L’Algérie a passé mercredi 4 octobre une commande de 60.000 tonnes de maïs et de 30.000 tonnes d’orge via l’Office national de l’aliment de bétail (ONAB).
Ces importations ont lieu dans un contexte marqué par la sécheresse qui a handicapé la production locale d’orge et par la reprise d’activité des éleveurs de volailles après la pause estivale. De par leur ampleur ces achats posent question.
Le maïs commandé par l’Algérie devrait provenir d’Argentine ou du Brésil et être expédié entre le 15 et le 31 octobre, selon l’agence Reuters qui a rapporté l’information. Quant à l’orge, elle devrait avoir différentes origines et être expédiée au plus tard le 30 novembre.
Selon Reuters, un précédent appel d’offre avait été passé par l’Onab avec comme date limite le 27 septembre pour l’achat de 90.000 tonnes de maïs et 30.000 tonnes d’orge.
Nouvelles missions pour l’Onab
Ces achats s’expliquent par les nouvelles orientations en matière d’approvisionnement du cheptel ovin et les missions confiées à l’Onab. La ration d’orge dont peuvent se prévaloir les éleveurs algériens est passée de 300 grammes par brebis à un kilo.
Par ailleurs l’Onab développe des contrats de type triangulaire avec les éleveurs. Ceux-ci bénéficient d’aliments concentrés pour leur cheptel à condition de vendre les animaux au groupe public Algérienne des viandes rouges (Alviar).
Enfin, pour mettre fin à la tension sur le marché de la viande de volaille, l’Office a récemment été chargé d’approvisionner les coopératives avicoles. Ces achats correspondent à la volonté de répondre aux besoins en protéines des consommateurs par le recours aux protéines animales.
Quelles alternatives aux importations ?
Face à des importations croissantes de maïs et d’orge, plusieurs alternatives sont à priori envisageables : améliorer l’offre locale en fourrages, mieux valoriser l’orge, et enfin consommer plus de protéines végétales.
Concernant l’offre en fourrages, celle-ci se développe en Algérie. C’est le cas du maïs ensilage subventionné qui connaît un essor considérable. C’est le cas dans la wilaya de Ménéa pour l’élevage bovin laitier et dans celle de Naâma pour l’élevage ovin.
Après l’importation de matériel autrichien, l’importation récente de matériel de conditionnement d’origine turque devrait contribuer à améliorer la production de balles rondes.
Bien que largement subventionnée, la production locale de maïs ne décolle pas, car, selon les agriculteurs, elle est moins rentable que le maïs fourrage.
Importations d’orge et potentialités locales
Si les importations de maïs peuvent s’expliquer par la nécessité d’une irrigation, les importations d’orge restent pour le moins étonnantes dans la mesure où il s’agit d’une culture d’hiver. En 2010, l’Office algérien des céréales (OAIC) avait même exporté une partie de la production locale.
La récolte d’orge 2023 a connu les affres de la sécheresse qui a affecté durement l’Algérie, mais le niveau des production reste en dessous des potentialités locales.
En 2002 et 2003, suite à sa politique d’édification de digues en travers du lit des oueds, le Haut-commissariat au développement de la steppe (HCDS) a permis l’irrigation par épandage de crues de plusieurs milliers d’hectares en milieu steppique.
Le poids moyen de la carcasse des animaux est passé de 13 kg à 22 kg sans complémentation en orge. Le HCDS explique ces performances par « le fait que les troupeaux trouvent de quoi manger sur les parcours pastoraux ».
En 2011, un essai réalisé à Oum El Bouaghi par Arezki Mekliche de l’École nationale supérieure d’agronomie d’El Harrach a montré qu’il était possible de doubler le rendement des cultures d’orge en Algérie.
Utilisant toute la panoplie de l’agronomie : semis direct, fertilisation classique et foliaire, protection fongique ainsi qu’herbicides, le rendement est passé de 26 à 44 quintaux par hectare.
Sous-utilisation de l’orge importée
Une deuxième alternative consiste à mieux valoriser l’orge dans les rations animales. Des éleveurs ont pris l’habitude de faire germer de l’orge durant 7 jours dans des enceintes fermées puis de les distribuer aux animaux.
Dans les rations d’engraissement, les agneaux reçoivent souvent jusqu’à 2 kg d’orge mais sans recevoir d’aliment riche en azote. Dans ces conditions, la croissance des animaux n’est pas optimale et à l’abattage les carcasses sont surchargées de graisse.
Dès le milieu des années 1970, la recherche agronomique algérienne a mis au point plusieurs types de protocoles visant enrichir ce type de ration à partir de l’urée fabriquée par la société Asmidal.
Ce type de complémentation azotée des rations animales est largement développé par l’homologue norvégien d’Asmidal, la société Yara, filiale de Norsk Hydro, à travers le Rumistan proposé aux éleveurs de ruminants. Mais du fait de la méconnaissance de ce type d’utilisation, après avoir approvisionné le marché local en engrais, Asmidal oriente ses « surplus » vers l’exportation.
Reste la dernière alternative qui concerne les besoins alimentaires quotidiens tels que définis par les normes de la FAO : 2600 calories et 75 grammes de protéines.
Actuellement en Algérie, comme dans le modèle alimentaire occidental, cet apport en protéines laisse essentiellement place aux protéines animales au détriment des protéines d’origine végétale qui correspondent au régime alimentaire traditionnel maghrébin à base de blé dur, légumes secs et fruits secs.
En 1980, dans une étude portant sur les stratégies agro-alimentaires pour l’Algérie, l’universitaire française Dominique Badillo s’est penchée sur les moyens de réduire la dépendance alimentaire du pays vis-à-vis de l’étranger à l’horizon 2000.
Tenant compte des potentialités agricoles locales, en utilisant des moyens informatiques, elle a testé différents scénarios de régime alimentaire faisant plus au moins appel aux protéines végétales animales.
Chacun admettra qu’il existe un lien entre les aspects agricoles et nutritionnels. Elle aboutit à la conclusion suivante : « Si l’objectif est la satisfaction des besoins alimentaires et la minimisation de la dépendance alimentaire, une action sur le type de consommation se révèle plus efficace qu’une action sur le niveau d’intensification [des cultures] ».
En 1980, l’universitaire n’avait pas intégré dans ses scénarios les modifications liées au dérèglement climatique ou les tensions géopolitiques pouvant peser sur le commerce mondial des céréales. Mais sa problématique de départ reste toujours valable, en attestent les dernières commandes de l’Onab.