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Endettement extérieur : un tabou qui a la vie dure

Endettement extérieur : un tabou qui a la vie dure

Ministère des Finances

À première vue, le débat est clos : il n’est pas question de recourir à l’endettement extérieur au cours des prochaines années. Les deux derniers Conseils des ministres ont rappelé les orientations du chef de L’État dans ce domaine et le plan d’action du gouvernement Ouyahia le confirme. Mais les choses ne sont peut-être pas tout à fait aussi claires qu’elles le paraissent.

On peut tout d’abord rappeler que c’est M. Ouyahia lui-même qui, voici un peu plus d’une année, déclarait publiquement que l’Algérie « pourrait recourir à l’endettement extérieur mais pour quelques projets stratégiques seulement ». Il est vrai que le contexte de cette déclaration était, en 2016, celui d’une sorte de « libération de la parole » des responsables politiques et économiques algériens sur ce sujet très sensible.

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2016, l’endettement extérieur « dédiabolisé »

Au début de l’année 2016, le recours au financement extérieur avait commencé à être évoqué sans complexe par certains membres du gouvernement Sellal. L’ancien ministre du Commerce, Bekhti Belaïb, avait ouvert la voie en expliquant qu’il ne fallait plus « diaboliser l’endettement extérieur ».

Le ministre des Finances de l’époque, Abderrahmane Benkhalfa, avait été plus précis en déclarant à la Radio nationale : « La dette n’est pas un tabou, pourvu qu’elle n’apporte pas de risques, n’entraîne pas la garantie de l’État, qu’elle ne soit pas conditionnée et qu’elle soit calibrée par rapport aux rendements ».

L’ancien ministre des Finances soulignait sur sa lancée qu’« une dette bien ancrée sur un projet rentable, quelle que soit son origine, interne ou externe, n’est pas une mauvaise voie, mais une voie d’avenir ».

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Des paroles aux actes

Cette remise en cause d’un « tabou présidentiel », qui datait de plus d’une décennie et avait été inauguré par le remboursement anticipé de la dette extérieure algérienne au cours de l’année 2005, ne s’est pas limitée à de simples paroles.

Le 17 février 2016, on annonçait de façon très officielle que l’Algérie venait de formaliser sa décision de recourir à des emprunts extérieurs pour le financement d’un projet d’équipement. Il s’agissait du nouveau port commercial du Centre, prévu à Cherchell. Le coût du projet, très élevé, était évalué à 3,3 milliards de dollars et devait être soutenu financièrement grâce à un crédit chinois à long terme.

Voici une dizaine de mois, c’était au tour de la Banque africaine de développement (BAD) d’annoncer l’approbation par son Conseil d’administration, le 2 novembre 2016, d’un prêt de 900 millions d’euros à l’Algérie. Un prêt accordé à des conditions « exceptionnellement avantageuses« , selon le représentant de la BAD à Alger, M. Traore, avec « un taux d’intérêt inférieur à 2% et un remboursement sur 20 ans plus un différé de cinq ans ».

Le prêt visait, selon la BAD, à « assurer une consolidation budgétaire par l’amélioration de la mobilisation des recettes intérieures et la rationalisation des dépenses ». Il visait également, poursuivait-elle, à « améliorer le climat des affaires grâce à l’ouverture de l’économie, à l’amélioration du cadre de l’initiative privée et de l’activité économique », ainsi qu’à « améliorer l’efficacité du secteur de l’énergie et promouvoir les énergies renouvelables pour une offre énergétique durable ».

Pour beaucoup d’observateurs de l’économie algérienne, ces deux opérations semblaient annoncer la « fin du tabou de l’endettement extérieur » et l’ouverture d’un nouveau cycle de coopération plus soutenu à la fois avec les institutions financières internationales et des bailleurs de fonds internationaux, chinois principalement.

Été 2017, retours à la case départ

Mais depuis le début de l’été 2017, en dépit d’une situation financière qui est décrite par le gouvernement lui-même comme de plus en plus « tendue » et « préoccupante », on semble assister à un nouveau durcissement de la doctrine des autorités algériennes dans ce domaine.

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Le plan d’action du gouvernement Ouyahia, qui sera débattu à partir de lundi prochain au Parlement, rappelle de façon très lapidaire que « le chef de l’État a prohibé de nouveau tout recours à l’endettement extérieur en chargeant le gouvernement de promouvoir, à titre exceptionnel, des financements internes non conventionnels, qui pourraient être mobilisés pendant une période de transition financière ». La parenthèse de l’année 2016 est-elle ainsi refermée ? Peut-être pas.

Le port de Cherchell, en attendant d’autres projets ?

Le plan d’action du gouvernement Ouyahia mentionne en effet, toujours parmi ses priorités, la réalisation du port d’El Hamdania à Cherchell et le ministre des Transports a déclaré, pas plus tard que la semaine dernière, que « les travaux de réalisation doivent commencer dans les plus brefs délais ».

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Rappelons qu’un protocole d’accord a été signé début 2016 à Alger, qui établit la création d’une société de droit algérien composée du Groupe public des services portuaires et des deux compagnies chinoises, qui sont CSCEC (China state construction corporation) et CHEC (China harbour engineering company).

« Ce projet, dont le coût est estimé à 3,3 milliards de dollars, sera financé dans le cadre d’un crédit chinois à long terme », avait fait savoir le directeur des ports au ministère des Transports, Mohamed Benboushaki, lors de la signature du « mémorandum d’entente » qui prévoit la réalisation du futur port d’El Hamdania dans un délai de sept ans, parallèlement à sa mise en service progressive, dans quatre ans, avec l’entrée d’une compagnie chinoise, Shanghai Ports, qui assurera son exploitation, selon le même responsable.

Le financement de la construction du port de Cherchell restera-t-il une « exception », compte tenu des faibles taux d’intérêt appliqués par la Chine et de la qualité des relations entre les deux pays, comme le suggèrent pour l’instant les pouvoirs publics algériens ? Ou bien, n’est-il que le premier d’une longue série ? Dans de nombreux secteurs, des projets sont en attente.

Ils concernent en premier lieu l’énergie avec les plans d’investissements colossaux de Sonatrach et Sonelgaz qui paraissent très loin d’avoir trouvé des sources de financements, en dépit des déclarations rassurantes des responsables du secteur.

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Dans ce domaine, la Banque africaine de développement (BAD) avait rappelé récemment sa disponibilité et l’existence de contacts avancés avec les autorités algériennes.

Le secteur des transports est également concerné, au-delà de l’ « exception » du port de Cherchell, avec les projets de l’introduction du péage sur l’autoroute Est-Ouest ou encore de l’extension du métro d’Alger et la réalisation du métro d’Oran qui ont été évoqués au cours des derniers mois par les responsables du secteur et pour lesquels une « coopération technique » avec la Banque mondiale a été également envisagée dans une période toute récente.

Avec la Banque européenne d’investissement (BEI), pour l’instant, la coopération reprend tout doucement et de façon très modeste. C’est ainsi qu’un accord axé sur la sécurité routière a été signé entre l’Algérie et la BEI voici à peine quelques semaines. L’institution de financement à long terme de l’UE va financer une étude sur les normes de sécurité du tronçon de l’autoroute trans-maghrébine (reliant les pays du Maghreb) dans la partie algérienne.

Pour résoudre l’équation devenue compliquée du financement des investissements publics, il faudra, selon beaucoup de spécialistes, multiplier dans la période à venir les solutions en renonçant en chemin à un certain nombre de dogmes. Au premier rang d’entre eux figure l’interdiction de l’endettement extérieur.

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