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Mourad Oulmi, PDG de Volkswagen Algérie : « Notre concurrent, c’est le Maroc »

Mourad Oulmi, PDG de Volkswagen Algérie : « Notre concurrent, c’est le Maroc »

Toufik Doudou / New Press
Mourad Oulmi, PDG de Sovac

Mourad Oulmi est le PDG de Sovac. Dans cet entretien, il revient sur l’avancement de la production dans l’usine d’assemblage Volkswagen à Relizane, et expose sa vision pour le développement de l’industrie automobile en Algérie.

L’usine Volkswagen Algérie est entrée en production. Combien y a-t-il eu de précommandes ?

On a beaucoup de commandes. Le marché algérien est grand et il a été privé des importations. C’est logique qu’il y ait autant de demandes, les gens attendent Volkswagen depuis des années.  En plus, nous avons de bons produits et des prix sur lesquels nous avons travaillé.

Comment se passent les précommandes ? Comment s’assurer qu’il n’y aura pas de retard à la livraison ?

On vend les véhicules avec un numéro de châssis et on a notre propre logiciel de gestion. L’objectif, c’est de couper la route aux intermédiaires et de ne pas léser le client. On a mis en place un bon de commande par véhicule, par famille, par adresse pour ne pas avoir la même personne qui sorte avec plusieurs véhicules. On vérifie aussi les bons de commande chaque jour. Si le même nom ou la même adresse se répètent, la commande ne sera pas prise en considération.

Quand allez-vous commencer à livrer les véhicules ?

Les premiers véhicules seront livrés entre fin juillet début août, après l’inauguration officielle de l’usine.

Comment sont déterminés les prix ?

Le prix est déterminé par rapport à un business plan. L’entreprise doit avoir un business plan sur cinq ans. C’est celui qui a été présenté à la banque et au CNI au niveau du ministère de l’Industrie.

Est-ce que les prix pratiqués maintenant sont plus élevés que dans le passé ?

Ce n’est pas le cas. Le prix actuel est 20 à 30% inférieur au prix des véhicules vendus il y a six mois. L’Octavia était par exemple vendue à 3,6 millions de dinars alors que maintenant elle est vendue à moins de trois millions. L’Ibiza était à 2,4 millions, maintenant elle est à moins de deux millions de dinars. Pour les mêmes modèles et options. En plus, aujourd’hui  nous commercialisons la nouvelle Golf, l’Octavia et le Caddy et la nouvelle Seat sera commercialisée d’ici la fin de l’année.

Nous, nous prenons en considération le pouvoir d’achat. On ne veut pas profiter de la situation mais combattre l’informel. On veut baisser les prix. Quand il y a de la concurrence, le premier bénéficiaire est le client. On s’est aussi engagé auprès du gouvernement à pratiquer des prix raisonnables.

Est-ce qu’il y aura une baisse des prix ?

Nous les avons déjà baissés. Ensuite, plus on monte en volume, plus les prix baisseront.

Quels sont vos concurrents ?

Nos concurrents ne sont pas en Algérie. Les constructeurs installés chez nous vont nous permettre de développer une industrie automobile. Notre vrai concurrent, c’est le Maroc qui essaie d’attirer un plus grand nombre de constructeurs automobiles. Tous les pays se battent pour développer leur industrie automobile.

Comment va évoluer le taux de production de l’usine ?

Pour 2017, nous nous sommes engagés à produire 10 000 à 12 000 véhicules en six mois. Ensuite, on vise 20 000 à 25 000 véhicules par an.

Y aura-t-il d’autres modèles assemblés au sein de l’usine ?

Probablement. Mais on restera sur des modèles de véhicules qui répondent à la majorité de la clientèle algérienne. On ne veut pas aller sur des versions de luxe. Ce qu’il faut retenir, c’est que le choix des véhicules qui sont aujourd’hui sur le marché a été bien étudié. On a repris la Golf qui est l’icône même de Volkswagen et l’Ibiza qui est la best-seller sur son segment, l’Octavia qui a une clientèle très particulière comme les institutions et puis l’utilitaire avec le Caddy. C’est une gamme homogène et qui répond à différents types de clientèle.

Combien de personnes ont été recrutées pour travailler au sein de l’usine ?

On a déjà 380 personnes recrutées et nous souhaitons encore recruter 550 personnes dans les prochaines semaines. Grâce à toute l’activité et avec les réseaux de distribution, il  y aura environ 5 000 emplois directs et indirects. Ce qu’il faut retenir, c’est que 98% des personnes recrutées sont de Relizane. Nous les avons formées soit à l’étranger, en Allemagne ou en Espagne, soit ici. Il y a aussi des équipes de formation qui nous viennent de chez Volkswagen et qui sont en permanence à l’usine pour suivre les cycles de formation. Nous sommes aussi conventionnés avec des instituts de formation.

Est-ce que les délais relatifs au taux d’intégration seront respectés ?

Bien sûr, on est tenus par un cahier de charge qui nous exige d’atteindre 15% de taux d’intégration d’ici trois ans et 40% d’ici cinq ans. C’est dans notre intérêt et nous sommes obligés de respecter nos engagements. Le gouvernement en est conscient et nous a donnés trois ans. On ne pourra jamais atteindre 40% d’un seul coup, il faut bien qu’on démarre. On doit passer par le processus et les phases SKD, MKD puis CKD.

Combien de temps faudra-t-il pour développer une véritable industrie de l’automobile ?

Il faut une dizaine d’années. Les grands constructeurs ont mis un siècle pour bâtir leurs marques et une industrie automobile. On peut rebondir sur une autre expérience que l’Algérie a entamée : le médicament. On était dans le tout-importation puis on est passé au conditionnement et à la fabrication de médicaments. Il a fallu plus de dix ans pour faire émerger l’industrie pharmaceutique et on commence seulement à en récolter les résultats. C’est pareil pour l’électroménager. Je peux comprendre qu’on se focalise sur l’automobile, car c’est plus visible et c’est lié à l’émotionnel.

La Tunisie a mis une dizaine d’années à développer l’exportation des pièces de rechange. Leur premier plan de mise en place d’exportation de pièces date de 2000. Donc, on a besoin de temps même si je pense que les piliers sont installés avec en face de nous un numéro un mondial.

Est-ce que vous pensez qu’il y a trop d’acteurs sur le marché algérien de l’automobile ?

Je pense que le gouvernement a une vision, une stratégie. Il veut développer l’industrie automobile et pour qu’on puisse le faire on doit analyser les différents modèles qui existent. L’automobile, ce sont des chiffres et des volumes. L’industrie automobile mondiale a dépassé les 90 millions de véhicules.

Aujourd’hui, si vous voulez exister en tant que constructeur automobile ou sous-traitant et être compétitif, vous avez besoin de ce qu’on appelle l’effet de volume pour réduire les coûts. Donc, la question qui se pose c’est de savoir si notre marché est attractif et ma réponse serait non.

Le Maroc a fait un choix, il a pris Renault et lui a demandé de produire 450 000 véhicules. Puis, il a choisi Peugeot qui va démarrer avec 200 000 véhicules. Ils sont déjà à presque 700 000 véhicules et ils leur demandent d’augmenter les capacités de production pour arriver à 1 million de véhicules. Quand vous avez un marché comme ça, vous pouvez développer des milliers et des milliers de sous-traitants.

Mais, le Maroc exporte…

Bien entendu. On ne parle pas de marché local, je m’inscris dans l’exportation. Pour nous, la production automobile est un moyen de devenir exportateur majeur en pièces de rechange dans la région du Maghreb. On a besoin de volume et de s’adosser à un grand constructeur, donneur d’ordres. Dans le secteur automobile, on ne doit pas oublier une chose fondamentale : si on veut exporter de la pièce de rechange, il faut choisir un constructeur qui est prêt et est capable d’acheter de la pièce de chez nous. Pour qu’il l’achète, il faut qu’elle soit compétitive. Est-ce qu’un constructeur qui se trouve en Inde et en Chine voudra acheter une pièce produite en Algérie ? En termes de transports et de coût de main-d’œuvre, on ne sera pas compétitifs. À partir de là, il faut avoir la vision de développer une étroite coopération avec des constructeurs qui ont un intérêt gagnant-gagnant dans le fait d’acheter de la pièce de rechange en Algérie.

Si la Tunisie et le Maroc sont compétitifs, il n’y a pas de raison que l’Algérie ne le soit pas. Ce qui a été développé avec Renault et Volkswagen est une bonne chose. Maintenant, est-ce qu’on est capable de discuter avec une dizaine de constructeurs, je ne pense pas car on en revient à l’effet de volume.

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