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Tebboune – Haddad, chronique d’une guerre intestine

Tebboune – Haddad, chronique d’une guerre intestine

Pourquoi regarder des séries télévisées lorsque l’on peut assister en direct à la déliquescence de son pays, miné par les guerres intestines entre clans ? L’épisode du conflit opposant le premier ministre Abdelmadjid Tebboune au président du FCE Ali Haddad a connu, ce dimanche, un nouveau tournant dramatique lorsque Haddad s’est affiché publiquement aux côtés de Saïd Bouteflika, frère et conseiller du Président, durant l’enterrement du défunt Redha Malek.

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Pire : la scène surréaliste s’est déroulée à quelques mètres d’Abdelmadjid Tebboune, laissant penser qu’outre la mise en terre de l’ex-chef du gouvernement, l’on assistait également peut-être à l’inhumation de la crédibilité politique de l’actuel Premier ministre. Comment la situation a pu en arriver là ? Retour sur plus de deux semaines très tendues au plus haut sommet de l’État.

Toute guerre a besoin d’un cassus belli. Dans le conflit opposant Tebboune à Haddad, c’est le Premier ministre qui déclenche les hostilités le samedi 15 juillet dernier en sommant le président du FCE de quitter les lieux lors d’une cérémonie organisée à l’École supérieure de la sécurité sociale. Ce véritable coup de l’éventail infligé à Haddad ne viendra pas seul. Le lendemain, dimanche 16 juillet, le groupe ETRBH d’Ali Haddad se voit adresser plusieurs mises en demeure par l’État, avec à la clé des menaces de résiliation de contrats dont le montant atteint les centaines de millions de dollars.

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Le coup de massue sème la confusion dans les rangs du FCE. Se concertant avec d’autres syndicats signataires du Pacte national économique, dont l’UGTA, le patron des patrons balbutie le 18 juillet une réponse dans laquelle il dénonce le « traitement réservé ». « Le geste de Monsieur le Premier ministre [porte] indéniablement préjudice à l’esprit et la lettre du Pacte national économique et social de croissance », affirment les signataires.

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En face, Abdelmadjid Tebboune ne cligne pas des yeux et ne recule pas.  « La consécration du principe de la séparation entre le pouvoir politique et le pouvoir de l’argent figure dans le plan d’action du gouvernement qui a été recommandé par le Président de la République lors du conseil des ministres et validé par les deux chambres du parlement », affirme le Premier ministère dans un communiqué publié le 19 juillet. Un communiqué qui a été diffusé avant d’être retiré sans explications.

Très vite, le front de soutien autour de Haddad se fissure. Dès le lendemain, plusieurs organisations patronales se désolidarisent de la déclaration de soutien au président du FCE, signée la veille à l’Aurassi. Lâché sur la scène publique de toutes parts comme un pestiféré, le pronostic vital d’Ali Haddad semblait clairement engagé. Le 22 juillet, une information publiée dans les colonnes de TSA révèle qu’Abdelmadjid Tebboune a été reçu par le président Abdelaziz Bouteflika le 14 juin dernier, avant la tenue du Conseil des ministres. Durant cet entretien qui a duré moins de 30 minutes, en présence du général Gaïd Salah, le chef de l’État a clairement demandé à son Premier ministre de « sévir » contre « les hommes d’affaires qui ne respectent pas les règles et ceux qui transfèrent de l’argent de manière illicite à l’étranger ».

Le sort de Haddad ne laissait plus grand doute. Néanmoins, ce qui se passe sur la scène publique en Algérie ne révèle bien souvent qu’une minuscule fraction de l’image.

Le 25 juillet, le groupe ETRHB Haddad répond publiquement et techniquement, point par point, aux reproches qui ont été formulées dans les mises en demeure des différentes structures de l’État. Le groupe pointe plusieurs dysfonctionnements de la part du maître de l’ouvrage : attente d’approbation d’avenants, arrêts répétitifs des travaux pour « des contraintes d’emprises, d’intempéries et d’approbation d’avenants », retard de paiement, etc. Le groupe chiffre en outre à plus de 12,3 milliards de dinars le retard des paiements dus et le préjudice engendré par ces retards.

En réponse à la contre-attaque de Haddad et pour une raison qui demeure encore obscure, le gouvernement entame quelques jours plus tard lentement mais sûrement un rétropédalage en bonne et due forme vis-à-vis d’Ali Haddad et son groupe. Le ministre des Travaux publics, Ableghani Zaalane, affirme le 29 juillet que « 52 mises en demeure ont été adressées aux entreprises activant dans le domaine des travaux publics et du transport », laissant ainsi entendre que le gouvernement ne mène pas de campagne spécifique contre l’ETRHB.

Le lendemain, dimanche 30 juillet, le premier ministre Tebboune reçoit en personne au Palais du gouvernement Ali Haddad en compagnie du patronat et de l’UGTA. Il assurera durant la rencontre que le patronat « constitue pour le gouvernement un partenaire indissociable dans la croissance économique », scellant la reculade officielle du gouvernement.

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Enfin, afin de signifier clairement le retour aux affaires courantes, Saïd Bouteflika et Ali Haddad se sont affichés publiquement ensemble le même jour tout sourire durant l’enterrement de Redha Malek. Parce que la subtilité n’est clairement pas une qualité algérienne, Saïd Bouteflika a en outre insisté afin que Haddad montre dans sa voiture, offrant ainsi une parfaite incarnation du « Ride or die » (ensemble jusqu’au bout) qui semble tant caractériser la relation actuelle entre le pouvoir et l’argent. L’odeur ambiante de fin de règne devient rance.

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