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Rencontre avec Meriem Guemache, auteure : « On a l’impression que la ville n’appartient qu’aux hommes… »

Rencontre avec Meriem Guemache, auteure : « On a l’impression que la ville n’appartient qu’aux hommes… »

Meriem Guemache est journaliste et productrice à la chaîne III de la radio nationale. Elle anime une chronique littéraire. Elle est l’auteure de deux livres destinés aux enfants, « Lotfi à la Casbah d’Alger » et « Lotfi au palais de Khdaoudj El Amia », parus aux éditions Casbah. « La demoiselle du métro » est son premier recueil de nouvelles, publié par les mêmes éditions à Alger, et préfacé par la journaliste Malika Boussouf.

Rencontre avec l’auteure au 23e Salon international du livre d’Alger (SILA) qui se tient actuellement au Palais des expositions des Pins maritimes.

Les treize nouvelles de « La demoiselle du métro » sont inscrites dans ce qu’on peut appeler la littérature de ville. Une littérature contemporaine. Comment s’est fait donc ce passage entre l’écriture pour enfant à la nouvelle ?

J’ai écrit « Lotfi à la Casbah d’Alger » et « Lotfi au palais de Khdaoudj El Amia », il y a trois ou quatre ans déjà. Après ces premières publications, j’avais envie d’aller vers la nouvelle.

C’est une manière de dire beaucoup de choses en peu de pages, n’est-ce pas ?

Je voulais parler de la société dans laquelle je vis, décrire ce que je vois. J’ai beaucoup parlé d’Alger. Je mêle la fiction à la réalité. Je voulais revenir sur des faits historiques comme la visite de Karl Marx à Alger (en février 1882). Donc, je pars de faits réels et après je greffe une fiction. Je décris aussi les relations et les sentiments humains. Cela peut aller de l’avidité à l’hypocrisie, aux nouveaux riches à la superficialité de l’être humain. J’évoque aussi l’amour, les belles choses et des qualités humaines.

L’amour ou une certaine idée de l’amour est présent dans la nouvelle « La demoiselle du métro ». Un jeune homme rêve en regardant une belle fille, aux cheveux de feu, d’une histoire d’amour. Il se rappelle même des chansons et des poèmes d’amour, Supertramp, Jacques Prévert…Et se voit dans les Caraïbes.

C’est vrai. C’est une petite parenthèse de rêverie lors d’un passage dans un métro à Alger. Tout se passe dans la tête de ce jeune homme dont la vie est inodore et incolore. Pendant quinze minutes, il va vivre une très belle histoire… Donc, il y a de l’espoir, même si ça termine en queue de poisson.

Il y a aussi beaucoup de musique dans cette nouvelle, Mahler, Supertramp, Mozart, Django Reinhardt. La musique est mêlée à l’écriture. Cela est-il lié au fait que vous êtes une femme de radio ?

La musique a toujours accompagnée ma vie. J’ai grandi dans un environnement où on écoutait beaucoup la musique. Mes artistes préférés m’accompagnent tous les jours. J’ai trouvé que c’était sympa de les inviter dans mes textes…

On sent quand même que la vie professionnelle s’invite dans vos nouvelles, comme dans « Biyouna on Air », sur le passage de la célèbre comédienne dans une émission radio…

Oui. Là, je voulais faire un petit clin d’œil à mon premier métier de journaliste-animatrice à la radio, raconter les coulisses de la radio, le fait d’établir un laissez-passer pour entrer, le fait de recevoir un invité qui tarde, le stress du direct. J’ai collé tout cela au côté exubérant de Biyouna qu’on connait tout en imaginant une petite histoire autour. J’adore mon métier.

L’auteure Mériem Guemache au Salon du livre d’Alger (© TSA)


Dans « Bingo ! », vous racontez le drame que peut subir un enfant adoptif. Est-ce une manière pour vous d’aborder l’hypocrisie sociale de front ?

Oui. Malek a eu une vie cabossée. Une vie qui ne lui a pas donné de cadeau. Il a pu s’en sortir par lui-même malgré des écueils incroyables. Il est passé d’une famille à une autre, jeté d’une main à une autre comme une patate chaude. Quand le destin lui sourit, il découvre toute l’hypocrisie des gens qui, auparavant, ne le regardaient même pas. C’est une leçon de vie. C’est quelque chose que j’observe beaucoup dans la société. L’hypocrisie que je décris me touche et m’énerve. Cela m’insupporte. Certains pensent qu’on ne voit pas leur jeu, mais en réalité, ça se voit comme un nez au milieu de la figure.

Dans une nouvelle, vous mettez en scène votre propre mort. Pourquoi ?

Je suis une gisante et je vois ce qui se passe autour. Dans les funérailles, j’ai vu tellement de choses qui m’ont choquée comme utiliser les téléphones portables pour prendre des photos, se maquiller, rire. Je trouve que c’est d’une indécence incroyable. J’ai utilisé l’humour pour en parler. Au début, cette nouvelle ne devait pas être dans le recueil. L’éditeur trouvait qu’il est tabou de parler de la mort. J’ai réussi à le convaincre parce que la mort fait partie de la vie. En parler avec l’humour, ça pouvait passer

Et pour la nouvelle « Dans la peau d’un mâle » ?

Ah oui. En fait, j’en ai assez de voir les filles se faire embêter, harceler par les hommes dans la rue. On a l’impression que la ville n’appartient qu’aux hommes, que c’est leur territoire et que nous, nous sommes des étrangères. Les femmes ne sont jamais tranquilles. Donc, j’ai voulu inverser les rôles pendant un après-midi : les hommes dans la peau des femmes, et les femmes dans la peau des hommes. Encore une fois, j’utilise l’humour pour, peut-être, faire réfléchir les hommes. Je leur pose la question : si vous étiez à notre place, aimeriez-vous être considéré comme un morceau de viande ?

Dans vos nouvelles, l’écriture est alerte et vivace avec des phrases courtes, pas de longs paragraphes, et avec beaucoup de sonorités et d’humour. Peut-on parler d’écriture d’aujourd’hui ?

Je suis une grande lectrice. Je lis trois romans par semaine parfois, pour des raisons professionnelles. J’assure une chronique littéraire à la radio. J’ai commencé à lire à l’âge de 8 ans. On m’a toujours appris que la meilleure façon d’exprimer une idée, c’est écrire des phrases courtes, pas trop longues. Parfois, il n’est pas facile d’écrire simplement. C’est peut-être un style. C’est venu spontanément en tous cas.

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