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Les habits neufs du complexe sidérurgique d’El Hadjar

Les habits neufs du complexe sidérurgique d’El Hadjar

Le complexe sidérurgique d’El Hadjar continue de faire l’objet de la sollicitude des pouvoirs publics qui ont élaboré au cours des dernières années différentes versions d’un projet destiné à assurer son redressement.

Le premier ministre Ahmed Ouyahia vient encore, à l’occasion de la conférence de presse qu’il a animée hier samedi, de citer la « restructuration financière d’El Hadjar » parmi les principales réalisations de son gouvernement.

Ce « fleuron » emblématique de l’industrie algérienne des années 70 qui emploie actuellement encore plus de 5000 travailleurs a connu une histoire mouvementée.

Dans la période la plus récente, il avait été récupéré, à travers une sorte de « renationalisation », par le holding public algérien Imetal qui a repris en août 2016 les parts sociales du groupe sidérurgique international ArcelorMittal qui détenait 49% du capital.

La résiliation de l’accord avec ArcelorMittal était intervenue à la suite, notamment, du recul des niveaux de production annuelle à 300.000 tonnes d’acier.

Au cours des deux dernières années, différentes moutures d’un projet de relance du complexe avaient été évoquées. Les dernières en date mentionnaient un investissement financé par les banques publiques algériennes d’un montant compris, suivant les sources, entre 700 millions et 1 milliard de dollars dans le but d’assurer sa pérennité et d’augmenter sensiblement sa production sans recourir à aucun partenaire étranger compte tenu de l’échec de l’expérience tentée avec ArcelorMittal.

La surprise Emarat Dzayer Steel

Depuis la semaine dernière, on en sait un peu plus au sujet de ce qui semble être la mouture définitive des projets du gouvernement pour El Hadjar et elle est finalement assez différente des versions qui avaient circulé jusqu’ici.

La principale surprise est constituée par le partenariat conclu avec le groupe Emirat Dzayer. Le Premier ministère a annoncé mardi dernier la création d’une société mixte de sidérurgie dans le cadre de ce partenariat algéro-émirati.

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Avalisée fin mars par le Conseil des participations de l’État, la société sera installée sur le site du complexe d’El Hadjar, dans la commune de Sidi Amar, sous l’appellation « Emarat Dzayer Steel ».

Dans ce partenariat, le groupe Sider détiendra 31% des actions de la société, le complexe Sider El Hadjar 20% et le partenaire émirati 49%.

La part de 20% du complexe Sider El Hadjar qui accueillera cette société mixte sur 120 hectares est constituée d’un ensemble d’équipements et structures relevant du complexe.

La future société mixte produira des produits sidérurgiques dont des tubes et des laminés avec une capacité annuelle de plus de 1,3 million de tonnes dans une première phase, est-il indiqué. Ce projet générera 1.600 emplois directs et permettra la réintégration de l’unité de fabrication de tubes sans soudure au tissu sidérurgique d’Annaba par l’intégration de 400 travailleurs relevant de cette unité.

Deux entreprises sur le même site

Le plan de restructuration élaboré par l’Exécutif comporte également un volet consacré à la « modernisation » des anciennes installations du complexe sidérurgique.

Ces dernières restent pour l’essentiel sous le contrôle total du groupe public Sider, principale filiale du holding Imetal. Sider El Hadjar constituera donc une entreprise distincte de la nouvelle entité créée avec Emarat Dzayer même si les deux entreprises sont appelées à cohabiter sur le même site.

Selon les précisions qui ont été données mercredi par le directeur du complexe, Chamseddine Maâtallah, Sider El Hadjar va bénéficier d’un budget complémentaire de 26 milliards DA (environ 230 millions de dollars) pour relancer ses activités industrielles. Ce montant constitué d’« argent frais » fourni par les banques publiques algériennes vient s’ajouter au « rééchelonnement à long terme » de sa dette qui s’élève à plus de 122 milliards de dinars (1,05 milliards de dollars).

Les investissements programmés porteront sur « la réhabilitation et la relance des activités de la cokerie et la modernisation de l’aciérie à oxygène afin de promouvoir la production du coke et de produits ferreux semi-industrialisés (biellettes) nécessaires à la fabrication du rond à béton ».

Au menu figure aussi la réalisation d’une centrale électrique de 500 mégawatts pour assurer l’autonomie des approvisionnements du complexe et réduire la pression sur la région d’Annaba, a indiqué M. Maâtallah qui a fait état d’un autre projet de réalisation d’une station de traitement des eaux usées d’une capacité de 60.000 m3 au niveau de la station région El Allalig, dans la région d’El Bouni, pour répondre aux besoins du complexe en eau.

Un objectif de production de plus de 2 millions de tonnes d’acier

Selon les informations données par M. Maâtallah, ces opérations permettront d’augmenter les capacités de production de produits ferreux semi-industrialisés de 250.000 tonnes/an actuellement à 600.000 tonnes/an.

Elles visent également à doubler la production annuelle du rond à béton de 200.000 à 400.000 tonnes. Des chiffres inédits qui indiquent que la production totale du complexe d’El Hadjar a été voisine de 450.000 tonnes en 2017 et que les investissements programmés visent à la porter à 1 million de tonnes.

À cette production s’ajoutera donc, sur le site sidérurgique d’El Hadjar qui s’étend sur une superficie de plus de 800 hectares, celle des nouvelles installations réalisées dans le cadre du partenariat conclu avec Emarat Dzayer qui annonce un objectif de production de 1, 3 million de tonnes d’acier.

Au total, l’ensemble du site devrait donc produire à terme près de 2,3 millions de tonnes de produits sidérurgiques.

Un exportateur nommé El Hadjar

Une autre information peu connue du grand public a été livrée par le directeur du complexe. Il s’agit de ses performances en matière d’exportation. Le complexe Sider El Hadjar a réalisé, au cours du premier trimestre 2018, l’équivalent de 23 millions dollars de produits ferreux dont 70% exportés en Italie, en Tunisie et au Moyen-Orient.

Le complexe prévoit d’exporter à fin 2018 pour 140 millions dollars, a indiqué M. Maâtallah, tout en précisant que les produits sidérurgiques plats, les bobines galvanisées et le rond à béton viennent en tête des exportations du complexe. Et hier, Ouyahia a annoncé que l’Algérie pourrait interdire l’importation du rond à béton dès la fin de l’année en cours.

De nouveaux atouts…

Les ambitions affichées par cette nouvelle restructuration du complexe d’El Hadjar sont clairement très élevées si on en juge par les performances les plus récentes du site sidérurgique.

Les pouvoirs publics semblent cependant s’être donnés les moyens de réaliser ces objectifs en tirant les conclusions de l’échec de la privatisation menée en coopération avec le groupe ArcelorMittal.

De ce point de vue, le principal atout dont va bénéficier le site d’El Hadjar est la création d’une entreprise (presque) entièrement nouvelle dans le cadre du partenariat conclu avec Emarat Dzayer.

La nouvelle société va ainsi bénéficier de nouveaux équipements, de nouvelles ressources humaines et orienter sa production vers des produits globalement différents de ceux de l’ancien complexe.

Un deuxième atout est constitué par l’importance des investissements consentis pour relancer le complexe. Au total, il s’agit de près de 2 milliards de dollars si on additionne les investissement annoncés par les deux entités.

…Et des interrogations

Les choix de restructuration vigoureux opérés par le gouvernement ne sont cependant pas exempts de risques.

Tout d’abord, les investissements annoncés seront essentiellement réalisés par la nouvelle entité créée en partenariat avec Emarat Dzayer tandis que l’ancien complexe ne bénéficiera que d’un apport en argent frais d’un montant relativement modeste.

Ce dernier montant, estimé à 230 millions de dollars, est très inférieur aux investissements annoncés au cours des derniers mois. Sera-t-il suffisant pour assurer le redressement attendu de la production ? Dans le cas contraire, c’est la thèse d’un abandon en catimini de l’ancien complexe qui pourrait se trouver confortée avec sans doute des troubles sociaux en perspective.

La question du financement des investissements annoncés est également une source de questionnement. C’est un document du ministère de l’Industrie lui-même qui révélait à la fin de l’année dernière que la concrétisation du partenariat avec Emarat Dzayer, initialement très ambitieux, « achoppait principalement sur de gros problèmes de financement et des questions de localisation de l’instance d’arbitrage des litiges. Le partenaire émirati réclamant une localisation à Genève ».

Les décisions annoncées la semaine dernière semblent correspondre à un redimensionnement de ce projet à travers la confirmation de sa seule « première phase ».

La manière dont ces « gros problèmes de financement » ont trouvé une solution est cependant encore inconnue. Quelle sera la contribution du Fonds d’investissement émirati partenaire de cette opération ? Quelle sera celle des banques algériennes ? Les pouvoirs publics restent remarquablement discrets sur la nature des montages financiers qui permettront de réaliser des investissements de plus d’un milliard et demi de dollars.

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