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Syrie, Iran : le Maroc pris à contre-pied par l’Arabie saoudite

Syrie, Iran : le Maroc pris à contre-pied par l’Arabie saoudite

Si la diplomatie algérienne sort grandi après la décision de la Ligue arabe de réintégrer la Syrie, celle du Maroc, en revanche, se retrouve dans la posture très inconfortable d’un pays pris à contre-pied par l’Arabie saoudite sur laquelle il calquait ses positions sur quasiment toutes les questions régionales.

Dimanche 7 mai, les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe, réunis au Caire, ont accepté le retour de la Syrie au sein de l’organisation après 12 ans de suspension.

Ce retour se fera sous certaines conditions imposées à la Syrie, dont le retour des réfugiés, la facilitation du passage aux frontières des aides humanitaires internationales, l’engagement d’un processus qui devrait aboutir à l’organisation d’élections…

Le président Bachar Al-Assad devrait assister au sommet arabe prévu en Arabie saoudite le 19 mai prochain.

La décision a été prise par consensus, c’est-à-dire acceptée par tous les pays membres, y compris ceux qui, il y a encore quelques semaines, s’opposaient farouchement à cette option, dont le Maroc.

Le 22 avril, le Wall Street Journal dressait la liste des pays opposés au retour de la Syrie : le Maroc, le Qatar, le Koweït et le Yémen. Selon ce média, le Maroc a conditionné le retour de la Syrie à la Ligue arabe par l’abandon de son soutien au peuple sahraoui dans sa lutte pour l’autodétermination.

Mais il n’a pas été entendu. Les dernières discussions pour le retour de la Syrie ont eu lieu sans ces quatre pays à Amman (Jordanie), mais aucun d’entre eux n’a contesté la décision prise le 7 mai au Caire.

Ils l’ont même applaudie, avec une certaine gêne, certes. Au Maroc, le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita a salué les « efforts déployés par l’Arabie saoudite », indiquant que la réintégration de la Syrie fera du prochain sommet arabe « une occasion pour la réunification des rangs arabes ».

L’alignement sur les positions de l’Arabie saoudite est devenu presque une constante de la diplomatie marocaine, à l’exception de l’embargo imposé au Qatar en 2017.

Cela s’est manifesté notamment dans le conflit syrien, la crise avec l’Iran et l’intervention militaire au Yémen. À chaque fois, c’est le même scénario qui se répète : l’Arabie saoudite prend seule l’initiative d’une réconciliation et le Maroc n’a d’autre choix que de se déjuger.

L’affaire syrienne montre la « dimension insignifiante » de la diplomatie marocaine, raille un diplomate algérien.

Iran, Syrie : la diplomatie marocaine cumule les échecs

Avec l’Iran, les relations du Maroc ont rarement été bonnes depuis la révolution islamique de 1979 et la décision du roi Hassan II d’accorder l’asile au Shah déchu.

Les relations entre les deux pays ont été rompues en 1980, 2009 puis en 2018. Elles ne sont toujours pas rétablies. La dernière rupture des relations a été décidée par Rabat qui a accusé l’Iran de soutenir le front Polisario via le Hezbollah libanais.

Le Maroc voulait en fait surfer sur l’inimitié entre Ryad et Téhéran et le bras de fer entre l’Iran et les Occidentaux sur le dossier du nucléaire iranien.

Avec Israël, son nouvel allié depuis l’automne 2020, il a tenté de diaboliser l’Algérie dans la crise avec l’Iran, lorsque le ministre israélien des Affaires étrangères a exprimé, à partir du territoire marocain en août 2021, les « inquiétudes » de son pays et du Maroc quant au prétendu « rapprochement » entre Alger et Téhéran.

En répétant que l’Algérie entretenait des relations stratégiques avec l’Iran, le Maroc cherchait à diaboliser son voisin de l’est, avec lequel les relations diplomatiques sont rompues, en le désignant comme l’ennemi d’Israël au Maghreb.

Le Maroc a voulu appliquer la méthode israélienne avec les pays du Golfe qui consistait à présenter l’Iran comme la plus grande menace pour leur sécurité, tout en leur proposant sa protection en tant que puissance nucléaire.

Dans le contexte des tensions avec l’Iran, Israël avec le soutien des États-Unis de Donald Trump a réussi à signer les accords d’Abraham avec les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Maroc notamment.

Mais en mars 2023, c’est à travers la presse que les Marocain et même les Israéliens ont pris connaissance du surprenant accord de réconciliation entre l’Arabie saoudite et l’Iran conclu à Pékin.

Ces deux pays sont convenus de rouvrir leurs ambassades respectives dans un délai de deux mois. Mise dans une grande gêne, la diplomatie marocaine s’est gardée de trop commenter l’accord qui constitue pourtant un événement majeur qui pourrait rebattre les cartes de la géostratégie régionale.

Le retour en force de l’Arabie saoudite donne un coup d’arrêt à ces accords et relance le plan arabe de paix avec Israël qui a été adopté en 2002. Ce plan devrait être au centre du sommet arabe de Riyad le 19 mai prochain.

Dans quelques semaines ou mois, le Maroc qui est gêné par la réconciliation entre Téhéran et Riyad pourrait n’avoir d’autre choix que de prendre lui-même l’initiative du rétablissement de ses relations avec l’Iran.

Et ce n’est pas fini puisque les prémices d’un changement de cap de l’Arabie saoudite au Yémen se font de plus en plus visibles. En 2015, le Maroc fut l’un des huit pays arabes qui ont rejoint la coalition constituée par Ryad pour combattre les rebelles Houthis, proches de l’Iran.

Le Royaume maghrébin a mis une flotte de son armée de l’air à la disposition de la coalition. La crise avec le Yémen prendra fin sur l’initiative de l’Arabie saoudite, comme celles avec l’Iran et la Syrie, et le Maroc n’aura fait que collecter des inimitiés et des échecs supplémentaires.

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