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Fin de la grève des médecins résidents : victoire au goût de défaite pour le gouvernement

Fin de la grève des médecins résidents : victoire au goût de défaite pour le gouvernement

La grève des résidents qui a agité l’opinion publique et la scène politique pendant près de huit mois a fait pschitt ! Les grévistes ont repris le travail le dimanche 24 juin, de façon unilatérale, dans le seul espoir de décrocher une entrevue avec leurs ministres de tutelle qui, eux, n’ont donné aucune garantie quant à la satisfaction des revendications des 15 000 résidents que compte actuellement le pays.

Ce gel de la grève qui peut faire croire à une reddition sans condition des résidents n’est, comme le répètent ces derniers, qu’un signe de bonne foi et un témoignage de leur sens des responsabilités.

Au lieu de trouver des solutions aux problèmes des résidents afin de les convaincre de reprendre le travail, le ministère de la Santé a opté pour le bricolage en appliquant des rustines trop petites à des trous trop grands causés par le retrait des résidents de leurs services.

Le résultat de cette politique est que, lors des derniers mois de la grève, et plus précisément depuis l’arrêt des gardes par les résidents, les hôpitaux algériens, les CHU notamment, ont sombré dans une anarchie indescriptible obligeant ces établissements à restreindre leur offre de service au strict minimum.

La grève des résidents a été un duel sans vainqueurs. Les résidents prenant leurs responsabilités face à ce chaos dans leurs établissements et usés par huit mois de grève, de protestations, de gels de salaires, d’intimidations, de stress, et surtout, par l’entêtement insensé de la tutelle, ont repris le travail, du moins, là où on ne les en a pas empêchés.

Un ministre sans emprise sur son secteur

Dans certains services hospitaliers, comme celui de médecine physique et de réadaptation de Tixeraine à Alger, les chefs de services refusent le retour au travail des résidents et dans d’autres, ces professeurs vont même jusqu’à traduire les résidents grévistes en conseil de discipline pour des motifs inconnus. C’est le cas notamment dans deux services du CHU de Sidi Bel Abbès.

Ce comportement qui ressemble à une vengeance de la part des chefs de service est d’autant plus grave qu’il met en évidence le peu d’emprise qu’a le ministre de la Santé sur son secteur.

Les professeurs, en agissant ainsi, contrarient les desseins de leur ministre qui a tout intérêt à ce que tous les résidents reprennent leurs postes et que le travail reprenne dans les hôpitaux de la façon la plus normale que possible.

Dès les premiers jours qui ont suivi la reprise du travail par les résidents, les Directions de la Santé et de la Population ont envoyé des formulaires aux services hospitaliers afin d’être renseignés sur le taux de résidents ayant effectivement repris le travail.

Cette mesure, si elle est la preuve d’une chose, c’est de la volonté de la tutelle de retourner au statut quo d’avant la grève et de « normaliser » la situation au plus vite. Une volonté que semblent ignorer ou même défier ces chefs de services.

Cet état de fait permet d’émettre des doutes quant à la capacité de Mokhtar Hasbellaoui de mener des réformes efficaces dans son secteur.

L’opinion publique « pas concernée »

Alors que les résidents en sciences médicales qui ont fait montre de bonne foi en reprenant le travail depuis près de deux semaines attendent toujours un geste en retour de leur ministre, celui-ci continue à garder le silence et laisser les résidents livrés au doute et à l’angoisse provoquée par l’idée d’avoir perdu huit mois de leur formation en vain.

Selon des membres du bureau national du Collectif autonome des médecins résidents algériens, aucun contact n’a été établi avec eux par la tutelle, ni coup de fil, ni e-mail ni déclaration annonçant une prochaine rencontre avec les délégués nationaux des résidents.

Pire encore, les e-mails envoyés ces derniers jours par les membres du bureau national du Camra au ministre de la Santé pour lui demander une entrevue sont restés sans réponse.

Un mutisme qui laisse l’observateur perplexe. L’arrêt total de la grève et la reprise des activités pédagogiques et hospitalières par les résidents étant une exigence formulée par le ministre lui-même qui l’a imposée comme condition à la reprise des négociations.

Cette condition une fois remplie par les résidents, oblige moralement le ministre de la Santé à débloquer les négociations, chose qu’il se refuse non seulement à faire jusqu’à ce jour, mais aussi à commenter.

Il y a une semaine, le ministre de la Santé a affirmé que la question de la reprise des négociations entre lui et les résidents ne concernait pas la presse.

En faisant une telle déclaration, Mokhtar Hasbellaoui veut écarter l’opinion publique d’une question vitale la concernant : l’état du système de santé. Le ministre n’ignore sans doute pas que la grève des résidents qui a affecté le fonctionnement de la majorité des grands établissements hospitaliers concerne directement les citoyens amenés à se soigner ou à faire soigner un de leurs proches dans un de ces établissements, c’est-à-dire la majorité des Algériens pour qui le secteur public, malgré ses graves défaillances, reste le premier recours en cas de maladie ou d’accident.

La tutelle et le système de Santé vrais perdants du conflit

En refusant de communiquer, en prenant son temps pour répondre à l’initiative de sortie de crise des résidents, le ministre de la Santé agit en grand vainqueur de ce conflit et il se trompe. C’est une victoire au goût de défaite pour le gouvernement.

Les résidents, même s’ils ont péché par ambition et par naïveté, en mêlant à des revendications tout à fait justes et légitimes d’autres qui pourraient paraître exorbitantes et en croyant en un déblocage de leur situation dès leur reprise du travail, ont dévoilé la dure réalité du système de santé algérien.

Les résidents ont bravé l’interdit de manifester dans la capitale et ont réussi à faire sauter ce verrou qui date de 2001 à plusieurs reprises. Ils ont également réussi à observer une longue grève en respectant les lois, en ne provoquant aucun trouble et en restant solidaires et unis presque jusqu’au dernier jour.

Les protestataires, après avoir repris le travail, même si ce n’est pour le Camra qu’un « gel » de la grève, pourront difficilement reprendre la protestation, surtout que les résidents en dernière année ont commencé à passer l’examen du DEMS alors que le boycott de cet examen à deux reprises a été l’un des principaux leviers de pression dont disposaient les médecins résidents.

Le contrecoup de la grève pour le gouvernement ne se fera sentir que lorsque les résidents seront des médecins spécialistes diplômés, libres de tout engagement, et qu’ils pourront quitter le pays pour rejoindre les dizaines de milliers de médecins algériens qui exercent leur métier à l’étranger.

Même si beaucoup d’entre eux ne se faisaient pas d’illusions, mais cette grève a décisivement montré qu’il n’existe aucune volonté politique de réformer la santé, et le peu d’intérêt accordé par l’Algérie à ses médecins. Cette grève va accélérer, sans doute, l’exode, déjà massif, des médecins vers l’étranger.

La grève des résidents est bel et bien finie, sans parvenir à améliorer les conditions de vie et de travail des médecins, sans améliorer le fonctionnement des hôpitaux, sans provoquer de réforme profonde de la Santé en Algérie.

Mais elle aura eu le mérite de mettre à nu des pratiques relevant souvent de l’incompétence, parfois de la malveillance et à éclairer l’opinion sur ce qui va mal dans le système de santé algérien.

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