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ENTRETIEN. Air Algérie, consulats : un député énumère les problèmes de la diaspora algérienne

ENTRETIEN. Air Algérie, consulats : un député énumère les problèmes de la diaspora algérienne

Abdelouahab Yagoubi est député à l’APN des Algériens de l’étranger (Zone 1 qui englobe Paris, le Nord et l’Est de la France). Dans cet entretien à TSA, ce parlementaire énumère les principales préoccupations qu’exprime régulièrement la diaspora algérienne en France en lien avec son pays d’origine.

Des délais d’attente très longs dans les Consulats aux prix élevés pratiqués par Air Algérie, en passant par les dysfonctionnements du système de réservation d’Algérie Ferries, le parlementaire pointe du doigt les nombreuses carences auxquelles fait face la diaspora algérienne.

– Quelles sont les principales préoccupations de la diaspora algérienne en France ?

Les préoccupations de notre communauté nationale à l’étranger sont connues et surtout récurrentes, mais malheureusement, on se heurte à l’incapacité du gouvernement à trouver des solutions appropriées et à apporter une prise en charge optimale, réelle et efficace à de simples attentes légitimes.

La communauté algérienne vivant à l’étranger, (dont 82% est installée en France), subit des problèmes structurels et d’autres conjoncturels.

Parmi les problèmes structurels figurent les carences qu’accusent nos administrations consulaires. Les Algériens de France se plaignent beaucoup des conditions d’accueil dans les consulats implantés dans les villes à forte présence de la communauté algérienne.

Que ce soit à Nanterre, à Créteil ou encore à Lille, nos concitoyens se pointent devant nos consulats de 5 heures jusqu’à 9 heures du matin, pour pouvoir enfin accéder à un service public.

Imaginez alors le calvaire des mères accompagnées de leurs enfants en bas âge, les personnes âgées, etc. Cela illustre les difficultés rencontrées par notre communauté émigrée.

L’Algérie est le seul pays au monde dont les ressortissants subissent ce traitement. Je ne jette la responsabilité ni sur nos diplomates, ni sur les agents consulaires contractuels qui travaillent dans ces structures, mais sur le gouvernement qui ne met pas les moyens nécessaires et qui reste immobile face à nos propositions visant à améliorer les conditions d’accueil que nous avons soumis à notre ministère des Affaires Étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger.

Nous sommes le seul pays au monde qui exige de ses ressortissants des passeports pour entrer sur le territoire national. Tous les autres citoyens du monde entrent dans leur pays sur une simple présentation de la carte nationale d’identité.

– Avant, les Algériens pouvaient rentrer au pays avec la présentation de la carte d’identité. Que s’est-il passé ?

Jusqu’à 2016, les Algériens pouvaient entrer sur présentation de la carte d’identité, avant qu’une instruction « provisoire » de l’administration vienne transgresser les conventions internationales et imposent aux citoyens algériens un passeport pour entrer sur le territoire national.

À l’époque, on nous disait que l’ancienne carte d’identité nationale était facilement falsifiable. Mais cet argument ne tient plus, car l’actuelle carte d’identité nationale algérienne est biométriquement sécurisée au même titre que le passeport.

Une simple annulation de cette instruction réduirait de deux tiers le nombre de personnes qui viennent chaque jour à nos consulats. Par ailleurs, pourquoi renouveler la carte d’immatriculation consulaire tous les 5 ans ?

Pourquoi on n’indexe pas la durée de validité de la carte consulaire avec celle du passeport et de la carte d’identité ? Dans certains pays, la carte d’identité est valable 15 ans.

– Les membres de la diaspora algérienne se plaignent des « prix élevés » pratiqués par Air Algérie et dénoncent « un manque de places dans les avions ». Qu’en pensez-vous ?

Les causes de ce problème sont connues. Nous sommes dans un marché aérien fermé. L’accord franco-algérien sur le transport aérien, signé en 2006, bride les possibilités d’ouverture à la concurrence aux compagnies aériennes low cost.

Le marché de transport aérien entre l’Algérie et la France est partagé à égalité entre les deux pays. C’est pour cela qu’on se retrouve avec des places limitées et qui sont à l’origine des prix élevés des billets d’avion.

Le coût de revient de référence internationale d’une heure de vol d’un Boeing 737 ou d’un Airbus A320 qui composent la majorité de la flotte aérienne d’Air Algérie, coûte 6 000 dollars, tous frais confondus (kérosène, maintenance, charges salariales du personnel navigant et au sol, taxes aéroportuaires y compris l’amortissement au sens comptable de l’appareil …).

Si on prend l’exemple du vol Paris-Alger, qui dure deux heures, le prix de revient est de 12 000 dollars. Un aller-retour revient à 24 000 dollars. Avec un taux de remplissage moyen de 50%, en divisant 24 000 dollars par 300 passagers, on obtient un prix de revient de 80 dollars par passager (l’équivalent de 70 euros).

Je vous laisse alors imaginer la marge excessive qui est pratiquée actuellement, quand on sait que le prix d’un vol Paris-Alger pratiqué atteint 700 euros en période estivale.

On est à dix fois le prix ! D’un côté, on ferme le marché par une décision administrative, y compris avec des accords comme celui signé en 2006, d’un autre côté, on parle de l’offre et de la demande ! On ne peut pas appliquer les règles de l’économie de marché dans un marché fermé ! C’est incompatible.

– Air Algérie vient d’affréter un nouvel avion et son PDG a promis récemment de faire baisser les prix sur la destination France ? Peut-il vraiment tenir sa promesse ? Ne faut-il pas augmenter l’offre de places ?

On ne peut pas commencer à chercher l’affrètement d’avions au mois de mars. On devait le faire dès la fin de la saison estivale précédente, soit en septembre ou en octobre pour avoir des appareils pour la saison suivante.

Malheureusement, chez nous, on attend toujours la dernière minute alors qu’il y a une forte pression sur la demande d’affrètement des avions.

– Algérie Ferries est aussi régulièrement critiquée par les usagers de la communauté émigrée pour « les dysfonctionnements » de son système de réservation. Quel en est votre avis ?

Algérie Ferries a connu six directeurs généraux depuis notre arrivée à l’APN. En moyenne, nous avons un nouveau directeur tous les six mois.

On ne peut pas avoir une stratégie pour une entreprise d’un secteur aussi stratégique en changeant de directeur tous les six mois !

En 2021, il y avait de gros soucis avec un logiciel de réservation finlandais, mis en place à Algérie Ferries sans tests de performance préalables. Deux ans après, le ministère a décidé de changer de logiciel jugé incompatible avec les besoins de la compagnie.

On a confié le développement d’un nouveau logiciel, à une filiale de Serport, le Groupe public algérien de gestion des services portuaires.

Lors d’une séance d’audition qui s’est tenue, mardi dernier, à l’APN, j’ai dit au ministre des Transports que les dysfonctionnements du système de réservation d’Algérie ferries sont clairement dus à l’absence de tests avant la mise en place du logiciel.

On m’a répondu que les tests ont été faits. Le lendemain de cette séance à l’APN, je me suis déplacé chez Serport, malheureusement, je n’ai pas pu rencontrer le chef du projet de ce logiciel pour avoir une réponse technique.

Je me suis alors dirigé vers le maître de l’ouvrage, c’est-à-dire Algérie Ferries où j’ai rencontré le directeur et la cheffe de projet. Et là, j’ai constaté que le projet n’a respecté aucune règle des fondamentaux de management de projet.

Il n’y avait pas eu de comités de suivi pendant le développement, ni de comités de projet, ni encore moins de comités de pilotage. Un « effet tunnel » a engendré à la fin un logiciel ouvert aux tests auprès des utilisateurs en grandeur nature !

On a bel et bien mis le logiciel en service directement sans test. On ne doit pas se contenter de dire qu’on a développé un logiciel avec des compétences nationales, ce qui est certes une vraie fierté, mais il faut respecter les règles de l’art et fournir un produit fiable pour éviter aux clients de se déplacer jusqu’à 400 kilomètres pour acheter un titre de transport.

Par ailleurs, il est à déplorer que l’agence Algérie Ferries de Paris est fermée depuis le 22 mars 2023 pour des travaux qui devraient durer trois semaines ! Or, depuis, on est déjà à un an de fermeture !

– Que pensez-vous des services portuaires et aéroportuaires en Algérie ?

On accuse du retard et les délais de traitement des passagers sont trop longs. Quand nos concitoyens débarquent au port de Marseille par exemple, à partir du garage du bateau, le passager met 10 minutes pour accéder à l’autoroute.

En revanche, en Algérie, le passager passe parfois jusqu’à 8 heures dans les ports pour entrer ou sortir. Les formalités au niveau de la Douane et de la PAF prennent beaucoup de temps. Parfois, les passagers attendent dans des zones qui ne disposent même pas de sanitaires.

Au niveau de l’aéroport d’Alger par exemple, j’ai dénombré 15 points de contrôle avant d’embarquer dans l’avion. Cette situation renvoie une image négative de notre pays.

– À quoi sert la Commission des Affaires étrangères, de la Coopération et de l’émigration de l’APN ?

Cette commission dont je fais partie est gelée. C’est une structure qui doit être dissoute, car depuis deux ans et demi, elle n’a même pas pu recevoir le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté algérienne à l’étranger.

Durant tout ce temps, elle n’a traité aucun dossier de coopération. Les députés de la communauté nationale de l’étranger ne peuvent même pas exposer en séance d’audition, au ministre de la Communauté nationale à l’étranger, les préoccupations de cette communauté.

Ces pratiques du gouvernement vis-à-vis des représentants du peuple algérien doivent cesser car le Parlement exerce une mission de contrôle de l’action du gouvernement et pas l’inverse. N’est-ce pas ! »

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