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L’affaire Haddad, symbole de graves défaillances au sommet de l’État

L’affaire Haddad, symbole de graves défaillances au sommet de l’État

Depuis son installation, le gouvernement Tebboune donne l’impression de tout remettre en cause et de suggérer que l’équipe Abdelmalek Sellal cumulait les erreurs, voire des dérapages dans plusieurs dossiers. Sellal est parti sans présenter le bilan de son action et Tebboune a entamé son travail à la tête du gouvernement dans une démarche de rupture avec le précédent gouvernement.

Pourtant, tous les gouvernements qui se succèdent depuis 1999 disent appliquer à la lettre « le programme du Président de la République ». Alors où se situe le problème : dans l’application du programme ? Dans sa compréhension ? Dans le choix des hommes ? Ou dans le programme lui-même ? À suivre la logique de Tebboune et son équipe, Sellal a échoué dans sa gestion. Car, comment expliquer qu’on ait trouvé des failles et des erreurs partout : montage des véhicules, terres agricoles, foncier industriel, zones d’expansion touristiques, importations, projets d’équipement public…

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L’affaire Ali Haddad

Plus grave encore, le ministre de la Justice, Tayeb Louh, qui était à ce même poste dans le gouvernement Sellal, a demandé, jeudi 20 juillet, aux procureurs de la République de s’autosaisir et « d’entamer des poursuites pénales dans le cas d’atteintes aux terres agricoles ». Pourquoi n’a-t-il pas formulé la même demande auparavant surtout que le détournement des terres agricoles n’est pas un phénomène nouveau ?

Sellal a-t-il à ce point « tout verrouillé » en obligeant certains ministres à garder le silence et à « laisser faire » ? L’affaire Ali Haddad illustre bien cette situation. Le président du Forum des chefs d’entreprises (FCE) est devenu subitement un homme infréquentable alors qu’il avait toujours eu statut de « VIP » au gouvernement et à la présidence de la République.

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Comment avait-il gagné ce « statut » de privilégié ? L’opinion nationale l’ignore toujours. Comme elle ne sait pas pourquoi le patron du groupe ETRHB a obtenu avec facilité des dizaines de projets de travaux publics dans plusieurs régions du pays et des crédits bancaires. Ali Haddad est aujourd’hui mis en demeure de terminer ses projets sous peine de sanctions financières ou de voir les contrats résiliés.

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Le ton utilisé par le nouveau gouvernement dans de nombreux dossiers laisse penser qu’il existe « malversations », « pots de vin », « méthodes louches » et « corruption ».

« Neutralisation » de la Cour des comptes

« La justice n’est qu’un maillon de la chaîne de lutte contre la corruption et contre tous les autres crimes liés à la dilapidation des deniers publics qui nécessitent l’intervention des parties concernées », a soutenu Tayeb Louh. Mais, pourquoi, justement la justice n’a pas réagi à plusieurs affaires de corruption et de détournement de deniers et de biens publics révélées par la presse ces dernières années ?

Même si elle n’est « qu’un maillon de la chaîne », elle n’a pas fait grand-chose pour limiter l’étendue de la corruption et des dessous de table notamment dans l’attribution des marchés publics.

Par ailleurs, les pouvoirs publics ont traîné des pieds dans la présentation de la loi du règlement budgétaire qui doit théoriquement contrôler chaque année les dépenses autorisées par la loi de finance.

C’est une obligation qui n’a été respectée ni par le gouvernement ni par le Parlement. La Cour des comptes est « neutralisée » depuis de nombreuses années. Les magistrats de cette Cour, pourtant importante dans le fonctionnement cohérent d’un État, se sont plaints récemment de leur marginalisation et de pressions qu’ils subissent.

Le Parlement sortant n’a pris aucune initiative pour ouvrir une enquête ou demander des comptes à l’Exécutif sur la gestion de l’argent et de projets publics. Le nouveau Parlement, actuellement en trêve estivale, peut, dès la rentrée, engager une procédure pour, par exemple, demander des explications au gouvernement sur les nouvelles mesures prises récemment sur le foncier industriel, les terres agricoles ou les entreprises qui n’achèvent pas leurs projets dans les délais.

Il reste que l’absence d’un système efficace de contrôle et de mécanismes de transparence à tous les niveaux fait que les gouvernements agissent comme ils veulent en Algérie. Il n’existe aucune garantie pour que les décisions prises aujourd’hui par le cabinet Tebboune soient remises en cause par le prochain gouvernement qui y ajoutera son lot de « soupçons » pour « décrédibiliser » l’action de son prédécesseur.

La pérennité d’un État est dans la continuité de l’action publique. La logique de règlement de comptes et « la politisation » outrancière des dossiers économiques et sociaux causent des pertes de temps et d’argent et ralentissent la démarche de développement.

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