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Riyad au cœur des déséquilibres régionaux

Riyad au cœur des déséquilibres régionaux

L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Yémen et l’Égypte ont annoncé lundi 5 juin la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar, suivie de la mise en place d’un blocus économique. Officiellement, Riyad avance l’argument de la lutte contre le terrorisme dont l’Iran serait l’épicentre. En réalité, cette stratégie a des allures opportunistes, car la volonté de puissance régionale de l’Iran chiite inquiète le Royaume sunnite depuis longtemps.

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L’obsession iranienne de Riyad qui déstabilise le Moyen-Orient 

Ce sentiment a été renforcé par la chute, en 2003, du sunnite Saddam Hussein en Irak. Le pays est depuis dirigé par des représentants chiites proches de Téhéran. Quant à la Syrie, elle est considérée par Riyad comme une pièce maîtresse de l’Iran. Par conséquent, l’Arabie saoudite veut à tout prix la chute du président syrien Bachar al-Assad, soutenu aussi bien politiquement que militairement par l’Iran, grâce aux Gardiens de la révolution, mais aussi par le Hezbollah libanais ou de militants chiites irakiens.

En outre, en 2011, la révolte chiite au Bahreïn, royaume sunnite -peu médiatisée- a rapidement été matée par des troupes saoudiennes et des Émirats. Plus tard, en 2015, au Yémen, Riyad a souhaité endiguer la progression de la rébellion houthiste d’obédience zaïdite (branche du chiisme) et potentiellement soutenue par Téhéran. Ce contexte de montée en puissance d’un leadership iranien a alimenté la menace d’un encerclement chiite.

« Lorsque les Saoudiens regardent une carte du Moyen-Orient, ils ont un sentiment d’encerclement », résume Olivier Da Lage, journaliste à RFI, dans un article de la revue de géopolitique Hérodote intitulé « L’Arabie saoudite, un État à risque », publié début 2016.

Très méfiante de l’administration Obama, l’Arabie saoudite a été rassurée par l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. Quand, il y a deux semaines, le président des États-Unis, en visite à Riyad, a appelé les dirigeants musulmans à désigner l’Iran comme « nouvel axe du Mal », il a manifestement conforté les Saoudiens dans leurs convictions. Le Royaume a désormais le feu vert pour adopter une politique anti-Iran très agressive, et faire taire les voix dissonantes ou nuancées. Quitte à accentuer la déstabilisation régionale.

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Contentieux territorial entre l’Égypte et le Soudan, l’ombre de Riyad 

L’Arabie saoudite cherche aussi à imposer son leadership sur les rives de la mer rouge. Le Soudan, allié de Téhéran depuis les années 1990, regarde désormais du côté de Riyad. Bien que non membre du Conseil de coopération du Golfe (CCG), le pays a rejoint la coalition arabe sunnite menée par Riyad depuis mars 2015, et destinée à mener la guerre au Yémen contre les houthis. Le pays, victime de sanctions financières internationales, peut en échange compter sur la générosité de l’Arabie saoudite.

Mais le Soudan espère aussi une autre contrepartie, et cherche à tirer profit des frictions récentes entre Le Caire et Riyad (divergences notamment sur le conflit syrien). Le président soudanais Omar el-Béchir a, à plusieurs occasions en Arabie saoudite ou aux Émirats, remis sur la table le dossier épineux du triangle Halayeb, revendiqué par le Soudan mais Riyad reconnaît la souveraineté égyptienne sur ce territoire. Une position qui ne fait qu’aggraver les tensions régionales alors que Khartoum avait réclamé l’intercession saoudienne pour régler ce dossier. Sans succès.

À défaut de pouvoir faire pression sur son nouvel allié, le Soudan multiplie les accusations à l’encontre de l’Égypte. En février dernier, Omar el-Béchir, à la tête du pays depuis plus de 25 ans, a accusé le Caire de fournir des armes aux rebelles soudanais, et menacé de porter l’affaire du triangle Halayeb devant l’ONU, si l’Egypte « refuse (un règlement) par la négociation ». Le 30 mai, le gouvernement soudanais a décrété un embargo sur tous les produits agricoles en provenance d’Égypte, qu’ils y soient produits ou importés.

Sahara occidental : la position du Maroc soutenue par Riyad 

Pour Riyad, la bataille d’influence se gagne aussi au Maghreb. Soutenu financièrement par l’Arabie saoudite (le Maroc se classerait septième dans la liste des pays bénéficiaires des aides saoudiennes entre 2011 et 2015 selon le FMI), Rabat a tout intérêt à préserver une certaine stabilité dans les pays du Golfe. En 2015, il a d’ailleurs apporté son soutien militaire à la guerre engagée au Yémen.

Si le Maroc bénéficie de fonds saoudiens, il peut aussi compter sur l’appui de Riyad (et des autres monarchies du Golfe) sur un dossier régional qui empoisonne les relations algéro-marocaines. L’Arabie saoudite reconnaît en effet le Sahara occidental comme une partie de son territoire national. Elle mène une politique active en faveur du Maroc dans ce dossier.

Toutefois, le Maroc, qui entretient aussi de bonnes relations avec le Qatar, va devoir faire preuve de flexibilité. Il pourrait prochainement être amené à jouer un rôle de médiateur dans la crise qui oppose Riyad à Doha. Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro et spécialiste du Moyen-Orient, indiquait lundi soir sur son compte Twitter que « l’émir du Qatar, Cheikh Tamim pourrait se rendre dans les prochains jours au Maroc et en Turquie, alliée de Doha ». 

L’Arabie saoudite ne bénéficie pas de la même aura en Algérie. Si l’on exclut le dossier du Sahara occidental, Alger n’a jamais vu d’un très bon œil le wahhabisme saoudien, accusé d’être à l’origine de l’essor du fondamentalisme religieux dans le pays.

Autre point de discorde : le Hezbollah que Riyad considère comme organisation « terroriste » alors que pour Alger, c’est un mouvement de résistance contre l’occupation israélienne. De plus, les autorités algériennes n’ont pas souhaité s’engager dans la coalition arabe engagée par l’Arabie saoudite au Yémen. Enfin, ces dernières heures, Alger a refusé de prendre position sur la crise diplomatique dans le Golfe et s’est contenté, dans un communiqué, d’appeler au dialogue.

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