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Lutte contre les fausses importations : pourquoi le gouvernement fait fausse route

Lutte contre les fausses importations : pourquoi le gouvernement fait fausse route

Depuis maintenant plusieurs années, les autorités multiplient les mesures pour réduire la facture des importations et lutter contre les abus des importateurs. La dernière mesure en date concerne l’introduction des licences d’importations pour plusieurs produits. Cette mesure a l’avantage de ne pas être en contradiction avec les différents accords signés par l’Algérie (FMI, Union européenne…).

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Les limites des licences d’importations 

Mais cette mesure semble avoir atteint ses limites, de l’aveu même du gouvernement. Fin juin, lors de la présentation de son plan d’action devant les députés, Abdelmadjid Tebboune avait, en effet, fait un aveu : « Le gouvernement vise un déficit dans la balance du commerce extérieur à moins de 10 milliards de dollars d’ici fin 2017 ».

Ce niveau de déficit commercial, basé sur les données des 5 premiers mois de l’année, signifie que le gouvernement a complètement renoncé à l’objectif (très peu réaliste) de ramener les importations à 35 milliards de dollars en 2017 et qu’il entérine un niveau d’importations probable de l’ordre de 45 ou 46 milliards de dollars pour l’année en cours, soit le même montant qu’en 2016. Il prend ainsi acte, incidemment, du fait que les licences n’ont pas permis de réduire les importations qui sont stabilisées depuis l’année dernière .

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Pourquoi le système des licences ne parvient-il pas à réguler le commerce extérieur ? La réponse se trouve, en partie, dans l’ampleur de la fraude. D’abord, le système des licences a été en partie détourné. Exemple : « La banane est soumise aux licences. Mais un importateur de quincaillerie peut en importer aussi. Il suffit de payer un transitaire qui a de bonnes connexions avec le port et les douanes. Dans le conteneur de quincaillerie, l’importateur va glisser des cartons de bananes et le tout payé légalement via la banque en dinars convertibles », nous expliquait récemment un connaisseur du monde des importations.

L’informel encourage la fraude aux importations

Ensuite, plus globalement, une partie de la facture des importations est constituée de surfacturation. Au début de l’année, l’ancien premier ministre Abdelmalek Sellal avait estimé, lors d’un conseil de gouvernement, la part des surfacturations à 25% du montant pour certains produits. Ce chiffre n’a jamais été reconnu publiquement par les autorités.

Cette fraude aux importations est facilitée par plusieurs éléments : l’impossibilité de contrôler tous les conteneurs, la corruption élevée dans les ports mais surtout par l’absence de facturation sur le marché local. Une fois que la marchandise frauduleusement importée est introduite sur le marché, il devient impossible de la distinguer de celle importée légalement.

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La banane importée illégalement se retrouve sur les marchés à côté de celle importée légalement, sans possibilité de les distinguer, vu que les commerçants « achètent et vendent sans factures ». Dans ce contexte, s’attaquer aux fausses importations sans lutter contre l’informel, est tout simplement une perte de temps.

L’autre dossier auquel le gouvernement doit s’attaquer est celui du marché noir de la devise. Aujourd’hui, l’écart entre la cotation officielle de l’euro (123 dinars) et sa valeur sur le marché parallèle (194 dinars) avoisine les 60%.

Sur le marché noir, les transactions représentent plus de 5 milliards d’euros par an. Un marché colossal qui échappe au contrôle de l’État. Non seulement le Trésor public ne perçoit pas de taxes sur ces transactions mais l’existence du change parallèle est, aux côtés du besoin de se constituer des avoirs à l’étranger, la principale raison qui explique les surfacturations. C’est un appel à la surfacturation. Un importateur peut gagner des sommes colossales simplement en signant quelques documents au niveau de sa banque. Il n’a même pas besoin de vendre la marchandise qu’il importe. C’est ce qui explique les centaines de conteneurs abandonnés dans les ports.

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À plusieurs reprises, la Banque d’Algérie a botté en touche concernant l’instauration des bureaux de change. Les explications qu’elle fournit (l’absence d’un tourisme de masse) ne sont pas convaincantes. En plus d’encourager les surfacturations des importations, un marché parallèle des devises non-contrôlé est également un lieu pour blanchir l’argent de la drogue et de la corruption.

Beaucoup d’improvisation

Par ailleurs, la multiplication des mesures, parfois surprenantes, visant à contrôler le commerce extérieur donne l’impression que le gouvernement improvise beaucoup et ne sait pas quelle méthode appliquer.

Ces dernières années, le commerce mondial a beaucoup évolué, et avec lui les techniques de fraude. Les fonctionnaires des différents ministères ne sont pas outillés pour répondre efficacement à ce défi. Le gouvernement devrait s’attacher les services de cabinets mondiaux spécialisés et d’experts internationaux pour mettre en place une véritable stratégie globale.

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