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Un nouveau bras de fer entre le Cnapeste et Benghabrit risque de replonger l’école dans la grève

Un nouveau bras de fer entre le Cnapeste et Benghabrit risque de replonger l’école dans la grève

Le climat est toujours tendu à Blida dans le secteur de l’éducation, une semaine après la fin de la grève décidée par le Cnapeste. Les enseignants menacent de recourir une nouvelle fois à l’arrêt de travail si la situation de leurs collègues licenciés par le ministère de l’Éducation n’est pas réglée rapidement et efficacement.

« Notre grève est devenue nationale après la décision du bureau national du Cnapeste. Lors de la décision d’arrêter le mouvement le 28 février 2018, il a été convenu de ne signer aucun document. Jeudi 1er mars, nous avons été surpris de constater que seule Blida est concernée par l’obligation de signer un document pour réintégrer les enseignants radiés. Si la décision est politique, elle doit être appliquée à toutes les wilayas sans aucune exception. Ce n’est pas une décision administrative. C’est une décision de la Présidence de la République. Pourquoi fait-on alors exception avec Blida ? Dans toutes les wilayas, les enseignants ont repris leurs postes de travail normalement sans rien signer, sauf à Blida. C’est le ministère de l’Éducation qui dit non», accuse Ismail Bendehib, coordinateur de Blida du Cnapeste, rencontré dans les locaux du syndicat.

« Certains directeurs d’établissements ont menacé les enseignants de faire appel aux services de sécurité et les ont empêché d’accéder à leurs établissements. Les enseignants sont bloqués au niveau des portes. C’est une humiliation », précise, pour sa part, Hadji Amrouche, membre du bureau de Cnapeste Blida.

« Ils veulent nous pousser vers l’irréparable »

« Que cherchent-ils réellement? Comment va réagir un enseignant, stressé et fatigué après plus de trois mois de grève, et qui n’a pas été payé, face à un gardien d’établissement qui le provoque et le bloque devant la porte ? Ils veulent nous pousser vers l’irréparable pour faire pourrir davantage la situation », prévient Ismail Bendehib.

« À Boufarik, poursuit-il, la directrice d’un établissement a voulu faire sortir une enseignante concernée par la radiation devant ses élèves. Et quand l’enseignante a résisté, la directrice a tout simplement évacué la classe. Dans un CEM à El Affroun, un directeur a demandé à l’enseignante de sortir sous peine d’appeler la police. Et à Chebli, le directeur d’un lycée a sollicité la gendarmerie. Vous voyez, jusqu’où ils peuvent aller. Ils veulent à tout prix aller vers le pourrissement à Blida. Dans certains établissements, des enseignants grévistes ont repris mais sont ressortis par solidarité avec leurs collègues parce que le conflit est collectif ».

Les enseignants radiés, au nombre de 581, sont obligés, selon lui, d’introduire un recours auprès de l’administration pour réintégrer leurs postes. « Mais que trouve-t-on dans ce recours? Il est mentionné que l’enseignant était en situation d’abandon de poste. Donc, la grève n’est pas reconnue. Après des procédures seront engagées, comme la traduction devant le conseil de discipline puisque en signant, l’enseignant reconnaît qu’il était en abandon de poste. Nous n’étions pas en abandon de poste mais en grève », a-t-il appuyé.

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Des décisions visées par le contrôleur financier

Ismail Bendehib rappelle l’argument avancé par le ministère de l’Éducation relatif aux décisions de radiation visées par le contrôleur financier(CF). Le 1 mars 2018, Mohamed Chaïb Draa Tani, conseiller au ministère de l’Éducation nationale, a, lors d’une émission à la radio, expliqué la procédure.

« Les enseignants qui ont fait l’objet de procédures administratives sans le visa du contrôleur financier vont reprendre leurs postes de travail. Des instructions ont été données aux directeurs de l’éducation en ce sens pour leur faciliter la reprise. Concernant les enseignants qui ont fait l’objet d’un arrêté notifié et visé par le contrôleur financier, la procédure réglementaire est de déposer une demande de recours. Cette demande est nécessaire pour la réintégration et pour la reprise du poste du travail », a-t-il indiqué. Seuls les enseignants de Blida doivent, selon lui, introduire la demande de recours.

Dimanche 5 mars, la ministre de l’Éducation, Nouria Benghabrit a déclaré que 426 enseignants grévistes (sur un total de 19.000) n’ont pas encore été réintégrés. « Ils n’ont pas introduit de recours individuels auprès de leurs établissements et auprès des directions de l’éducation, pour leur examen par la commission paritaire, en vue de leur réintégration. La responsabilité est individuelle. Si l’enseignant concerné n’introduit pas de recours en son nom personnel, nous serons dans l’incapacité de régulariser sa situation et de le réintégrer dans son poste », a-t-elle souligné.

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« Radier 580 enseignants qui ont fait grève n’a eu lieu dans aucun pays »

« La loi nous donne deux mois pour introduire un recours. En plus, il y a des doutes autour du visa du contrôleur financier qui, comme chacun le sait, clôture le 31 décembre. Il peut, à titre exceptionnel, poursuivre son action jusqu’au 20 janvier. Il ne peut aller au-delà du 31 janvier. Or, les visas apposés sur les décisions de radiation remontent au 8 février, au moment au le CF était en clôture. Les enseignants ne vont pas signer le recours que nous appelons le document de la honte. Ils demandent l’application de la décision politique à Blida comme pour toutes les autres wilayas. Nous avons poursuivi une mouvement de grève pendant plus de trois mois sans que nos revendications ne sont réalisées. Nous avons demandé la révocation de la directrice de l’éducation. Elle est toujours à son poste. Nous n’avons pas été payés pour les mois de janvier et de février. Et, il est probable qu’on ne le soit pas en mars. Après tous ces sacrifices, on ose nous demander de signer un recours dans lequel nous reconnaissons que nous étions en « abandon de poste ». Les enseignants nous disent qu’ils n’ont désormais rien à perdre. Ils ne signeront pas ces recours. Radier 580 enseignants qui ont fait grève n’a eu lieu dans aucun pays », constate Ismail Bendehib.

Selon Hadji Amrouche, la grève est un conflit collectif. « Pourquoi veulent-ils en faire un conflit individuel en évoquant le recours avant réintégration pour chaque enseignant? Cela a des conséquences légales. Si l’enseignant signe, il reconnaît qu’il était en abandon de poste. Là, il est obligé de présenter des justificatifs. Après l’administration peut faire ce qu’elle veut, comme le licenciement définitif », a-t-il prévenu.

Le Cnapeste Blida a proposé à l’Inspecteur de travail la signature par le coordinateur d’un document au nom de tous les enseignants.

« Je lui ai dit, j’ai signé l’appel à la grève au nom des enseignants et je suis prêt à signer un document demandant à l’administration l’annulation de la décision de radiation. Il m’a alors demandé de lui communiquer la liste nominative détaillée des enseignants. J’ai refusé car l’appel à la grève n’a pas été accompagné d’une liste détaillée de tous les enseignants. L’inspecteur a pris attache avec le ministère du Travail, lequel a refusé la proposition. Qu’ils assument », précise Ismail Bendehib.

Situation d’anarchie

Hadji Amrouche évoque une situation d’anarchie dans le secteur de l’éducation à Blida (la wilaya compte plus de 10.000 enseignants). « Les cours n’ont pas repris dans certains établissement en raison de cette situation d’obligation de signature de recours. Il sera après difficile de contenir les élèves sur les plans pédagogiques et psychnologiques. La perturbation des scolarisés va s’aggraver parce qu’ils ne savent pas ce qui se passe alors qu’on leur a annoncé que la grève était terminée. Il y a des classes où les examens ont eu lieu alors que d’autres les examens ont été reportés », explique-t-il.

Mohamed Chaïb Draa Tani a parlé, dans la même émission radio, de remplacement des enseignants en « abandon de poste » à Blida par des suppléants, « payés par la wilaya ».

« Il ne s’agissait pas pour nous de remplacer les enseignants en abandon de poste, mais de continuer la scolarité des élèves. Il n’y a pas de retard dans les programmes. Nous allons garder ces suppléants pour accompagner les élèves aux fins de préparer les examens. Ils vont assurer le soutien scolaire », a-t-il dit.

Des portes du dialogue fermées

Les responsables du Cnapeste Blida ne veulent plus discuter avec Ghenima Ait Brahim, directrice de l’éducation de Blida. « Nous avons fermé les portes du dialogue avec elle. A son arrivée en 2014, nous avons demandé une audience avec elle pour une séance de travail. Elle n’a pas répondu à nos cinq demandes Nous avons alors organisé deux sit in, une grève de deux jours et un boycott administratif (non remplissage de bulletins de notes). En 2015, elle a fini par nous reçevoir. C’était une manoeuvre pour sa part pour que nous remplissions les bulletins et organisions les consels de classe. Après un mois, elle a fermé les portes du dialogue. Sans raison. Trois jours après son arrivée à Blida, elle a confié aux directeurs d’établissements qu’elle était venue pour casser le Cnapeste. En 2015, nous avons introduit cinq autres demandes d’audience. Aucune réponse aussi. Nous avons organisé un sit-in en septembre de la même année, suivi de deux mouvements de grève et d’un boycott administratif. Comme les choses se sont compliquées, elle a accepté de dialoguer avec nous en janvier 2016. Elle nous a même dit qu’elle a été induite en erreur. Nous l’avions cru comme des enfants. Après l’arrêt du boycott administratif, la directrice a reprises ses mauvaises habitudes », détaille le coordinateur du Cnapeste Blida.

Durant 2016 et 2017, le bras de fer avec Ghenima Ait Brahim s’est endurci. « Elle a fait main basse sur les commissions paritaires et sur leurs décisions en nous ignorant. Elle fait passer des décisions sans que l’on soit présent. Les convocations n’étaient même pas envoyées aux établissements ou déposés uniquement au niveau des bureaux d’ordre sans que l’on soit informé. En décembre 2016, nous avons organisé une grève de dix-sept jours. Une commission ministérielle s’est déplacée à Blida, composée des conseillers de la ministre de l’Education, Chaïb Draa et Brixi, et des membres du bureau national du Cnapeste, Boudiba et Mokrani. La directrice a été critiquée par la commission en notre présence. Elle a nous a alors promis d’ouvrir une nouvelle page. Nous avons établi un PV le 16 décembre 2016. Une semaine après, elle a refermé une nouvelle fois la porte du dialogue en demandant aux directeurs de ponctionner nos salaires, contrairement à ce qui a été décidé en commission. Elle a refusé de nous recevoir. A partir du 3 janvier 2017 et jusqu’à 26 septembre 2017, nous avons introduit six demandes pour tenir une séance de travail avec elle. Aucune réponse », explique-t-il.

« Nous exigeons le départ de la directrice de l’éducation »

Selon lui, les membres du bureau de wilaya du Cnapeste ont été empêchés d’accéder à la direction de l’éducation de Blida et dans les établissements scolaires. « En octobre 2017, il nous a été demandé de présenter une autorisation pour accéder à ces établissements. Cette autorisation n’existe pas dans la loi. Malgré cela, nous avons introduit quatre demande auprès de ses services pour avoir cette autorisation sans la recevoir », rappelle notre interlocuteur.

Le Cnapeste Blida a saisi par lettre le ministère de l’Education en juin 2017 pour se plaindre du « comportement négatif de la directrice ». Il a envoyé ensuite des lettres au Premier ministre, au wali de Blida et à l’Inspection de travail. « Personne n’a pris soin de nous répondre. Comme nous avons vu que la situation était bloquée, nous avons décidé de recourir à la grève le 27 novembre 2017 (grève devenue nationale à partir du 30 janvier 2018). Comment pouvez-vous dialoguer avec une responsable pareille ? Elle n’a même pas respecté les décisions d’une commission ministérielle. Maintenant, nous exigeons le départ de la directrice de l’éducation. Il n’existe désormais aucune possibilité de collaborer ou de travailler avec elle », tranche Ismail Bendehib.

Le Cnapeste Blida menace de recourir à la grève une nouvelle fois si les enseignants radiés ne sont pas réintégrés. « Une grève qui deviendra nationale. Là, l’opinion publique saura qui pousse au pourrissement », affirme le coordinateur.

TSA a tenté de contacter et de rencontrer la directrice de l’éducation de Blida. Malgré de nombreux appels téléphones et de SMS, nous n’avons reçu aucune réponse.

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