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Comment le poussin a poussé les prix du poulet à la hausse

Comment le poussin a poussé les prix du poulet à la hausse

A nouveau une poussée de fièvre concernant le poulet en Algérie. Cette fois-ci, la problématique concerne les poussins, dont les prix ont fortement augmenté ces derniers mois.

En quelques semaines, leur prix habituellement situé entre 40 et 50 DA est passé à 150 DA avec des pics à 180 DA le poussin. Résultat : les prix du poulet ont atteint les 500 dinars le kilo en septembre. Face à cette crise, les services agricoles multiplient les réunions afin d’assurer un approvisionnement du marché.

Le prix de l’aliment de volaille a également connu une hausse vertigineuse. En une année, il est passé de 4 500 DA à 7 500 DA le quintal. L’aliment est généralement composé de deux tiers de maïs et d’un tiers de tourteau soja.

Mais contrairement aux fois précédentes, ce n’est ni le prix de l’aliment ni la chaleur de l’été qui est en cause de la dernière tension sur les prix de la viande blanche. La cause principale serait la grippe aviaire qui dès janvier 2021 a touché les élevages spécialisés dans la production de poussins.

En fait, en matière de génétique des volailles, l’Algérie dépend de multinationales. Celles-ci détiennent des lignées de poules à haut potentiel qu’elles gardent précieusement dans leurs poulaillers.

Elles ne vendent que leurs descendants. Ainsi les plus importants propriétaires de couvoirs situés sur le sol national ne détiennent que les parents des poussins qu’ils vendent.

Et seuls deux multiplicateurs algériens ont le privilège de détenir les souches de grands-parentaux qu’ils élèvent dans des complexes avicoles hyper protégés contre les risques de maladies. L’un, Arbor Acres Algérie est situé à Tlemcen, et l’autre Hubard Algérie à Aïn Oussera.

Il s’agit de souches sélectionnées à très haut potentiel ne nécessitant que 1,7 kg d’aliment pour produire un kilo de poulet. Ces souches sont capables de fournir un poulet prêt à la vente en seulement 45 jours.

Ainsi en avril 2020, à Alger, Oran et Constantine, devant plus de 250 professionnels conviés pour l’occasion, le sélectionneur Hubbard a lancé sur le marché algérien la souche Efficiency Plus.

Cette souche est distribuée par Hubbard Algérie que dirige le Dr Nadjib Tekfa. Le sélectionneur fait état « du meilleur indice de consommation du marché et d’excellents rendements à l’abattoir. »

Ministère de l’Agriculture : des marges de manœuvres étroites

Dès le mois de septembre, les services agricoles ont évoqué la possibilité de recourir à une importation temporaire d’œufs à couver pour poulet de chair.

Début, octobre le ministère de l’Agriculture et du développement rural a réuni les principaux propriétaires de couvoirs afin de trouver un moyen de sortie de crise. Après concertation, les principaux opérateurs se sont engagés à limiter les hausses de prix des poussins.

Au-delà de la crise du poussin, les services agricoles sont décidés à endiguer le phénomène de hausse saisonnier des prix. Le ministre de l’Agriculture et du développement rural a demandé à la filière avicole de réfléchir à la constitution de stocks de régulation de viande blanche.

Ces stocks devraient permettre de stabiliser les prix. En effet, à l’approche de l’été, de nombreux aviculteurs cessent leur activité de crainte de surmortalités liées aux chaleurs estivales. Cette situation provoque alors pénurie et hausse des prix.

Mais pour l’éleveur, le principal poste de dépense est lié à l’aliment. Celui-ci est d’autant peu valorisé par l’animal que l’hygiène est défaillante. C’est le cas de nombreux élevages informels souvent installés sur terre battue dans des serres avicoles avec des densités supérieures aux normes. Ces conditions offrent un terrain idéal au développement des maladies. C’est le cas des coccidioses. Le parasite colonise l’intestin, ce qui réduit l’assimilation de l’aliment par l’animal.

Dans un entretien en mai dernier au quotidien El Watan, Kouider Krioua, secrétaire général du conseil interprofessionnel de la filière avicole a déclaré : « On peut donc parler de tolérance parce que ces éleveurs participent à l’économie nationale. L’Etat laisse faire parce que ces éleveurs assurent une plus-value pour le pays ».

Pour sa part, déjà en 2014, lors d’un entretien à Algérie-Focus, l’important producteur de poussins Rachid Kherbouche insistait sur l’importance de la formation des éleveurs.

« Le poulet ne devrait pas dépasser les 300 Da le kilo en Algérie. Mais pour cela nous devons augmenter notre production des poules reproductrices (…) Nous avons la capacité nécessaire pour faire beaucoup mieux. Mais 80 % de l’élevage de notre volaille est dans l’informel. Il faut accompagner ses éleveurs en les formant. »

Quelque peu amer, il ajoutait : « Il ne sert à rien de donner des crédits facilement aux jeunes s’ils ne sont pas formés et encadrés au préalable. »

Pour la filière, le challenge est d’organiser ces éleveurs en leur faisant bénéficier d’un appui technique et matériel. A ce titre, les propriétaires de couvoirs ou d’abattoirs et les fabricants d’aliments pourraient apporter une aide appréciable au suivi des élevages et à la formation des éleveurs.

Faiblesse des industries de transformation du poulet

Quant à la viande blanche, les nouvelles technologies des industries alimentaires permettent aujourd’hui d’offrir au consommateur une variété de préparations : poulet entier, escalopes, merguez, mortadelle, nuggets, pâtés, boulettes de viande hachées ou cashir.

Des établissements tels que Bellat maîtrisent ces techniques. Certaines de ces préparations permettent une meilleure valorisation des morceaux les moins nobles ainsi qu’une adjonction de soja texturé.

L’utilisation d’extraits de protéines de pois permet même de produire du blanc de poulet d’origine végétale. Il s’agit là d’un domaine en plein développement à l’étranger lié à la demande des consommateurs végétariens.

Mais il reste très peu exploré en Algérie. Au vu de la demande en viande blanche, ce type d’innovation est susceptible de contribuer à réduire la tension sur le marché et de procurer de notables économies en devises.

Pour sa part, le professionnel Kouider Krioua reste sceptique : « Nous faisons face à un certain nombre de facteurs qui me poussent à penser que les prix ne vont pas baisser de sitôt. »

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