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Le meurtre de Chaïma « doit servir à des leçons de sensibilisation »

Le meurtre de Chaïma « doit servir à des leçons de sensibilisation »

Ahmed Tessa, pédagogue et auteur

Ahmed Tessa est pédagogue et auteur. Dans cet entretien, il revient sur la triche au BAC, le meurtre de Chaïma et les leçons à tirer, la rentrée scolaire dans le contexte de la pandémie Covid-19…

La rentrée scolaire 2020/2021 intervient dans un contexte sanitaire marqué par la pandémie de Covid-19. Les syndicats de l’éducation ont affiché des craintes quant à l’application du protocole sanitaire. Leurs craintes sont-elles justifiées ? 

Ahmed Tessa : Ils ont raison de nourrir des craintes, tout comme les parents d’ailleurs. Toutefois, au vu de la situation qui prévaut, on peut dire que ces craintes seraient faibles si – et seulement si – tous les acteurs venaient à respecter les mesures barrières. Mais, quid des moyens matériels (gel, masques, eau….) ?

Le ministère de l’Éducation a fait des propositions pour la rentrée scolaire, en particulier la division des groupes scolaires. Les infrastructures et les personnels d’encadrement sont-ils suffisants ?

C’est un  vrai casse-tête pour la simple raison que le ministère s’y est pris en retard.  Il fallait y penser dès le début de la crise et lancer des pistes de solution avec des simulations (au cas par cas). On ne peut pas opter pour un modèle unique de reprise. À chaque cycle ses spécificités et à chaque établissement ses particularités. À moins d’opter pour une prise de décision à l’échelon local avec une large concertation.

Les élèves des trois paliers vont reprendre le chemin de l’école après sept mois de « coupure ». Quelles sont les conséquences d’un tel décrochage sur l’élève et sur la continuité du programme ? Comment y remédier ?

Évidemment que les risques de décrochage ne sont pas à ignorer. D’où la nécessaire double remise à niveau psychologique et pédagogique (révision bien ciblée des deux trimestres passés). Il est indispensable de bien réussir cette double remise à niveau avant de passer au rattrapage du 3e trimestre. Là aussi, ce seront les leçons pivots qui seront ciblées. Ensuite, viendra l’entame de l’année scolaire 2020 /21 et qui sera fortement réaménagée tant dans les programmes que dans les emplois du temps, les vacances et les examens de fin de cycle. Ce réaménagement doit être pensé en concertation et  non de façon unilatérale.

Le crime crapuleux qui a coûté la vie à la jeune Chaïma, violée et brûlée par son bourreau, remet tragiquement au goût du jour les kidnappings des jeunes enfants. Quel rôle pour l’école dans la lutte contre un phénomène qui prend de l’ampleur ?

Au-delà de la colère qui nous étreint suite à l’abominable crime perpétré par un assassin psychopathe, il y a lieu de se poser des questions sur le rôle de la famille, de l’école, de l’université et des médias. Ce sont des institutions qui doivent assurer la transmission de valeurs humanistes dont l’égalité des genres avec leur cohabitation harmonieuse dans tous les segments de la société (la mixité). Dans les manuels scolaires, on ne peut que déplorer la minorisation du rôle de la maman, de la sœur ou de la camarade de classe. Sans parler de l’idéologie ambiante qui relaie et renforce cette minorisation. Quand je pense qu’un Professeur de médecine a tenté de culpabiliser les parents de la petite Chaïma, on ne peut que s’arracher les cheveux. Que diront d’une telle ‘’condamnation’’ tous ces psychopathes en attente d’un crime crapuleux ? La mixité doit être dès le préscolaire et durant toute la scolarité avec des activités éducatives mélangeant garçons et filles. Des drames de ce genre doivent servir à des leçons de sensibilisation dans les salles de classe et les amphithéâtres d’université.

La triche durant les examens scolaires persiste malgré les mesures prises pour lutter contre ce phénomène. Est-ce que ce n’est pas un échec de l’école ?  

La triche et la fraude aux examens et lors des compositions scolaires sont intimement liées au modèle des épreuves et à l’orientation des programmes d’enseignement.  Nous en sommes aux mêmes méthodes d’évaluation d’il y a deux siècles. On peut en finir avec ce fléau en procédant à une refondation de l’école algérienne qui passera par un changement de paradigme pédagogique et organisationnel. L’urgence est là. Le vrai défi est là : refonder l’école algérienne. La réforme ayant montré ses limites.

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