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Export de l’huile d’olive : « Une grande opportunité se présente pour l’Algérie »

Export de l’huile d’olive : « Une grande opportunité se présente pour l’Algérie »

Alors que le Programme européen d’appui au secteur de l’agriculture (Pasa) inaugure ce mercredi 13 décembre un laboratoire moderne d’analyses d’huile d’olive en Algérie (à Sidi Aïch, Bejaia) le chef de projet Olivier Rives a bien voulu répondre à quelques préoccupations rencontrées par la filière oléicole.

Le Pasa mené en coordination avec les services du ministère de l’Agriculture et du Développement rural algérien devrait se poursuivre à l’avenir par un Pasa Plus.

Dans cet entretien, l’expert français aborde les moyens permettant la montée en gamme de l’huile d’olive algérienne, les opportunités à l’export vers l’Europe ainsi que l’extension des plantations en zone steppique.

TSA : Comment améliorer la qualité de l’huile d’olive algérienne par la grande masse des petits producteurs situés sur des terrains accidentés, confrontés au manque de main d’oeuvre et aux listes d’attente pour voir leurs olives triturées par les moulins ?

Olivier Rives : Dès le démarrage du Pasa en 2018, très vite un diagnostic a été établi sur la production et les difficultés particulières rencontrées dans le process de production de l’huile d’olive.

Nous avons identifié un maillon faible au milieu de la chaîne de valeur. Il s’agit du segment récolte, collecte et stockage. Afin d’y répondre, il fallait connaître les origines.

La première concerne l’exode rural qui a touché très fortement les zones défavorisées de montagne. Aussi un faible nombre d’oléiculteurs reste sur le terrain, ce sont en particulier des femmes.

Le verger n’est plus taillé, les arbres montent vers le ciel et c’est dangereux pour la récolte. Par ailleurs, les bras ne sont pas là. Par conséquent, on fait venir la famille et les amis le week-end. On stocke les olives dans des big bag de 1.000 kg et on diffère donc de semaines en semaines la trituration.

Le Pasa a réagi très vite en proposant d’abord de mettre en place un gros dispositif d’appui conseil avec d’abord 45 conseillers sur 3 wilayas puis 60 conseillers sur les 8 wilayas.

Il s’agit de quadriller le terrain pour faire progresser les bonnes pratiques dans le verger et notamment des tailles de structuration pour rabattre les arbres et proposer une conformité à une récolte moderne.

Par ailleurs, ces conseillers sont là pour expliquer comment récolter et surtout éviter le gaulage, c’est-à-dire la frappe des branches basses à l’aide de bâtons.

Une pratique qui provoque une baisse de production pour la campagne suivante. L’ensemble des conseillers du Pasa ont été équipés de peignes vibreurs qui permettent grandement de mécaniser la récolte.

On dépose les filets au pied des arbres et on récolte avec le peigne vibreur qui reconstitue le mouvement de récolte à la main. Il permet de préserver les olives qu’on enferme ensuite dans des caisses ajourées puis qu’on transporte rapidement au moulin où ces caisses sont vidées dans des palox.

Voici la réponse vertueuse à ce maillon faible qui est la cause de l’oxydation des olives. L’oxygène est l’ennemi de l’olive et de l’huile, il faut à tout prix l’éviter. Dans les big bag, des phénomènes d’oxydation se développent ainsi que des goûts indésirables.

La solution passe donc par la taille et la mécanisation de la récolte à travers la constitution de petites coopératives qu’on appelle Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole (Cuma) et qui peuvent regrouper 4 ou 5 producteurs seulement.

Chose que rend possible la nouvelle réglementation algérienne des coopératives qui permet de constituer des coopératives de terrain. Par ailleurs, il peut y avoir le développement de nouveaux métiers de service afin de favoriser de petites entreprises chargées de la récolte. Cette culture est rentable.

A partir de trois hectares, il est rentable d’investir sur le verger mais aussi d’avoir recours à des services lorsqu’on n’a pas les bras nécessaires pour récolter.

Enfin, il faut engager une mutation des moulins car une majorité d’entre eux font du pressage qui ne permet pas de récolter des huiles d’olive vierge extra.

Ils peuvent dans le meilleur des cas, si on a affaire à une hygiène rigoureuse, permettre de composer seulement des huiles vierges douces mais dans la plupart des cas, ce sont des huiles courantes ou lampantes et donc totalement inadaptées au marché.

En résumé, quadrillage du terrain par l’appui conseil, démonstrations des conseillers et organisation des petits producteurs en coopératives et développement de nouveaux métiers.

TSA : Comment les grands producteurs algériens peuvent-ils accéder aux grands réseaux de distribution d’huile d’olive en France et à l’étranger et ne pas rester cantonnés « au ghetto » que constituent les points de vente de la diaspora algérienne à l’étranger ?

Olivier Rives : Avant tout, il y a peu de grands producteurs algériens même dans les zones des hauts plateaux, voire du sud et de l’ouest. Il y a peu de grandes firmes, on peut les compter sur les doigts de deux mains, de même concernant les grands vergers.

Le marché international de l’huile d’olive est en train de se transformer brutalement. Il y a un effondrement de la production espagnole qui est le leader mondial.

Pour la deuxième année consécutive en Espagne, la production tombe de 1,8 million de tonnes à moins de 800.000 tonnes, c’est-à-dire moins de la moitié de la production.

Ce qui donne effectivement un affolement des bourses de Jahen (Espagne) et de Bari (Italie) puisque le vrac de départ, le tout-venant dépasse les dix euros maintenant départ moulin.

Il y a donc trois options pour la mise en marché pour les quelques grands opérateurs algériens. La première concerne la production de « minerais » c’est-à-dire de bon vrac stocké sous atmosphère contrôlée sous azote et livré en flexitank.

Cette première option est une option sans valeur ajoutée excessive. Mais la présence sur le marché du vrac est importante dans toutes les filières et donc on a tout intérêt à avoir malgré tout une circulation de vrac pour alimenter le marché.

Deuxième option, c’est l’intégration par des firmes françaises comme le groupe Avril qui développe en particulier la marque Lesieur ou des groupes tunisiens comme Terra Delys qui pourraient passer des contrats pluriannuels avec les grands vergers pour identifier la récolte en volume et qualité par avance et sécuriser les producteurs.

Troisième option, c’est l’option courageuse qui consiste à se regrouper pour constituer, avec l’aide des pouvoirs publics, de grandes marques collectives territoriales sous le label Algérie avec du conditionnement local autour de leaders comme Affia, Numidia ou le premier groupement d’exportateurs qui est en train de naître.

Cette dernière option est possible, on n’aurait pas pensé qu’elle le soit vu l’état d’organisation de la filière oléicole algérienne voici quelques années. Mais aujourd’hui le nouveau contexte climatique de sécheresse excessive qui fait baisser brutalement la production [en Espagne] rend à nouveau possible une opportunité pour la production algérienne qui est plus résiliente.

Reste le problème du conditionnement. Malgré la présence de deux grands opérateurs dans le verre à Mostaganem et à Oran, les verriers algériens ne sont pas du tout intéressés par les volumes d’huile qui pourraient être conditionnés pour l’instant.

Il faut donc explorer à fond la voie du métal, s’il y a des métalliers qui font du métal et de l’inox. Il s’agit d’une très bonne option concernant les contenants de 25, 50, 75 cl voire plus.

Une option pour l’export mais aussi pour saturer le marché domestique. Le Pasa a largement contribué à identifier les marchés grâce à l’étude de consommation tant sur le marché domestique avec 2.800 foyers plus 300 foyers dans la diaspora en Amérique du Nord, Royaume-Uni et Europe.

Par ailleurs, une étude marketing et packaging est disponible maintenant. Avec la prise en charge du Pasa, quinze moulins ont participé au plus gros salon alimentaire mondial, le Salon international agroalimentaire de Paris qui se tient tous les deux ans sous une bannière commune « Sélection d’huile d’olives d’Algérie ». Le Pasa a produit un guide de l’exportateur de l’huile d’olive en Algérie. Ce guide montre que des aides existent et qu’elles doivent être mobilisées. Enfin, à noter le rôle croissant de la Chambre nationale d’agriculture (Cna) pour la mise en marché des produits et en particulier de l’huile d’olive. La Cna prépare un salon international de l’huile d’olive, elle a déjà réussi le salon international de la datte, cela correspond aux préconisations du Pasa : installer la notoriété des huiles d’Algérie en faisant venir les grands opérateurs mondiaux dans le pays.

TSA : Quelle est la qualité des huiles produites au niveau des hauts plateaux et du sud algérien ?

Olivier Rives : Les nouvelles régions de production d’huile d’olive sur les hauts plateaux et au sud de l’Algérie sont essentiellement issues de grandes variétés productives et donc on peut s’attendre à voir des huiles standard. La pérennité de ces plantations sont challengées par le déficit hydrique et le problème de salinité des sols.

Il y a donc une difficulté de se projeter sur le moyen terme sur ces régions de production. Il faut remarquer que les olives produites dans l’ouest où les hauts plateaux sont souvent triturées dans la région de Kabylie : Bouira, Tizi Ouzou et Béjaïa car il y a un grand savoir-faire sur la trituration.

Les moulins en continu qui sont présents dans la zone traditionnelle de production ont très largement modernisé leurs installations. Aujourd’hui, ils optent de saturer leur outil de trituration et pour cela font venir massivement des olives issues de ces nouvelles zones de production.

Il y a une large utilisation de ce qu’on appelle les blends. Des variétés classiques, comme Chemlal voire Arbequina dans certains cas, sont triturées en assemblage avec d’autres variétés qualitatives qu’on pourrait qualifier d’amélioratrices.

Il y a donc des produits qui sont relativement corrects mais nous sommes sur des huiles même si le process de trituration est bien plutôt meilleur que dans les petits moulins traditionnels situés dans les régions montagneuses en Kabylie.

Donc on a des huiles standards, ce qu’on appelle Popular Premium dans le classement international, voire Premium dans certains cas. Ce sont des huiles vierges, voire des huiles vierge extra adaptées au marché international, non pas classées en termes de premier prix mais de consommation populaire.

Ces huiles peuvent répondre à des défis en termes de marché mondial car il y a une grande raréfaction du produit dans le nord de la Méditerranée liée au changement climatique.

La contribution du Pasa pour cette région, même si ce programme a été plutôt cantonné au nord-est avec 8 wilaya autour de la zone de production, c’est d’une part la mutation des moulins de la zone projet, car ils accueillent effectivement beaucoup d’olives issues des nouvelles régions et deuxièmement une proposition de marché de l’olive car il y a un gros problème de régulation du marché de l’olive avec des mercuriales et des cours qui permettraient de sécuriser le producteur avec l’acheteur et le triturateur.

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