de l’immigration irrégulière de celle de la mobilité »

La politique actuelle des visas s’inscrit dans la continuité de ce qu’a fait la droite depuis Charles Pasqua (ex-ministre de l’Intérieur français, NDR).

Enfin, et c’est le plus tragique, la pression sur les visas alimente un discours antifrançais dont nos compatriotes à l’étranger sont les premières cibles.

TSA : Les relations entre la France et le Maghreb doivent-elles être guidées seulement par les questions migratoires et celle des visas ?

Karim Ben Cheikh : Je pense qu’il faut séparer la question de l’immigration irrégulière de celle de la mobilité. Toute personne souhaitant se rendre en France ne peut pas être vue avec suspicion parce qu’elle risquerait d’y rester.

Cette vision est ridicule et conduit à des situations ubuesques et inhumaines, même quand le droit au séjour doit être préservé, comme c’est le cas avec les conjoints qui sont séparés, par exemple.

Si on veut bâtir l’avenir avec les jeunesses, avec les créateurs, les étudiants, les entrepreneurs, nous devons changer de lunettes.

Aujourd’hui, le gouvernement persiste dans une myopie qui produit une surenchère sur le thème de la fermeté et des frontières.

Gérald Darmanin (ministre de l’Intérieur français, NDR) recycle le logiciel de la droite française, qui depuis quarante ans n’a d’autre résultat que de faire monter l’extrême-droite, élection après élection.

TSA : On parle beaucoup du déclin de la France en Afrique, particulièrement au Maghreb et au Sahel. Est-ce que c’est une réalité ? Ce déclin impacte-t-il les français vivant dans ces pays ?

Karim Ben Cheikh : Je ne veux pas me résoudre au déclin de la France, pour nos compatriotes à l’étranger. Notre pays est porteur d’une espérance républicaine. C’est le seul pays à disposer d’un tel réseau scolaire à l’étranger.

Nous avons avec la CFE une caisse de sécurité sociale publique sans équivalent parmi les grandes puissances. Ces acquis qui sont les héritages d’une ambition pour nos compatriotes à l’étranger sont au cœur de mon action et de mes priorités.

Nous devons préserver et préparer ces services publics aux défis qui viennent. Alors que les besoins sont croissants, le budget consacré à nos services publics à l’étranger, à nos écoles, à nos centres culturels, doit augmenter. C’est là le pilier de toute ambition internationale de la France.

TSA : A votre avis que faut-il faire pour réconcilier définitivement la France et l’Algérie ?

Karim Ben Cheikh : Il est temps de dépasser ce débat sur ce que vous appelez la "réconciliation" dans le discours politique français. Combien de millions de double-nationaux à la fois Français et Algériens ?

Trois, quatre, cinq millions ? Jusqu’à quand allons-nous parler de cette « réconciliation » entre la France et l’Algérie comme si les deux étaient simplement fâchés ?

Je ne pense pas d’ailleurs qu’on puisse renvoyer dos à dos les Français et les Algériens dans cette histoire coloniale, militaire et décoloniale. On ne peut pas faire comme si la France et l’Algérie étaient deux blocs homogènes figés dans l’histoire.

Il y a eu des Français qui ont dénoncé la torture et se sont engagés pour l’indépendance algérienne… Ce que je constate aussi, c’est qu’une partie des discriminations dans la société française prolongent et actualisent le système de domination et de hiérarchie qui nous vient du colonialisme.

Concrètement, l’urgence politique c’est de laisser travailler sereinement les historiens, les intellectuels, les forces vives. L’effort initié par Benjamin Stora va dans le bon sens, mais je constate que M. Macron n’en a pas suivi les recommandations les plus audacieuses.

TSA : Que dites-vous aux Français de votre circonscription pour choisir votre candidature ?

Karim Ben Cheikh : J’ai été élu en juin dernier avec 11 348 voix. En sept mois de mandat, j’ai été le seul à porter avec force dans l’hémicycle la voix des Français de la 9e circonscription.

Je dis à mes compatriotes : aujourd’hui, face au mépris du gouvernement macroniste, préparons l’alternance politique. Avec l’union de la gauche et des écologistes, il est possible de regagner votre voix à l’Assemblée nationale !

PS : 15 8672 inscrits au registre des Français établis hors de France dans la 9e circonscription, au 31 décembre 2022.

52 678 inscrits au Maroc ;

32 022 inscrits  en Algérie ;

21 035 inscrits en Tunisie ;

21 026 inscrits au Sénégal ;

17 384 inscrits en Côte d’Ivoire.

Source: https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/francais-de-letranger-inscriptions-au-registre-des-francais-etablis-hors-de-france/

  • Les derniers articles

close