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Rencontre avec Fadila Khattabi, députée à l’Assemblée française

Rencontre avec Fadila Khattabi, députée à l’Assemblée française

Fadila Khattabi a été élue députée de la 3e circonscription de Côte d’Or sous la bannière de la République en Marche. TSA l’a rencontrée à Paris.

Parfois, la grande histoire s’immisce dans la petite. Née en France (à Montbéliard) de parents algériens avant l’indépendance, Fadila Khattabi perd la nationalité française au profit de la nationalité algérienne le 3 juillet 1962. C’est seulement à l’âge adulte qu’elle fait le choix d’être réintégrée dans la nationalité française.

Si, pour elle, le choix de redevenir française est une évidence – elle a toujours vécu en France- elle s’interroge sur la réaction éventuelle de ses parents, et pense évidemment à « ce grand-père qui s’est battu », et à « cette grand-mère veuve de guerre ». La situation sera plus simple pour ses frères et sœurs « ils sont nés après 1962 », nous confie t-elle en cette matinée de septembre, dans son bureau de l’Assemblée nationale.

Cette double identité avec une Algérie toujours très présente – qu’elle assume totalement- contraint souvent Fadila Khattabi à se justifier. Non sans agacement. « Je ne renie pas ce que je suis mais j’aimerais bien qu’on arrête de me renvoyer à mes origines. La seule vérité universelle c’est que je suis issue d’un père et d’une mère ». La néo-députée dit ne vouloir « ni stigmatisation, ni victimisation ».

Quinze années sur le terrain

Députée depuis juin 2017, Fadila Khattabi n’est toutefois pas une novice en politique. Ni un visage inconnu dans sa région natale. D’abord élue conseillère régionale en 2004, elle était jusqu’en 2015 vice-présidente socialiste en charge de la formation et de l’apprentissage au Conseil régional de Bourgogne. Mais cette professeur d’anglais, mère de deux enfants, n’a -selon ses propres dires – pas grand chose à voir avec le profil-type du militant qui a fait carrière en politique.

Après des études d’anglais à l’université de Dijon puis une année passée à Manchester comme assistante de français, la jeune femme décroche un poste de professeur dans une école privée de Belfort. Puis, à 30 ans, changement de cap. Son aisance dans les langues étrangères l’incite à suivre une formation de cadre commercial en export. Une fois son diplôme en poche, elle décroche un emploi en Espagne. Mais la naissance de son fils bouscule ce projet professionnel.

« Lorsque l’on est mère, ce n’est pas toujours facile de concilier vie professionnelle et vie familiale. Un métier qui implique des déplacements aurait été compliqué. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai choisi l’enseignement ».

Depuis 25 ans, elle est professeur en CFA (Centre de formation d’apprentis) à la Noue, près de Dijon. Son nouveau mandat de députée l’a néanmoins contrainte à se mettre en disponibilité.

Le déclic en politique intervient en avril 2002 quand le candidat du Front national Jean-Marie Le Pen se qualifie au second tour de l’élection présidentielle. « Une sorte d’électrochoc », décrit-elle quinze ans plus tard. « J’avais le sentiment que mon pays avait oublié son Histoire ». Quelques semaines plus tard, elle milite sur le terrain pour soutenir la candidate socialiste de sa circonscription, Claude Darciaux, aux élections législatives. Puis adhère en 2003 au Parti socialiste. Aux élections régionales l’année d’après, elle est élue conseillère régionale.

Le temps du retrait

Douze ans plus tard, en octobre 2015, alors qu’elle devait conduire une liste pour les élections régionales de décembre, Fadila Khattabi est victime d’une manoeuvre politicienne, et se retrouve relayée à la sixième place sur les listes. Une injustice pour cette femme dont le bilan à la tête du Conseil régional est salué, à droite, comme à gauche, dit-on. Trop, c’est trop. « Nous ne sommes pas tenus de tout accepter. Sinon quelle image donne t-on à ses enfants ? », interroge cette mère de deux enfants. En octobre 2015, elle claque la porte du PS. Il lui faut quelques mois pour « se reconstruire, avec sa famille ».

Pendant cette retraite politique, elle observe l’émergence d’Emmanuel Macron. En avril 2016, celui qui n’est encore que ministre de l’Économie créé son mouvement. Les mois qui suivent chamboulent les pronostics du scrutin de 2017. La débâcle des primaires à droite « avec Fillon » puis à gauche « avec Hamon qui promet la lune » convainc Fadila Khattabi de rejoindre En Marche!, le mouvement lancé par Emmanuel Macron. « Quand j’ai vu tout ça, je me suis dit que seul Macron pouvait faire quelque chose ».

Nouvelle ère

La retraite politique de Fadila Khattabi prend fin en janvier 2017. « Vous savez, avoue t-elle avec un discret sourire, la politique, quand on tombe dedans… » Candidate à la députation, l’ex-conseillère régionale sillonne les routes en camping-car pour faire campagne. Dans une circonscription d’ordinaire acquise à la gauche, elle doit faire face à une multitude de candidats. Aux législatives de juin, elle sera finalement en tête au premier tour avec 32% des suffrages exprimés, puis confortablement élue, avec 65,32% des voix,  face au candidat FN Jean-François Bathelier. Un succès qu’elle explique par deux facteurs : « la dynamique Macron » et « son travail » au sein de la région Bourgogne.

Quatre mois après le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, Fadila Khattabi salue « l’homme brillant » qui a su choisir « des ministres compétents et pointus ». Au moment de notre rencontre, le président français a tenu, la veille, sa première intervention devant l’Assemblée générale de l’ONU à New-York. « Quel contraste avec Trump », relève l’élue de la République, qui retient un « excellent discours » du locataire de l’Élysée.

Quand il n’était encore que candidat, -une éternité déjà- le même Emmanuel Macron s’était déjà fait remarqué. En février 2017, une interview accordée à la chaîne privée Echourouk News avait viré au drame national, et ravivé la question douloureuse et clivante de la colonisation. Sur le sujet, estime Fadila Khattabi, l’Algérie et la France doivent maintenant passer à autre chose :  « Nous avons une vraie histoire commune et il faut, à un moment donné, savoir tourner la page, et avancer ».

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