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Après le limogeage brutal de Tebboune et le retour d’Ouyahia : le flou au sommet de l’État

Après le limogeage brutal de Tebboune et le retour d’Ouyahia : le flou au sommet de l’État

Sidali / New Press

Juin 2016, Abdelmadjid Tebboune reçoit des mains de Abdelkader Bensalah la médaille de l’Ordre du mérite national, remise au nom du chef de l’État. La distinction avait constitué le premier signe d’une promotion qui n’a pas inquiété le premier ministre en poste, à savoir Abdelmalek Sellal. À juste titre puisqu’elle finira par se concrétiser après une année abondamment nourrie de rumeurs sur un changement au Palais de 90 m de haut de l’avenue Sâadane.

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L’ancien ministre de l’Habitat est donc arrivé sur les lieux sans surprise particulière avec une feuille de route qui ne pouvait sortir de son propre chapeau. Personnage plutôt terne et figure disciplinée de la haute administration publique, il n’a jamais été animé de velléités, de rébellion ni affiché d’ambitions démesurées. Lui prêter le projet personnel de « renverser la table » dressée par les hommes d’affaires et redresser au profit du gouvernement le paradigme de la décision relève d’une audace qui ne lui correspond pas.

On aura beau interroger sa longue carrière on ne trouvera pas le moindre indice d’une annonce aussi fracassante que celle de séparer la politique de l’argent. Pour emprunter une comparaison au secteur des Travaux publics du très influent Ali Haddad, il est le maître d’œuvre choisi pour mettre en route un projet confié par le président de la République, maître d’ouvrage. Celui-ci n’ayant pas livré de méthode, c’est avec le seul souci de le satisfaire que M. Tebboune s’est mis à la tâche. Il y a mis un zèle qui n’a de d’égale que la violence de la riposte qui lui a été opposée.

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Suprême paradoxe : il est accusé de trahison alors qu’il pensait servir avec fidélité celui qui est censé détenir seul la légitimité politique dans le pays. En s’abritant derrière la citadelle présidentielle, il se croyait hors d’atteinte de tout tir ennemi.

Mais l’éphémère Premier ministre a donné l’impression de méconnaître le fonctionnement de l’institution présidentielle avec la maladie du chef de l’État qui n’est pas en capacité de le couvrir d’une toute-puissance en réalité perdue. Tout comme il a semblé ignorer l’influence prise par le président du FCE qui a diffusé sa force au sein des institutions et même dans les cercles diplomatiques étrangers. Par sa réaction immédiate et vive, le « patron des patrons » est aussi apparu bien plus au fait du processus de décision entre Zeralda et El-Mouradia.

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Effet inattendu dans les cercles de décision, la croisade lancée contre l’argent, appuyée par la démonstration que l’argent public a peut-être été dilapidé, a valu à son auteur une popularité qu’aucun de ses prédécesseurs ne peut revendiquer. Partis politiques, mouvements associatifs et citoyens via les réseaux sociaux ont salué son audace. Or, la relation avec le peuple est perçue à Alger comme l’apanage indiscutable et insécable du président Bouteflika.

Du coup, M. Tebboune s’est retrouvé malgré lui projeté à l’horizon 2019 avec un costume de potentiel candidat à la succession. Ceci brouille les cartes puisque ce scénario n’a jamais été envisagé. Par conséquent, il fallait organiser sa sortie et son départ en vacances, qui plus est en France, deux mois seulement après avoir pris ses fonctions, apparaît dans sa cruelle réalité : un insoupçonnable scénario pour l’exfiltrer pour mieux l’achever.

Et comme cela ne s’est jamais fait pour n’importe quel responsable politique, on a distillé des informations sur l’insouciance d’un chef de gouvernement en goguette. « Vous qui croyez luttant contre l’argent regardez-le se pavaner de la Côte d’Azur à la Moldavie avec l’argent public« .

Éloigné d’Alger, le scénario de sa succession ne fut pas difficile à écrire. En soldat discipliné, Ahmed Ouyahia a pris la relève. Comme il n’a jamais réussi à soigner son image au sein de la population il n’y a aucun risque qu’on lui vole son record d’impopularité en cas d’échec. Si M. Ouayahia parvient redresser la situation cela rejaillira positivement sur le président et non sur lui-même.

A-t-il reçu sa propre « feuille de route » ? À son poste de directeur de Cabinet, il connaît très bien celle qui a été assignée à M. Tebboune et revendiquée par celui-ci. Il serait étonnant que le chef de l’État ait changé de programme en deux mois seulement. D’ailleurs, Ouyahia ne va pas se présenter devant le Parlement pour présenter un nouveau programme. Il appliquera « celui du président » déjà détaillé par Tebboune fin juin devant les députés.

Il est donc appelé à se distinguer par la méthode. Réputé pour sa brutalité, M. Ouyahia va apprendre la douceur. En revendiquant publiquement son amitié avec Ali Haddad il saura mettre du fluidifiant dans les rouages du dialogue avec le FCE, autant qu’avec l’UGTA. Si l’hypothèse d’un 5e mandat est validée, M. Bouteflika ne pourra pas ignorer la clameur populaire contre les oligarques. Et ni le FCE ni l’UGTA ne viendraient entraver l’action d’Ouyahia. Si un cinquième mandat s’éloigne un autre scénario va s’écrire. Avec quelles lettres ?

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