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Pr Senhadji : « Il faut vacciner rapidement, et à une fréquence élevée »

Pr Senhadji : « Il faut vacciner rapidement, et à une fréquence élevée »

Le Pr Kamel Senhadji est le directeur de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS). Dans cet entretien à TSA, il évoque la campagne de vaccination, la production du vaccin russe Spoutnik V en Algérie, et la réouverture des frontières.

La baisse du nombre de cas de Covid-19 se maintient en Algérie. Les mesures de confinement ont encore été allégées. Est-ce le début d’un retour à une vie tout à fait normale dans notre pays ?  

Pr Kamel Senhadji, directeur de l’Agence nationale de sécurité sanitaire : Ce sont des résultats encourageants, il y a une démonstration éloquente et directe que les mesures concernant le protocole sanitaire et le respect des règles d’hygiène se traduisent bien par une baisse des contaminations et ce n’est que comme ça qu’on va vaincre la propagation de cette pandémie.

D’autant plus que s’ajoutera la vaccination, on espère qu’elle va augmenter de cadence. Cela va permettre d’aller à une vitesse supérieure dans la protection des citoyens et retrouver une vie normale.

La mesure d’allègement du confinement est tout à fait logique et suit cette baisse des contaminations et par voie de conséquence, j’irai même un peu plus loin, elle repose sur le fait que les citoyens ont compris qu’il fallait avoir un comportement sur le plan du protocole sanitaire assez sérieux, continu et répété, et que le niveau de conscience de la population s’est élevé.

On espère que cette culture puisse perdurer. Elle a l’air de prendre, il va falloir l’encourager, peut-être que c’est un signe de confiance. C’est ce comportement qui a permis l’allègement de ces mesures, ce qui permet aux citoyens de retrouver une vie plus ou moins normale avec l’ouverture des commerces, de certains débits de boissons, des cafés, tout en respectant le protocole sanitaire et la distanciation.

Mais cela est à tester encore, il va falloir que cet allègement se traduise par des résultats positifs, c’est-à-dire qu’il n’y aurait pas au moins une augmentation des contaminations pour qu’on puisse ouvrir encore un peu plus et récupérer certaines commodités de tous les jours.

L’Algérie a lancé sa campagne de vaccination le 30 janvier. La cadence n’est ce qu’elle devrait être et les quantités de doses acquises sont jugées insuffisantes. Pourquoi ?

On est tributaires de l’arrivage des doses qui ont été programmées et promises pour obtenir le nombre suffisant pour vacciner la vingtaine de millions d’Algériens qui doivent l’être.

La programmation a pu établir un nombre suffisant d’environ 40 millions de doses pour 20 millions de citoyens, mais je suis d’accord pour dire qu’il serait préférable que la cadence puisse augmenter. Mais cela ne dépend pas de nous mais des promesses programmées des différents laboratoires qui produisent les vaccins.

Il n’y a pas mieux que de vacciner massivement, parce que vacciner par à-coup c’est comme une goutte dans l’océan. Mais ça ce n’est qu’un début et cette programmation va se traduire dans les prochaines semaines par des arrivées de volume beaucoup plus important et c’est dans l’intérêt de la campagne de vaccination.

Parce que même médicalement, c’est bien de vacciner un nombre important de la population pour qu’on puisse agir sur la baisse de la propagation du virus et surtout aussi sur le plan scientifique, vacciner en masse ça va éviter l’émergence de souches mutantes.

Si vous vaccinez à petite fréquence, le virus continuera à se propager, vous allez freiner quelques souches virales chez les personnes vaccinées, mais une petite cadence de vaccination peut aussi se traduire par l’arrivée de quelques mutations.

Pour le moment, on n’est pas dans le mutant anglais, brésilien ou sud-africain, mais l’idéal serait de vacciner en masse, je ne dirai pas d’un coup, mais il faut vacciner rapidement, massivement et à une fréquence élevée.

Cela va être le cas je pense dans les prochaines semaines où on aura des quantités de vaccin beaucoup plus importantes telles que programmées et commandées fermement auprès des divers laboratoires.

Saïdal a été désigné comme le partenaire exclusif du Fonds d’investissement direct russe pour la production du vaccin Spoutnik-V en Algérie. Ce groupe pharmaceutique est-il prêt ? En a-t-il les moyens ?

Il est logique de le fabriquer parce que ça va résoudre beaucoup de problèmes par rapport déjà à l’approvisionnement parce que les Russes ne peuvent pas produire eux-mêmes suffisamment pour eux déjà et pour leurs autres clients.

Donc ils peuvent nous transférer la technologie pour qu’on puisse le faire sur place. On peut produire des quantités importantes et disposer de beaucoup de doses pour vacciner en masse et gagner la bataille.

C’est vrai que le full process, c’est à dite le procédé complet de A à Z, nécessite des équipements spéciaux, une technologie particulière, une petite formation qui peut prendre cinq ou six mois, mais on peut aller par étapes.

On va regarder avec Saïdal les différents sites où ce projet va être implanté, il y a Constantine et peut-être d’autres endroits sur le territoire national qu’on va visiter. Même si Saïdal n’est pas spécialisée dans les vaccins, elle va s’adapter.

Nous avons une compétence qui est formée sur le plan basique, mais il faudra la former sur des choses beaucoup plus spécifiques à ce vaccin. Il faudra donc quelques mois pour que la fabrication se fasse de bout en bout.

En attendant ces quelques mois, on peut déjà acquérir le vaccin en vrac qu’on peut diluer. À mi-chemin, les Russes peuvent nous fournir ce qu’on appelle du bulk, c’est-à-dire du concentré qu’on va pouvoir décongeler, diluer et procéder à sa mise en flacon pour permettre déjà d’alimenter le marché national.

J’irai même un peu plus loin, l’Agence nationale de sécurité sanitaire propose même la mise en place d’un centre de vaccinologie, c’est-à-dire un centre à vocation scientifique qui a pour mission l’étude scientifique et la recherche pour la mise au point de vaccins divers.

Parce qu’il n’y a pas que le Covid, nous sommes dans une ère d’épidémies et de pandémies. Depuis une vingtaine d’années, on a tous les trois ans à peu près une épidémie pandémique qui arrive ; sida, Ebola, vache folle, grippe aviaire, corona, etc., alors que par le passé, ces grandes pandémies on les voyait une fois tous les siècles. Maintenant le monde a changé parce que la biodiversité a changé, il y a émergence de nouveaux virus.

À cause de la destruction des forêts, la pollution, la faune sauvage s’est déplacée et s’est rapprochée de l’être humain, transmettant des virus. Je vous signale que 70 % des maladies à transmission infectieuse sont d’origine animale. C’est un peu dans cette problématique que nous nous inscrivons pour que, avec ce projet de centre, des recherches soient faites et pour que des vaccins soient préparés pour anticiper avec la recherche des signaux de ces futures épidémies qui arriveront peut-être…

La production de Sputnik-V se fera donc à Constantine ? En tout cas vous aller vous y rendre prochainement…

Oui, après-demain (entretien réalisé lundi, ndlr) je serai à Constantine avec mes collaborateurs du ministère de l’Industrie pharmaceutique et le PDG de Saïdal pour pouvoir regarder déjà les infrastructures qui peuvent s’adapter.

Il y a une grande industrie pharmaceutique à Constantine, mais pourquoi pas, il y a aussi d’autres centres au niveau d’Alger, à Aïn Allah, à El Hamma… Il y a d’autres endroits comme Médéa où il y a un grand complexe qui fait des antibiotiques. Il y a une prospection à faire, mais dans un premier temps, on va commencer par voir l’infrastructure existante à Constantine.

Beaucoup d’Algériens se demandent si les frontières peuvent être rouvertes. Que répondez-vous ?

La réouverture des frontières est une décision politique. Il faudrait être prudent et regarder de près les contaminations ailleurs, en Europe en particulier. Je veux parler des nouveaux variants, on a peur que ces souches puissent prendre la place du virus d’origine.

Je parlais tout à l’heure du respect du protocole sanitaire, la réouverture des frontières s’inscrit un petit peu dans ce sillage. Il me semble que c’est encore un peu tôt, mais peut-être que, et c’est un avis personnel, si l’allègement qui a été décidé ne se traduit pas par une augmentation des contaminations, pourquoi ne pas aller plus loin en essayant de mettre en place un protocole pour permettre la réouverture des frontières.

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