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Tebboune a-t-il été trop imprudent ?

Tebboune a-t-il été trop imprudent ?

Après l’ascension fulgurante, la chute brutale. Revenu au gouvernement en 2012, après une traversée du désert, Abdelmadjid Tebboune a monté les marches du pouvoir jusqu’à devenir Premier ministre. Lors de sa nomination à ce poste, fin mai, après un bras de fer avec Sellal au sujet du financement du logement, rien ne présageait une fin aussi brutale.

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Depuis sa nomination à l’Habitat jusqu’à son accession au poste de Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune semblait jouir d’une confiance totale du Président qui lui avait confié la gestion de deux chantiers emblématiques et sensibles : le logement et la Grande mosquée d’Alger.

La confiance du président

Et lorsqu’il a fallu choisir, en janvier dernier, un intérimaire à Bakhti Belaïb au Commerce, un autre secteur sensible vu qu’il est en première ligne dans la gestion des réserves de change, c’est encore Tebboune que le Président avait choisi alors que le poste semblait naturellement promis à un autre fidèle du clan présidentiel : Abdeslam Bouchouareb.

À l’annonce de la décision, tous les membres du gouvernement étaient unanimes à y voir un signe de confiance de la part du Président. Pour Sellal, Tebboune, désormais plus que Bouchouareb, devenait le rival numéro 1. D’autant plus que Bouteflika semblait satisfait du travail accompli dans le secteur du logement et sur le chantier de la Grande mosquée d’Alger : en juin 2016, Tebboune recevait la médaille de l’ordre du mérite national, la plus haute distinction en Algérie.

Abdelkader Bensalah qui lui remettait la distinction avait déclaré : « Cette distinction est un message d’encouragement pour tout un chacun qui œuvre pour le bien-être du peuple ». « Cette distinction vient récompenser l’audace dans la conception des solutions face aux écueils qui émaillent nécessairement les grands projets », avait ajouté le président du Sénat.

On connait la suite. Tebboune est nommé premier ministre le 24 mai dernier, avant d’être brutalement limogé à son retour de vacances mardi dernier. Que s’est-il passé en si peu de temps ? Près d’une semaine après l’annonce de ce limogeage, aucune explication officielle n’a été fournie. Il reste des lectures.

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Le duel avec Hadad 

La première lecture, reprise par l’ensemble des observateurs, suggère que c’est Ali Haddad, et à travers lui les « forces de l’argent », qui ont eu la tête de l’ex-Premier ministre. Le règne éphémère de Tebboune a en effet été marqué par un duel perdu avec le président du FCE. Le Premier ministre, qui entendait séparer « l’argent » et « la politique », s’en est pris directement à Ali Haddad.

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Un duel qu’il a définitivement perdu après la prise de position publique de Saïd Bouteflika qui s’est affiché aux côtés de Haddad lors des obsèques de Réda Malek à El Alia. L’ex-Premier ministre a ensuite été violemment attaqué par des médias proches de la présidence de la République, qui lui ont reproché d’avoir « trahi » le chef de l’État.

Pourtant, selon son entourage, Tebboune a agi à la demande du Président de la République. Pourquoi alors le chef de l’État l’a-t-il lâché et de cette manière ? S’est-il trompé de cible ? L’ex-Premier ministre a peut-être mal interprété les consignes généralement vagues du Président de la République. Croyant sans doute jouir de la confiance du Président qui l’a préféré aux autres courtisans, Tebboune a peut-être trop appuyé sur la pédale.

En plus de Haddad, l’ex-Premier ministre avait-il dans son collimateur d’autres hommes d’affaires réputés proches de la présidence, à l’image de la famille Kouninef, qui prospère grâce à des contrats publics, souvent obtenus de gré à gré ? Le Président avait-il peur que son Premier ministre ouvre la boite de Pandore ?

Sa décision de bloquer les importations de plusieurs produits alimentaires et industriels, avec un effet rétroactif, ne l’a pas aidé. Il s’est mis à dos des industriels qui ont dénoncé le blocage de composants essentiels pour leur activité. La mise en place des mesures (avec les contradictions de l’Abef) a montré l’aspect amateur des mesures présentées comme la solution à l’effritement des réserves de change.

Bavardages

Selon nos sources, Abdelmadjid Tebboune a également payé sa propension à se répandre à l’extérieur de ses bureaux sur des sujets jugés « sensibles » liés aux affaires de l’État. Certains de ses bavardages ont même été médiatisés, à sa demande. C’est le cas de sa rencontre informelle avec des convives, jeudi 20 juillet, au cours du mariage du fils d’un riche homme d’affaires à Chéraga, dans la banlieue ouest d’Alger.

Après avoir exigé du maître de cérémonie de ne pas inviter Haddad et ses lieutenants, l’ex-Premier ministre a improvisé une réunion, avec une douzaine d’invités, dont des patrons qu’il n’avait jamais rencontrés, auparavant. Il leur a raconté, selon l’un des témoins, le « tête-à-tête qu’il a eu avec le Président, quelques minutes, avec le Conseil des ministres, et assuré que c’est le chef de l’État qui lui a ordonné de s’attaquer à Haddad, dans le cadre de la séparation entre la politique et les forces de l’argent. »

En résumé, il a révélé à des inconnus une discussion liée à la gestion des affaires de l’État. Une discussion à laquelle le Président n’avait pas jugé nécessaire d’associer ses propres ministres.

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