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Une police d’énergie, pour quoi faire ?

Une police d’énergie, pour quoi faire ?

Le ministre de l’Énergie Mustapha Guitouni a annoncé, ce lundi, la mise en place prochaine d’une « police d’énergie » au sein de la Sonelgaz afin de lutter contre le phénomène de fraude et de vol d’électricité et du gaz.

« D’ici la fin de l’année on aura une police d’énergie comme cela se fait un peu partout dans le monde », a déclaré le ministre, tout en rappelant que « durant les années 1970, il y avait cette police de l’énergie. Ses agents sont choisis pour leur sagesse et leur expérience du terrain. Ils seront présentés au niveau de la justice pour être assermentés ».

« Aujourd’hui, il est temps qu’on revienne aux normes et que les gens s’auto-disciplinent. On ne peut pas rester comme ça », a affirmé Mustapha Guitouni. « Le consommateur de l’énergie et du gaz doit payer ce qu’il consomme, ce qui n’est pas (toujours) le cas maintenant », a-t-il ajouté.

Si l’idée de s’attaquer aux fraudes peut paraître en apparence intéressante, la décision du ministre de l’Énergie demeure cependant terriblement mal conçue et dévoyée. En annonçant la création d’une police d’énergie, Mustapha Guitouni impute la responsabilité des fraudes exclusivement aux usagers en ignorant sciemment les raisons endémiques menant à la fraude énergétique.

La rengaine du gouvernement est toujours la même, et l’actuel ministre de l’Énergie s’inscrit dans la même lignée. C’est en somme la faute aux Algériens incapables de « s’auto-discipliner ». Dans le cas présent, il semble ainsi par exemple hors de question pour Mustapha Guitouni de s’efforcer à l’introspection en regardant d’abord dans le secteur dont il a la tutelle.

Le ministre ne semble par exemple pas particulièrement intéressé par le fait que la Sonelgaz soit minée depuis des années par des affaires de corruption de grande importance (passation de marchés dans des conditions douteuses, notamment) et par une mauvaise gestion caractérisée. Une situation qui a pourtant coûté à l’État algérien probablement des milliards de dollars, bien plus que ce que peuvent représenter les quelques cas de fraude énergétique ici et là.

Parlons-en d’ailleurs de cette fraude que le ministre souhaite endiguer avec son projet de police de l’énergie. Qui est responsable de cette fraude, et quel est son degré ? Le ministre n’a présenté aucun chiffre, et n’est même pas sorti des généralités pour accompagner son annonce. Dans les faits, la majorité des cas de fraude énergétique concernent des zones à peine pourvues d’électricité, en général abandonnées à leur sort et qui profitent de l’absence de l’État pour détourner l’électricité, la nature ayant horreur du vide.

Le projet de police d’énergie n’est pour sa part en lui-même qu’une simple mesure cosmétique, destinée à créer l’illusion que le gouvernement cherche à tacler un problème sans vraiment apporter de solution. Ce ne sont pas quelques agents de la Sonelgaz assermentés qui pourront régler les vrais problèmes touchant le secteur de l’électricité et du gaz en Algérie.

Pire, il semble même clair qu’ils ne régleront pas non plus les problèmes de vol d’électricité. Pour endiguer la fraude au compteur avec une police d’énergie, la Sonelgaz serait dans l’obligation d’allouer des ressources considérables dans la formation de nouveaux agents en mesure de couvrir l’ensemble du territoire national, et ce sans garantie de résultat. Des ressources dont la Sonelgaz, lourdement endettée et dans un contexte de crise économique nationale, ne dispose pas.

Enfin, au lieu de faire semblant de travailler, le nouveau ministre de l’Énergie serait mieux inspiré de réfléchir à une stratégie pour son secteur, malmené depuis quelques années par la corruption, une absence de vision et un management chaotique des deux principales entreprises qui le composent, Sonatrach et Sonelgaz. Quant aux fraudeurs, il y a des institutions qui sont en charge de faire respecter la loi. Elles s’appellent la justice et les forces de sécurité.

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