Coup de tonnerre en France. La cérémonie de dépôt d’une gerbe de fleurs, prévue ce jeudi à Paris en hommage des victimes des massacres du 8 mai 1945 en Algérie, a été annulée à la dernière minute. Une décision symptomatique des tensions actuelles entre l’Algérie et la France.
Yazid Sabeg, ancien commissaire à la diversité sous Nicolas Sarkozy, dénonce un « fait à la fois regrettable et profondément troublant ».
La cérémonie était prévue, à l’initiative d’un groupe d’élus de plusieurs obédiences, au Mont Valérien, à Paris, « un site hautement symbolique de la mémoire nationale française ».
Une visite de l’exposition du musée était prévue à 14 h, suivie d’un hommage à 15 h, « dans le plus strict respect du lieu et de son esprit », selon les initiateurs. Ces derniers avaient sollicité le président Emmanuel Macron pour le parrainage de l’événement. C’est avant tout un événement « franco-français », ont-ils assuré.
Les élus ont expliqué que la cérémonie « vise à réparer une injustice mémorielle majeure », indiquant que beaucoup parmi les victimes des massacres du 8 mai 1945 étaient « les proches directs des 135.000 combattants français musulmans de l’Armée française », qui avaient participé à la victoire sur l’Allemagne nazie.
Le jour même où le monde célébrait cette victoire, les Algériens étaient massacrés par milliers par l’armée et les milices coloniales dans les villes de Sétif, Guelma et Kherrata. La répression de manifestations pacifiques réclamant l’indépendance et la libération du leader nationaliste Messali Hadj avait fait 45.000 morts parmi les civils algériens.
Le premier geste de la France a eu lieu sous Jacques Chirac à travers une gerbe de fleurs en hommage des victimes des massacres du 8 mai 1945 qui a été déposée en 2005 à Sétif par Hubert Colin Verdière, alors ambassadeur de France en Algérie. En 2008, sur ordre de Nicolas Sarkozy, l’ambassadeur Bernard Bajolet a prononcé un discours à Guelma.
Annulation de la commémoration du 8 mai 1945 au Mont Valérien à Paris
Emmanuel Macron a multiplié les gestes mémoriels depuis 2017 et les initiateurs de la cérémonie de cette année avaient espéré qu’il accorde au moins son parrainage à l’événement, ce qui serait un geste fort symbolique. Toutefois, non seulement l’Élysée n’a pas donné une suite favorable à la sollicitation, mais la cérémonie est carrément annulée.
Yazid Sabeg, qui est né à Guelma en Algérie, dit qu’en « tant que citoyen français, je ne comprends pas ce refus ». « Le président Macron a fait déposer une gerbe de fleurs en Algérie en hommage aux victimes des massacres du 8 mai 1945, mais il ne veut pas le faire en France », s’étonne-t-il. « La France doit faire avec les Français originaires d’Algérie ce qu’elle a fait pour les Juifs et les Arméniens. Elle a reconnu sa responsabilité dans le génocide des Juifs », réclame-t-il. « La France a commis un crime de guerre et un crime contre l’humanité en Algérie, elle doit le reconnaître », poursuit-il.
Pour Yazid Sabeg, il faut un acte fort de la part de la France pour tourner la page et se réconcilier avec l’Algérie. « La France doit reconnaître ses crimes en Algérie », affirme-t-il.
Toutefois, pour Yazid Sabeg, l’incompréhension se dissipe. « Nous ne comprenons pas. Ou plutôt, nous comprenons trop bien. Ce qui s’est exprimé, en creux, est un refus d’assumer une part de l’histoire française – celle, pourtant indiscutable, des tirailleurs, des anciens combattants musulmans, des victimes de Sétif, Guelma, Kherrata – cette histoire que l’on préfère passer sous silence de peur de déplaire aux nouveaux gardiens de la mémoire étroite », dit-il.
Ces « nouveaux gardiens de la mémoire » sont évidemment tous les adeptes du courant extrémiste opposés à tout geste de reconnaissance des crimes coloniaux, particulièrement ceux qui concernent l’Algérie.
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