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Plan d’action du gouvernement Tebboune : un marathon de 15 jours et des interrogations

Plan d’action du gouvernement Tebboune : un marathon de 15 jours et des interrogations

ANALYSE. La séquence de 15 jours qui s’est achevée juste à la veille de l’Aïd, avec l’adoption par les députés du plan d’action du gouvernement, livre de nombreux éclairages. Mais elle soulève aussi beaucoup de questions sur la politique économique qui sera menée par l’Exécutif dirigé par Abdelmadjid Tebboune durant les 22 mois qui nous séparent de la fin du 4e mandat du président Bouteflika.

Les « orientations présidentielles » rappelées par le dernier Conseil des ministres annonçaient déjà la couleur d’une évidente continuité faite de « crise des prix du pétrole qui s’installe dans la durée » et  « de rationalisation  budgétaire ». Le débat parlementaire a surtout permis à Abdelmadjid Tebboune de tenter de marquer sa différence d’une manière et avec des arguments qui ont peiné cependant à convaincre aussi bien de nombreux parlementaires que la plupart des observateurs .

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Les lignes rouges présidentielles

Le moins qu’on puisse dire est que les lignes rouges tracées par le président Bouteflika ne laissaient pas beaucoup de marges de manœuvre au nouveau gouvernement. Le communiqué officiel du dernier Conseil des ministres plantait le décor : « La crise des prix du pétrole s’installe dans la durée et nous impose des défis majeurs exigeant notamment la dynamisation des réformes à mettre en place ».

En fait, ce sont les grandes lignes d’une politique d’austérité économique qui étaient ainsi rappelées. Au menu : rationalisation budgétaire, réduction des importations et refus réitéré du recours à l’endettement extérieur recommandé récemment par le FMI à notre pays.

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Une situation financière « acceptable »

Sur cette toile de fond générale, qu’il ne remet pas en cause, le positionnement d’Abdelmadjid Tebboune est d’abord de nature sémantique. Il cherche à dédramatiser et à rassurer une population inquiète par la persistance de la chute des cours du pétrole et le gel de nombreux projets.

Le Premier ministre a tenté d’abord devant les députés de  minimiser  l’ampleur de la crise économique qui frappe  le pays. « L’Algérie est effectivement sortie de l’ère de l’aisance financière dès 2014, mais la situation est acceptable » a affirmé  M. Tebboune, avant d’ajouter de façon très martiale : « Nos ressources ont baissé de plus de 50% mais nous sommes toujours debout ».

Toujours dans le registre du vocabulaire, le Premier ministre a également assuré :  « Ni l’actuel gouvernement, ni les précédents n’ont parlé d’austérité. Celle-ci n’est pas à l’ordre du jour dans notre programme. Nous avons parlé de rationalisation des dépenses et de révision des priorités »

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Le budget de l’État face au défi des prix du baril

La posture adoptée par M. Tebboune a cependant peu de chances d’effacer les défis nombreux auxquels va faire face à très court terme l’économie algérienne. Le premier, et le plus important d’entre eux, s’est rappelé au souvenir du gouvernement algérien au moment même où son nouveau plan d’action était en débat : le baril de pétrole dévissait pour revenir à son plus bas niveau depuis août 2016.

Dans ce contexte, « la nécessité de poursuivre la mise en oeuvre de la politique de rationalisation budgétaire adoptée l’année dernière pour redresser les finances publiques à l’horizon 2019 » figure parmi les orientations présidentielles. Elle  fait  allusion à la « trajectoire budgétaire 2016-2019 » qui prévoit une élimination progressive de l’énorme déficit budgétaire dans lequel la chute brutale des prix du baril a plongé les finances de l’État. Estimé à plus de 15% du PIB en 2015, le déficit du budget de l’État a été réduit à environ 12% en 2016 et doit être ramené à moins de 2% du PIB en 2019, selon les dispositions annexées à la Loi de finances 2017.

Cette élimination progressive du déficit budgétaire, qui implique notamment une forte réduction (de près de 30% en 2017 ) des dépenses d’équipement de l’État, et leur  plafonnement pendant 3 ans,  suppose également un raffermissement progressif des cours pétroliers. La chute toute récente des prix du baril , qui sont actuellement à un niveau proche de 46 dollars pour le Brent  (après une  moyenne de 52 dollars  pour les 5 premiers mois de l’année), risque cependant de mettre à mal des prévisions de fiscalité pétrolière qui sont basées sur un prix de référence de 50 dollars en moyenne en 2017 et sur une prévision qui apparaît désormais très optimiste de 55 dollars en 2018. Pour l’instant, ces perspectives ne semblent pas encore alarmer le Premier ministre. Du moins publiquement.

Abdelmadjid Tebboune a préféré insister sur une mesure fiscale hautement symbolique mais dont l’impact proprement financier sera certainement négligeable à court terme en annonçant que « les détenteurs de fortunes doivent apprendre à payer les impôts ».

Menaces sur la croissance et l’emploi 

Comment, dans des conditions financières qui paraissent de plus en plus compliquées, tenter de préserver la croissance économique et l’emploi ? Le FMI et la Banque mondiale ont prévenu en avril dernier : la croissance réelle du PIB de l’Algérie devrait entamer une nette tendance au ralentissement dès cette année en revenant au niveau très modeste de 1,4% en 2017.

La situation devrait encore s’aggraver l’année prochaine avec une baisse encore plus sensible de la croissance prévue à un niveau de 0,6% selon le FMI. La Banque mondiale est à peine plus optimiste et prévoit une croissance limitée à 1% en 2018. La première conséquence de ce très fort ralentissement économique devrait être une montée en flèche du chômage. Le taux de chômage en Algérie devrait ainsi augmenter à 13,2% l’année prochaine, contre 11,7% en 2017 et 10,5% l’année passée selon le FMI. Ce qui signifie à peu près 300.000 chômeurs supplémentaires d’ici deux ans.

Pour faire face à cette situation, les pistes mentionnées avancées par le Premier ministre consistent essentiellement dans l’évocation de « nouvelles priorités » qui restent encore  à préciser. « Il faut aller vers le développement économique de proximité qui touche de très près le développement humain. Certains projets coûtent un milliard de dollars sauf que leur rentabilité économique n’est pas très prouvée. Mais si on donne un milliard de dollars à 60 communes, ça va les développer », a expliqué M. Tebboune qui a annoncé la création d’un « grand organisme d’inspection » au Premier ministère pour le contrôle de l’argent public notamment les grands marchés conclus par l’administration .

Les réserves de change sous pression

L’une des principales nouveautés annoncées par M. Tebboune à l’occasion du débat parlementaire est un peu passée inaperçue. Elle est pourtant de taille. « Le gouvernement vise un déficit dans la balance du commerce extérieur à moins de 10 milliards de dollars d’ici fin 2017 », a indiqué  le Premier ministre. Ce niveau de déficit commercial est basé sur la simple extrapolation des résultats des 5 premiers mois de l’année. Il signifie en réalité que le gouvernement a complètement renoncé à l’objectif (très peu réaliste) de ramener les importations à 35 milliards de dollars en 2017 et qu’il entérine un niveau d’importations probable de l’ordre de 45 ou 46 milliards de dollars pour l’année en cours. Il prend ainsi acte, incidemment, du fait que les licences n’ont pas permis de réduire les importations qui sont stabilisées depuis l’année dernière .

Cet objectif de déficit commercial a une autre conséquence importante sur le niveau des réserves de change que M .Tebboune a évalué à « 114 milliards de dollars ». Un chiffre qui est en réalité celui de fin 2016

Entre-temps, le gouvernement a continué à puiser dans ces réserves. Selon des sources spécialisées, elles se situent actuellement à environ 106 ou 107 milliards de dollars. Les réserves de change nationales devraient donc, selon toute vraisemblance, rester dès la fin de cette année et même descendre significativement sous  la barre symbolique des 100 milliards de dollars .

Sur cette pente, elles pourraient se situer aux alentours de 80 milliards de dollars à fin 2018- début 2019, c’est-à-dire à la fin du 4e mandat du président Bouteflika .

Un tel scénario entre-t-il dans la définition de la « préservation des réserves de change » évoqué par le dernier Conseil des ministres et sera-t-il entériné par le chef  de l’État ? L’option concurrente serait celle d’une réduction drastique des importations et du saut dans l’inconnu dans ce qui s’apparenterait à une « économie de guerre » comparable à la version prônée, sans succès, par Belaid Abdesselem au milieu des années 90.

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