Après huit mois de crise sans précédent, l’Algérie et la France ont acté le début d’un retour à la normale par, d’abord un entretien téléphonique entre les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, puis une visite très médiatisée du chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot à Alger, dimanche 6 avril.
L’essentiel aura été fait, soit la reprise du contact et une volonté affichée réciproquement d’aller de l’avant sur tous les dossiers posés, y compris les plus épineux et ceux qui alimentent les polémiques et aggravent les tensions depuis plusieurs mois.
Il en était temps après un long froid jamais vu depuis l’indépendance dans la relation entre les deux pays qui ont en commun plusieurs millions de citoyens.
Algérie – France : éviter de vouloir « tout et maintenant »
Il reste cependant le plus dur : mettre en œuvre la feuille de route tracée lundi 31 mars par les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron sans buter sur les difficultés qui ont alimenté la brouille et qui ont retardé l’émergence d’une solution.
Tout dépendra en fait de deux éléments cardinaux : la marge de manœuvre du président français Emmanuel Macron dans un contexte de cohabitation face à une extrême-droite résolument anti-algérienne, et la nature des attentes et des demandes de part et d’autre.
La configuration du champ politique français étant ce qu’elle est devenue depuis les élections européennes et législatives de l’été 2024, le président Macron risque de devoir jouer les équilibristes pour éviter une nouvelle crise politique majeure.
Tous ses mots et gestes envers l’Algérie, sur la mémoire et l’immigration notamment, seront scrutés par l’extrême-droite et la droite dure, représentée au gouvernement par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.
Le candidat à la présidence du parti Les Républicains (droite) est accusé par une partie de la classe politique en France, d’utiliser le sujet Algérie comme tremplin à l’ascension politique.
Emmanuel Macron a un gouvernement à maintenir en vie et aura dans les prochains mois et semaines des lois et des décisions à faire adopter par un Parlement hétéroclite, où, sans être majoritaire, le courant extrémiste a un poids certain.
Emmanuel Macron pourrait n’avoir d’autre choix que d’exécuter une autre partition de son fameux "en même temps" qui, hélas, a montré ses limites plus d’une fois, y compris dans ce dossier Algérie.
Le réchauffement entre Alger et Paris risque en outre de buter sur la nature des demandes réciproques qui seront exprimées dans les discussions à venir.
Il s’agira pour les responsables de part et d’autre d’éviter de vouloir "tout et maintenant". Il est peu probable que l’Algérie accepte d’ouvrir une brèche qui permettra au ministre français de l’Intérieur de procéder à des expulsions massives et systématiques des Algériens de France, clandestins ou pas.
Apaisement Algérie – France : « Il y a une seule incertitude »
Le cas Boualem Sansal pourra être solutionné par une décision de justice ou un geste humanitaire du président Tebboune et le reste des questions posées, les visas et l’immigration, les OQTF et les extraditions, la mémoire et l’économie, le seront inévitablement par le compromis.
Alger a tracé le cadre et Paris n’y voit pas d’inconvénient : tout se fera conformément aux "accords existants, via les procédures normales et fluides de la coopération consulaire", comme l’a confirmé Jean-Noël Barrot à sa sortie, dimanche 6 avril, du bureau du président Tebboune. C’est en effet la voie la moins compliquée pour sortir du tunnel de la crise.
Des deux côtés de la Méditerranée, on scrute désormais la suite des évènements. Partisan de la ligne dure avec Alger, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau dit attendre des actes.
Du côté algérien, la même attente est affichée : « Il faut attendre les résultats. Après une audience (de Barrot, NDR) de 2 h 30 avec le président de la République, en plus des entretiens avec Ahmed Attaf ( 1 h 45), il faut s’attendre à ce que les choses s’accélèrent », explique à TSA une source algérienne qui pointe une « seule incertitude : le président Macron a t- il tous les leviers pour faire avancer les choses ».
Crise Algérie – France : des traces indélébiles
La relation Algérie-France redeviendra peut-être ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, une relation normale entre deux grands États souverains, partageant des intérêts et une population commune.
Sans vouloir jouer les rabat-joie, il serait cependant illusoire d’entrevoir un retour dans l’immédiat, comme si de rien n’était, à la situation d’avant juillet 2024, encore moins à la lune de miel de 2022.
Les péripéties de la crise de ces huit derniers mois laisseront, et pour longtemps, des traces indélébiles sur la relation diplomatique et sur la diaspora.
L’Algérie a été attaquée et outragée comme jamais par une partie de la classe politique française, et l’immigration algérienne stigmatisée et pointée du doigt comme nulle autre. Il faudra peut-être faire preuve de patience et laisser le temps faire son œuvre…
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