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Ouyahia, défenseur de l’économie informelle ?

Ouyahia, défenseur de l’économie informelle ?

Sidali Djarboub / New Press

Le premier ministre, Ahmed Ouyahia, a annoncé jeudi devant les députés de l’APN que 1 700 milliards de dinars circulent dans l’économie informelle en Algérie, soit environ 17 milliards de dollars américains.

Si ce montant peut paraître énorme pour l’œil non-averti, Ahmed Ouyahia veut vite calmer les ardeurs quant aux opportunités que pourrait représenter cette manne. « Beaucoup a été dit sur l’argent de l’informel. Certains l’ont présenté comme un trésor qui va régler tous les problèmes si on le récupère », a déclaré le Premier ministre, qui considère que les 1 700 milliards de dinars de l’argent de l’informel pèsent peu face à la masse monétaire totale, estimée à 14 500 milliards de dinars.

« C’est insuffisant pour régler nos problèmes », tranche-t-il. Et puisque ce n’est pas suffisant, le Premier ministre semble estimer qu’il n’est pas nécessaire de se lancer dans cette quête pour faire intégrer le marché informel dans l’économie réelle. Le raisonnement d’Ahmed Ouyahia laisse pantois, et ce pour plusieurs raisons.

Dans un contexte de crise économique aiguë, de manque criant de liquidités ayant poussé le gouvernement à actionner la planche à billets, option pourtant critiquée par tous les experts économistes, le Premier ministre trouve les ressources intellectuelles pour rejeter de go un début de solution crédible au marasme économique dans lequel se trouve l’Algérie.

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En considérant que l’économie informelle ne constitue « que » 17 milliards de dollars, Ahmed Ouyahia se tire volontairement une balle dans le pied. Pire : le Premier ministre effectue une erreur de calcul stratégique en envisageant ces 17 milliards de dollars dans l’absolu uniquement comme une somme d’argent qui circule en dehors du circuit bancaire, sans prendre en compte les autres avantages d’intégrer l’économie informelle dans le circuit officiel.

En effet, l’économie informelle représenterait 45% du Produit intérieur brut (PIB) de l’Algérie, et employait près de 4 millions de personnes en 2012, selon les chiffres de l’Office national des statistiques (ONS). Un nombre qui n’a fait qu’augmenter depuis cinq ans suite à la crise économique causée par l’effondrement des cours du pétrole, ressource quasi-exclusive de l’État.

Ce sont donc plus de quatre millions de personnes non déclarées, et potentiellement des milliards de dollars d’impôts non recouvrés chaque année. Les pertes pour l’État algérien sont énormes. Si régler le problème de l’économie informelle ne fait pas office de solution miracle, elle permettrait au minimum d’offrir un début de solution. Pour un pouvoir cherchant à tout prix à pérenniser sa mainmise en maintenant la paix sociale, la démarche nonchalante portée par Ouyahia vis-à-vis de l’économie informelle est terriblement mal venue.

En fin de compte, le raisonnement d’Ahmed Ouyahia représente quelque part parfaitement l’Algérie qu’il a contribué à façonner. Une Algérie myope et sans vision, démotivée devant la perspective d’effectuer le moindre effort, minée par des considérations externes infondées dans le règlement d’un problème pourtant bien présent et réel.

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