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Raffineries de sucre : une décision politique à grand risque sanitaire

Raffineries de sucre : une décision politique à grand risque sanitaire

Abdelmalek Sellal Anis Belghoul/New Press
Le premier ministre, Abdelmalek Sellal, effectue une visite de travail dans la wilaya d'Oran

Le premier ministre, Abdelmalek Sellal, a inauguré ce mercredi une nouvelle raffinerie de sucre près d’Oran, d’une capacité de production de 700 000 tonnes par an. Selon l’agence officielle, ce complexe permettra « d’améliorer la commercialisation du sucre, d’empêcher le monopole sur ce produit de large consommation et de baisser les prix ». Trois autres projets du même acabit sont également en cours de réalisation.

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L’objectif du gouvernement est limpide. Il entend avec ces nouvelles raffineries casser la situation de position dominante et non de monopole exercée actuellement sur le secteur par le groupe Cevital. Pour arriver à ce but, l’État semble ne pas prendre en compte les risques de surabondance de sucre sur le marché. En effet, le Premier ministre a annoncé qu’avec ce nouveau complexe d’Oran, les capacités de production de l’Algérie seront portées à 2,5 millions de tonnes annuellement. Elles devront dépasser 4,5 millions de tonnes avec l’entrée en service de nouvelles raffineries actuellement en construction. Les besoins de l’Algérie en sucre se situent pourtant entre environ 1,2 million de tonnes et deux millions de tonnes par an, selon différentes prévisions.

L’écart entre la production nationale et les besoins de la population est par ailleurs appelé à s’agrandir lorsque les trois autres raffineries entreront en service. Les interrogations s’imposent donc sur ce qui sera fait avec ce surplus, d’autant plus que les arguments avancés par le gouvernement ne tiennent pas.

Le gouvernement prétend, en effet, qu’outre le fait d’empêcher la concurrence, la multiplication des nouveaux acteurs permettra de faire baisser le prix du sucre. Or le gouvernement, à commencer par le Premier ministre, omet de rappeler que le sucre est fortement subventionné. Surtout, le prix du sucre demeure tributaire des cours du sucre au niveau international, étant donné que l’Algérie importe les matières premières. L’Algérie ne produit ni la canne à sucre, ni la betterave sucrière dont les expériences menées dans les années 1970 à Guelma et Khemis Miliani par l’Enasucre avaient toutes échouées. La culture de la betterave sucrière nécessite d’importantes quantités d’eau, ce dont l’Algérie ne dispose pas.

Le marché n’est donc pas régulé de manière naturelle par rapport à l’offre et à la demande en sucre. Les prix semblent par conséquent appelés à rester sensiblement les mêmes.

Le scepticisme demeure également entier par rapport au sérieux de la décision prise par le gouvernement concernant le secteur du sucre, considéré comme stratégique. Soucieux de ne dépendre d’aucun acteur économique et terrifié à l’idée d’une pénurie ou d’une hausse trop importante de sucre pouvant déclencher des émeutes comme en 2011, le gouvernement va inonder le marché de sucre sans se soucier des conséquences potentiellement désastreuses sur la santé de la population.

Certes, l’Algérie ne doit pas dépendre d’un seul acteur pour approvisionner le marché, quel que soit le produit. Et la concurrence est bonne pour la régulation du marché. Mais le gouvernement est, semble-t-il, motivé par des considérations plutôt politiques. La même stratégie d’inonder le marché a été adoptée sans succès dans d’autres secteurs comme le ciment ou la semoule, où les décisions de l’État ont fini par créer une surabondance dans la production. Les opérateurs se ruent sur des secteurs à forte rentabilité, dont les activités sont subventionnées directement ou indirectement par l’État.

Ensuite, le gouvernement ne semble clairement porter aucun intérêt aux potentiels futurs milliers cas de diabètes qui pourraient être causés par le sucre qui risque de devenir omniprésent sur le marché. L’exportation de ce produit n’est pas facile. Parfois, les prix de la matière première sont plus élevés que ceux du produit fini sur le marché international. Le gouvernement ferait mieux d’inciter les Algériens à consommer moins de sucre au lieu d’investir massivement dans sa production.

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