search-form-close
Les touristes algériens boudent-ils la Tunisie ? Experts et professionnels partagés

Les touristes algériens boudent-ils la Tunisie ? Experts et professionnels partagés

Bon nombre de touristes algériens ne seraient, à croire certains qui jouent les Cassandres, plus emballés à l’idée de se rendre en Tunisie pour passer leurs vacances d’été.

La cause ? La dernière information donnée par certains médias algériens quant au refoulement par les hôteliers tunisiens de nombreuses familles algériennes ; une information qui, soit dit en passant, a été vite démentie par la Fédération tunisienne de l’hôtellerie.

La destination Tunisie ne fait-elle plus rêver les Algériens? Experts et responsables d’agences de voyages sont partagés sur la question et chacun y va de son explication.

Pour Mohamed Bourad, expert en tourisme et ancien directeur du tourisme de la wilaya d’Adrar, les touristes algériens rechignent bel et bien à se rendre, désormais, chez le pays voisin après la mésaventure vécue par certaines familles algériennes sur le sol tunisien.

Mais d’autres raisons sont aussi pour quelque chose dans cette tiédeur comme l’augmentation de 30% des tarifs des prestations hôtelières tunisiennes, l’insécurité, la cherté de la vie, la dépréciation du dinar tunisien, etc.

« L’Algérien est persona non grata chez notre voisin surtout dans le haut de gamme à cause du retour des Tours Operators (TO) européens (anglais, français, allemands, etc) mais aussi de deux marchés émergents à savoir la Chine et la Russie. Par conséquent, il y a eu une augmentation de prix. Ceux qui ont acheté des forfaits ne peuvent reculer et annuler sous peine de payer des pénalités. Mais ceux qui n’ont pas encore opté pour la Tunisie commencent à se rétracter », explique M.Bourad.

Pour illustrer son propos, celui-ci a assuré que le flux des touristes français vers la Tunisie a augmenté de 45%, celui des touristes allemands de 42% alors que ceux des russes et de chinois ont augmenté respectivement de 53% et 46%.

Conséquence : « Les Tunisiens optent pour les TO qui achètent des packs en inclusive durant toute l’année. Les TO européens achètent des slits en milliers et envoient entre 100.000 et 300.000 personnes pendant que nos agences qui sont de petits vendeurs, envoient entre 1.000 à 3.000 touristes dans le meilleur des cas. En plus les grands TO européens ont des traditions bien ancrées. Ce qui fait que les Algériens sont quelque peu boudés », développe M.Bourad.

Il estime la baisse du nombre de touristes algériens à se rendre en Tunisie en 2018 entre 20 à 25%. Selon les prévisions de l’Office tunisien du tourisme, 2,5 millions de touristes algériens devaient se rendre en Tunisie cette année. Quid du manque à gagner de ce reflux pour la Tunisie ? Il sera de 250 à 300 millions d’euros, estime notre expert.

Le directeur de l’agence Gouraya Tours, Hamza Baba Aissa, a lui aussi fait état d’une baisse du nombre de touristes algériens qui comptent se rendre cet été en Tunisie. « Il y a moins de monde qui part pour la Tunisie », déplore-t-il.

L’attitude ‘’hostile’’ des hôteliers tunisiens envers les familles algériennes est-elle pour quelque chose ? « C’est archifaux. Les Tunisiens n’ont mis personne dehors. J’ai parlé personnellement avec le président des agences tunisiennes qui a démenti», s’est-il élevé.

Et à M. Baba Aissa d’avancer plusieurs raisons pour expliquer le reflux. « Le marché tunisien a repris avec les Tours Opérators étrangers, européens et russes notamment. Ces derniers réservent les hôtels tunisiens 04 à 05 mois avant la période des vacances d’été des Algériens qui se rabattent sur le peu de chambres qui restent. C’est la loi de l’offre et de la demande », explique –t-il.

Ce qui n’est pas fait pour arranger les choses, c’est que les vacances d’été de cette année n’ont commencé qu’après le Bac et prendront fin juste avant l’Aid el Kebir, c’est-à-dire que leur durée est de moins d’un mois.

Autre argument avancé pour expliquer cette baisse qui, de son avis, sera de 25 à 30% par rapport à l’année passée: l’augmentation de 30% des tarifs du séjour en Tunisie le rapprochant d’un voyage de 10 jours à Charam Echeikh, en Egypte, qui est proposé à 120 000 DA.

Aussi, certains touristes algériens préfèrent aller à la découverte de cette dernière destination. Un autre professionnel du voyage, le directeur de l’agence Timgad, Cherif Menaceur, ne l’entend pas de cette oreille.

« On n’a pas constaté de baisse à notre niveau et les Algériens partent toujours vers la Tunisie», assure-t-il pour ensuite démentir tout refoulement des familles algériennes par les hôteliers tunisiens. « On n’a jamais de problème avec les hôteliers tunisiens, on a été toujours bien reçu. Il est vrai que certains hôtels n’en voulaient pas des familles algériennes et tunisiennes, et préfèrent travailler avec les étrangers. Mais, ils sont libres », dit-il.

Compréhensif, il ne trouve pas à redire sur la préférence des hôtels tunisiens pour les touristes européens. «Les hôteliers tunisiens sont libres dans leur gestion. On est dans un monde de la concurrence. Ils préfèrent travailler avec la clientèle européenne sur 05 à 06 mois avec tarifs pas très chers. Avec nous, ils ne travailleront que 21 jours », soutient-il.

Une explication que partage totalement le président du Syndicat national des agences de voyages (SNAV), Said Boukhelifa, qui affirme : « les Algériens travaillent seulement sur l’été alors que les tours operating européens sont sur presque toute l’année. Les Tunisiens ne peuvent pas appliquer les mêmes tarifs pour les deux types de clients. La loi économique veut que celui qui travaille plus avec toi bénéficie de tarifs préférentiels comme nous le faisons, nous, dans les années 70. C’est la loi de l’offre et de la demande ».

Très remonté, M.Boukhelifa tombe à bras raccourcis sur certaines agences algériennes qui, de son point de vue, ne sont pas « professionnelles ». C’est-à-dire ? « Elles ne travaillent pas avec des relations contractuelles et écrites avec leurs partenaires tunisiens, et quand ils ont des problèmes, ils accusent l’autre partie », s’élève-t-il avant de pointer du doigt « la mauvaise foi » et l’ « incompétence criarde » de ces agences non professionnelles qui crient au refoulement de familles algériennes par des hôteliers tunisiens.

Selon l’ancien conseiller au ministère du tourisme, l’article paru dans un journal arabophone algérien « n’a aucun impact sur le choix des touristes algériens. Toutes les agences sont débordées de demandes vers la Tunisie dont les hôtels sont pratiquement, selon les échos, au complet ». Et de prédire une augmentation de 10% du nombre de touristes algériens qui vont se rendre en Tunisie, sur toute l’année 2018.

  • Les derniers articles

close